Espagne catholique, XVIIème siècle. Un nourrisson est déposé au pied d’un monastère. Devenu adulte, Ambrosio est le moine le plus fervent de l’institution, respecté des siens, admiré de la communauté des croyants par ses prêches rigoristes. Un jour, un jeune novice, caché sous un masque en raison d’une plaie au visage, rentre au monastère pour y faire son apprentissage. Les tourments vont alors s’emparer d’Ambrosio.
C’est la seconde adaptation au cinéma de l’œuvre de Matthew Gregory Lewis, publiée en 1796, devenue livre de chevet de générations d’adolescents et jeunes adultes. La première date de 1973 pour un film d’Ado Kyrou (sur un scénario de Luis Buñuel et de Jean-Claude Carrière). Le livre étant foisonnant, impliquant le Bien et le Mal, il n’était pas aisé de l’adapter à l’écran. Le cinéaste Dominik Moll, après « Harry, un ami qui vous veut du bien » et « Lemming » y parvient grâce à un scénario épuré, même s’il mêle deux histoires parallèles qui se rejoignent, et à une magnifique référence picturale: « Le Moine » oscille ainsi entre ombre et lumière, entre cruauté et innocence.
Dominik Moll a choisi Vincent Cassel, acteur habitué à des personnages plus extravertis, pour incarner le moine Ambrosio. Le comédien parvient, dans un corps crispé et droit, à transmettre au spectateur ses tourments et sa folie amoureuse. Déborah François, derrière sa beauté laiteuse et charnelle ainsi que la lumineuse Joséphine Japy (une révélation, elle jouait la petite fille des « Âmes grises ») sont les deux objets de la tentation d’Ambrosio.
« Le Moine » a été tourné en Espagne ainsi que dans l’abbaye de Fondfroide, située à quelques kilomètres de Narbonne ainsi que dans les Pyrénées Orientales, au Fort Bellegarde du Perthus. Il faut saluer l’attention portée au minimalisme des décors et costumes ainsi qu’à la magnifique image à la fois obscure (dans un cimetière, dans l’ombre du cloître, lors d’une procession dédiée à la Vierge Marie) et éclatante sous le soleil de l’Espagne. La musique d’Alberto Iglesias, compositeur attitré des films de Pedro Almodovar, renforce un univers fait de cieux tourmentés et pouvoirs surnaturels.
Le film de Dominik Moll est une très belle œuvre picturale qui sert une intrigue démoniaque.
Extrait du psaume raconté dans Le Moine:
Je suis à bout de forces,
Mes os sont brisés,
Mon âme est bouleversée.
Reviens, et délivre mon âme,
Sauve-moi, en raison de ton amour.
Je songe à toi sur ma couche,
Mon âme se presse contre toi,
Ta droite me sert de soutien.
Protégez-moi des ouvriers du mal.
Voici qu’ils guettent mon âme,
Ils reviennent au soir, ils rôdent par la ville,
Tant qu’ils n’ont pas leur soûl, ils grondent.
Tu me tires du gouffre tumultueux,
De la vase, du bourbier.
Et moi, je chanterai ta force,
J’acclamerai ton amour au matin.
Oh ma force, pour toi je jouerai.
Oui, c’est toi ma citadelle,
Le Dieu de mon amour.
Ci-dessus: dans un jardin délicieux, la lumineuse Antonia (Joséphine Japy) est l’objet des tourments d’Ambrosio (Vincent Cassel).
Ci-dessus: « Le Moine » multiplie les références à l’univers gothique du roman, notamment les errements au clair de lune dans un cimetière.
Ci-dessus: Dans le roman de Matthew G. Lewis, l’objet du désir d’Ambrosio se cachait sous une cape. Dans le film de Dominik Moll, c’est derrière un étrange masque surréaliste qu’il se dissimule.
Copyright photos: Mickaël Crotto.
Merveilleux film , le livre doit aussi être très bien!