L’année 1993 est celle qui inspire deux grands films français: « 120 battements par minute » ovationné l’année dernière et aujourd’hui « Plaire, aimer et courir vite ». Ces deux œuvres voient leurs protagonistes évoluer au cœur des années 1990, les années sida. Alors que le premier film traitait du combat des militants d’Act’Up contre le fléeau engendré par l’épidémie, le film de Christophe Honoré narre une rencontre amoureuse entre Arthur, un étudiant rennois (Vincent Lacoste) et Jacques, un écrivain de quinze ans son aîné (Pierre Deladonchamps).

En cette fin de siècle, les recherches sur la guérison des hémophiles n’a pas aboutie et les malades meurent, fauchés en pleine jeunesse. Christophe Honoré évoque d’ailleurs dans son film, par des photographies ou des recueils, les écrivains Bernard-Marie Koltès (mort en 1989 à 41 ans), Hervé Guibert (mort en 1991 à 38 ans) et Jean-Luc Lagarce (mort en 1995 à 38 ans). Une génération de jeunes hommes, anonymes ou pas, meurt et la France l’ignore.

Dans son long récit – plus de deux heures, Christophe Honoré narre la rencontre entre deux hommes de générations différentes qui ont le point commun de vivre harmonieusement, malgré l’épidémie, leur homosexualité. Rencontres furtives la nuit sous les réverbères ou dans les boîtes de nuit, on pense évidement à « Querelle » (1982) de Rainer Werner Fassbinder. Les clins d’œil à François Truffaut ne sont pas loin non plus dans cette romance initiatique où la solidarité homosexuelle prime: le voisin (excellent Denis Podalydès) de la Tour Albert, dans le 13ème arrondissement de Paris, où se situe l’appartement parisien de Jacques, complète le duo amoureux.

Touché par la grâce, n’oubliant pas l’humour qui, ici, est teinté de cynisme et de noirceur, « Plaire, aimer et courir vite » revient sur un temps révolu, il y a seulement vingt-cinq ans, où « la maladie des homosexuels » s’emparait de jeunes gens dans le silence le plus absolu. Christophe Honoré réussit à insuffler espoir et joie dans un film bercé d’une douce mélancolie.