Sur les routes de Russie, depuis les montagnes de Kabardino-Balkarie à la frontière géorgienne vers les côtes de la mer de Barents, un père (Gela Chitava) et sa fille (Maria Lukyanova) voyagent à bord d’un van à bout de souffle. En chemin, lors de haltes dans des villages perdus, ils déploient un écran blanc pour la projection de films.
Première fiction du réalisateur de documentaire Ilya Povolotsky, La Grâce suit l’errance de deux êtres, le père et sa fille, qui semblent avoir reçu le silence en héritage. Une quasi absence de dialogues mais un fil narratif très précis enrobent cette œuvre lente et contemplative. Stupéfiante de beauté, la pellicule du chef opérateur Nicolai Zhedulovich capte à la fois le doux visage de la jeune fille et les majestueux paysages de montagnes de ces terres oubliées où, dans les petits villages, le cinéma itinérant reste un événement. Ces scènes émouvantes, lorsque les spectateurs assistent au projections munies de leurs chaises, renvoient au cinématographe du début du XXe siècle, lorsqu’il n’est pas alors élevé au rang d’art et demeure encore un spectacle de foire.
Doté d’un indéniable sens du cadre qui rappelle évidemment Andreï Tarkovski (1932-1986), Ilya Povolotsky, né à Izhevsk en 1987, n’est pas seulement un pur formaliste. Le lien qui unit silencieusement ce père et son adolescente, dont on ne connaît pas même les prénoms, traduit l’émouvant récit d’une absence, celle de l’épouse et mère.
Œuvre rare et exigeante, La Grâce renvoie certainement à cette adolescente aux cheveux blonds, qui, parallèlement aux étapes effectuées dans les trous perdus du vaste et rugueux pays, engage son propre chemin d’apprentissage et d’émancipation. Contemplant le monde de ses yeux clairs, immortalisant visages et paysages avec son appareil polaroïd, son mutisme évoque pourtant un espoir. La scène finale conclut magnifiquement le dernier voyage et laisse entrevoir un cheminement personnel.
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