Paul est cadre dans une banque d’affaires internationale, située à Annecy. Paul, la cinquantaine, se rend comme tous les matins au bureau. Ce matin-là, Paul arrive au bureau avec une arme.
Sans révéler ici l’intrigue du film de Jean-Marc Moutout, les cinq premières minutes du film commencent par l’acte criminel que Paul, incarné par Jean-Pierre Darroussin, va commettre. Les flash-backs nous renvoient à la vie de ce dernier, brillant chargé de clientèle, homme loyal et mari aimant. Comment en est-il arrivé-là?
Déjà dans son excellent film « Violence des échanges en milieu tempéré » Jean-Marc Moutout pointait du doigt les aberrations managériales et les méthodes cyniques des entreprises pour engranger encore plus de profits, au détriment des forces vives de l’entreprise. Ici, dans « De bon matin », le cinéaste pousse encore plus loin le malaise en armant son protagoniste. Déstabilisé par des managers venus de la capitale, Paul perd ses repères qu’il a construits tout le long de sa vie professionnelle et personnelle. A une période charnière de sa vie (la cinquantaine, un fils qui semble prendre son envol, un couple qu’il faut consolider), Paul, homme profondément humain, valeureux et touchant, fait le point sur sa vie. Une magnifique scène de nuit, lorsque Paul appelle de son bateau son ami d’enfance qu’il n’a pas revu depuis 26 ans.
En face de lui, deux hommes pilotés par leur hiérarchie décident sans pitié ni morale de ce microcosme: Alain Fisher et Fabrice Van Listeich. Les impeccables Xavier Beauvois (à l’affiche également de « L’Apollonide« ) et Yannick Renier (génial dans « Nue Propriété » et « Élève libre« , son frère Jérémie Renier jouait déjà dans « Violence des échanges en milieu tempéré ») incarnent ces missionnaires immoraux.
Tourné en majeure partie dans la région d’Annecy, en Haute-Savoie, le réalisateur a su capter une forme oppression avec les montagnes brumeuses que Paul dépassera en voguant librement sur le lac, autour des siens.
C’est peut-être ici le rôle le plus accompli de Jean-Pierre Darroussin, qui trace depuis des années une voie singulière dans le cinéma français. Ses rôles deviennent exigeants, profonds, mélancoliques et optimistes à la fois. Depuis « Feux Rouges », adapté de Simenon, en passant par sa propre réalisation « Le Pressentiment », à « L’Armée du crime » ou au récent « La Dame de trèfle », Darroussin surprend encore et toujours.
Un film sans concession, sans issue optimiste, radical et poignant.
Ci-dessus: Les excellents Jean-Pierre Darroussin et Xavier Beauvois.
Ci-dessus: « De bon matin » est tourné à Annecy ainsi qu’à Sevrier sur les bords du lac.
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