A Brooklyn, la strip-teaseuse Anora (Mikey Madison) rencontre Vanya (Mark Eydelstheyn), le fils d’un oligarque russe. Le conte de fée débute dans la villa du jeune homme et se poursuit jusqu’à Las Vegas où les deux amoureux s’unissent. C’était sans compter les hommes de mains des parents de Vanya, prêt à tout pour rompre le contrat de mariage.

Auréolé de la récompense suprême au festival de Cannes 2024, Anora arrive sur les écrans et emporte son spectateur dans le tourbillon des gosses ultrariches: argent, fêtes, alcool, sexe et drogues. Cette jeunesse dorée est incarnée par Ivan, un jeune homme immature en froid avec ses parents restés en Russie. Lorsqu’il rencontre dans un club érotique de Manhattan la seule escort américaine qui parle le russe, il lui propose de devenir « sa petite amie chaudasse » moyennant 15 000 dollars par semaine. Le rêve est trop beau pour celle qui n’a que son corps comme outil de travail.

Plus dure sera la chute lorsque la longue frénésie de fêtes et d’alcool retombe et que, dans de pures scènes de comédie, les molosses du père de Vanya s’en mêlent. C’est dans cette seconde partie que le cinéaste explore les « oubliés de l’Amérique » incarnés ici par Ani. La jeune femme a certainement cru au nouveau rêve américain – de l’argent facile et tout de suite – et encore plus à l’amour officialisé par un mariage à Las Vegas.

Seule contre tous, Anora, magnifiquement interprétée par Mikey Madison, met tout en œuvre pour garder sa dignité. Encore illusionnée par sa parenthèse enchantée, elle rejette la solidarité de classe que lui propose pourtant Igor (excellent Youri Borissov révélé dans Compartiment n°6, Juho Kuosmanen, 2021).

Entre comédie et drame, Sean Baker n’est jamais aussi bon que lorsqu’il filme cette gueule de bois vécue par la jeune femme: les illusions de l’ultra-libéralisme, l’assignation à sa classe sociale et les lâchetés de son amoureux. Déconstruisant l’Amérique des possibles où l’enrichissement est désormais bâti sur le capitalisme le plus sauvage, le cinéaste américain brosse également un beau portrait de femme et révèle la palette de talents de Mikey Madison.