Imaginons-nous en 1981: les spectateurs des salles obscures françaises découvrent, plus de vingt ans après sa sortie, le film inédit de Satyajit Ray, Le Salon de musique (Jalsaghar). Il est certain qu’ils ont été hypnotisés et émerveillés, à l’instar des spectateurs d’aujourd’hui et de demain, par cette œuvre crépusculaire – l’une des plus connues du grand maître du cinéma indien – qui ressort sur les écrans en version restaurée par Les Acacias.

Sur la terrasse de son palais délabré, un homme repense à son passé. Propriétaire terrien d’extraction noble, Biswambhar Roy (Chhabi Biswas) rejoue les soirées d’antan où il organisait de fastueuses et coûteuses réceptions dans son salon de musique. Après un drame familial, le seigneur ruiné vit reclus à l’étage de sa demeure. Ultime geste d’élégance devant l’inéluctable déchéance, Biswambhar Roy rouvre son salon de musique pour un dernier concert.

Souvent mis en parallèle avec Mort à Venise (1971) de Luchino Visconti, le film de Satyajit Ray installe son héros décadent dans un espace défini: son majestueux palais. Personnage à part entière du film, la grande demeure concentre tout ce qui reste d’une aristocratie désargentée, esthète et méprisante, qui annonce la fin de sa descendance. Huis clos au noir et blanc somptueux et aux riches partitions musicales, Le Salon de musique subjugue par la finesse de sa mise en scène et par l’interprétation magistrale de Chhabi Biswas qui incarne un prince aussi arrogant qu’attachant.

Ravissement pour les sens, ce chef d’œuvre hypnotique, fable métaphorique encore d’actualité sur la fin d’une civilisation et l’avènement d’une nouvelle ère, est à découvrir – ou redécouvrir – dans sa belle version restaurée.

Critique du film indien Le Salon de musique de Satyajit Ray

Critique du film indien Le Salon de musique de Satyajit Ray