Il ne leur reste comme moyen d’expression que la haine et la violence: les enfants d’une cité de Montfermeil dans le département de Seine Saint-Denis, le temps d’une journée caniculaire, embrasent les grands ensemble dans lesquels ils vivent à quelques kilomètres de Paris et au lendemain de la victoire de l’équipe tricolore au Mondial de Football.

Auréolé du Prix du Jury au dernier festival de Cannes et porté par une presse dithyrambique, le premier long-métrage de Ladj Ly possède des qualités indéniables, notamment celles d’immerger ses spectateurs dans le quotidien de trois policiers de la BAC (brigade anti-criminalité) confrontés aux violences des quartiers. Le cinéaste reprend le procédé de Gus Van Sant dans « Elephant » (2003), à savoir les quelques moments des protagonistes (policiers et enfants des cités) à quelques heures du drame annoncé. On pense également au premier succès international de Spike Lee « Do the right thing » (1989) qui, le temps d’une canicule, mettait en confrontation des jeunes de Brooklyn avec la police.

La mise en scène efficace des « Misérables », l’interprétation très juste de l’ensemble des comédiens et la montée graduelle de la violence sonnent comme un réel  électrochoc dans la production française. Désespérés, les protagonistes des « Misérables » ne s’expriment que par la haine, mettant le dialogue et la réflexion de côté. Seul le personnage du « petit nouveau » arrivé de Cherbourg, Stéphane (Damien Bonnard), propose une alternative aux accommodements et aux arrangements, sur le terreau de la misère sociale, des uns avec les autres: salafistes, policiers, dealers, médiateurs des quartiers…

On peut reprocher à Ladj Ly une vision principalement tournée vers la violence, sans autre alternative, et un traitement assez bienveillant des dangereux radicaux religieux par rapport aux autres groupes sociaux (policiers, dealers, médiateurs). « Les Misérables » dénonce toutefois les vraies victimes de ce marasme social: les enfants de la République, sans projets, sans idéaux, sans espérances, sans rêves.