Une nouvelle pépite du cinéma transalpin ressort en salles et en DVD grâce à l’éditeur et distributeur Tamasa. Sortie en 1970, « Venez donc prendre le café chez nous » est inspiré du roman « La Spartizione – Le Partage » de Piero Chiara et édité en 1964. Le réalisateur Alberto Lattuada, auquel la Cinémathèque française rend hommage, s’est emparé de ce récit hilarant et en a confié le rôle principal au génial Ugo Tognazzi, le comédien aux quatre-vingt films.

Emerenziano (Ugo Tognazzi) est un petit fonctionnaire affable dans la petite bourgade de Luino, au bord du lac Majeur. L’homme d’âge mûr a gravi un à un les échelons de l’administration à travers différentes mutations. A maintenant cinquante ans, l’éternel célibataire souhaite s’installer définitivement et appliquer la « théorie des trois C » – caresse, chaleur, confort – issue d’un vague manuel de vie qu’il suit attentivement. Épluchant la situation fiscale de trois sœurs héritières, le sous-chef de l’hôtel des impôts voit bien l’avantage qu’il pourrait tirer en épousant l’une des trois. Emerenziano arrive sans mal aucun à se faire inviter pour le café et à s’introduire dans l’intimité de la grande maison, mais il doit satisfaire les trois femmes…

Les personnages de minables dandys sont courants dans la comédie italienne de la grande époque: Emerenziano, magnifiquement interprété par Ugo Tognazzi, ressemble étonnement à son cousin sicilien Ferdinando Cefalù joué par Marcello Mastroianni dans « Divorce à l’italienne » de Pietro Germi (1961). Même vulgarité derrière des apparences chics, même obsession du confort bourgeois, mêmes calculs pour jouir d’un statut social.

Alberto Lattuada croque une société petite-bourgeoise, calculatrice et égoïste, où ni le fonctionnaire, ni les trois sœurs, ni même le voisin antiquaire n’échappe aux bassesses et aux lâchetés de leurs conditions. Seule la domestique, qui observe le cirque dans la maisonnée, reste distante voire amusée de la dépravation et la vulgarité de ses maîtres. Avec son récit savoureux, son jeu d’acteur sublime  – avec un Ugo Tognazzi en tête – ainsi que ses scènes hilarantes (le fastueux dîner qui annonce clairement « La Grande bouffe » de Marco Ferreri trois ans plus tard), ce film d’un cinéaste éclectique est un pur moment de brillante comédie.