Les ânes sont rarement les têtes d’affiche de longs métrages de cinéma. Bien sûr Au hasard Balthazar (1966) de Robert Bresson avec la toute jeune Anne Wiazemsky ou encore Antoinette dans les Cévennes (2020) de Caroline Vignal avec Laure Calamy. Dans Hi-han (EO), le cinéaste octogénaire Jerzy Skolimowski fait de son équidé le héros malheureux d’un monde cruel.

Alors qu’il accompagne la belle Kasandra (Sandra Drzymalska) dans son numéro de cirque, EO est retiré des forains et placé dans une ferme. Le souvenir de la douceur féminine de sa maîtresse le pousse à s’enfuir sur les routes. EO découvre le monde sombre et violent d’une espèce animale nuisible: les humains.

En activité depuis le début des années 1960, le réalisateur polonais de Deep end (1970) a remporté le Prix du jury au dernier festival de Cannes. Conte noir, presque fantastique, EO propose une allégorie originale de l’ignoble humanité, mettant en scène les exactions commises contres les apatrides et exilés, nulle part bienvenus.

Avec son tourbillon d’images, sa musique omniprésente et ses effets de mise en scène, Jerzy Skolimowski est loin des partis pris formels d’un Robert Bresson. C’est ce qui plombe quelque peu cette proposition de cinéma, courageuse mais oppressante.

Pourtant, on reste ému par le sombre destin de l’âne qui, dans la poignante dernière scène, rejoint le héros du film de Joseph Losey Mr. Klein (1976). Sombre, EO ne donne aucune lueur d’espoir pour le prédateur qui sévit depuis trop longtemps sur Terre: l’Homme. La douceur féminine changera t-elle le monde?