C’est le retour des « vieux de la vieille » du cinéma US, ceux qui ont incarné ce renouveau dans les années 1970. Abel Ferrara nous a récemment livré sa vision de la fin du monde avec « 4h44, dernier jour sur terre« , Francis Ford Coppola une version expérimentale des films de vampire avec « Twixt« . A 73 ans, Brian de Palma revisite quant à lui ses propres films d’horreur, devenus des classiques du genre. Produit par le français Saïd Ben Saïd, « Passion » est un remake de l’ultime film écrit par Alain Corneau, « Crime d’Amour », interprété par Kristin Scott-Thomas et Ludivine Sagnier.

Dans les bureaux berlinois d’une agence de communication internationale, Christine (Rachel McAdams) et Isabelle (Noomi Rapace), respectivement la directrice et son assistante, s’apprêtent à se livrer un sanglant combat sous fond de guerre de pouvoir. Entre manipulation et jeux sexuels, la blonde et la brune, telles des mantes religieuses, s’entre-dévorent écartant tous les protagonistes masculins sur leur passage.

L’adaptation du film d’Alain Corneau est assez fidèle: le spectateur qui a en tête « Crime d’amour » n’aura malheureusement pas l’effet de surprise des basculements de situation. Certains dialogues sont même strictement identiques. Mais Brian de Palma est un cinéaste malin: respectant l’œuvre du cinéaste français, il a ajouté son propre univers: alors que le film d’Alain Corneau est glacial dans un univers aseptisé, le film de Brian De Palma est d’une totale extravagance. Il rappelle même l’univers d’un autre vétéran, Dario Argento. « Passion » va également plus loin dans les jeux sexuels et la perversion en faisant du personnage de l’assistant d’Isabelle dans le film de Corneau, une femme.

Fou de jazz, Alain Corneau avait placé dans son « Crime d’Amour » des plages musicales de Pharoah Sanders. Brian de Palma a fait appel à son fidèle Pino Donaggio qui compose une musique assez délirante, toute droite sortie des années 1980.

Dans « Passion », Brian de Palma rend surtout un très bel hommage à ces films noirs des années 1950: les plans à mi-hauteur, les cages d’escaliers circulaires, les ombres striées des stores qui se reflètent sur les décors et les visages… Avec ingéniosité, le cinéaste renoue avec le thriller et n’oublie pas ses maîtres, qu’ils s’appellent Alfred Hitchcock ou Georges Franju (le masque des « Yeux sans visage » est terrifiant).

« Passion » est ainsi un film jouissif d’un cinéaste libre qui s’adonne ici à ses propres obsessions, qu’elles soient saphiques ou meurtrières.