Il Boemo – celui qui vient de la Bohême -, c’est Josef Myslivecek (1737-1781), compositeur praguois qui, à l’âge de 27 ans, débarque à Venise dans le but de perfectionner son œuvre chez le maître Giovanni Battista Pescetti. Fils de minotier, le beau jeune homme (Vojtěch Dyk) vit dans la précarité et, pour arrondir ses fins de mois, donne des cours de musique à de jeunes femmes issues de l’aristocratie. Soutenu justement par les femmes – sortes de mécènes avant l’heure -, le maestro est appelé à Naples pour écrire le premier opéra du règne de Ferdinand IV. L’ascension fulgurante d’Il Boemo, ses compositions qui ont inspirées Mozart et ses conquêtes féminines sont autant de succès du jeune maestro avant une impitoyable déchéance.

Le réalisateur tchèque Petr Vaclav, qui avait réalisé un beau portrait de femme, Zaneta, en 2015, nous offre le passionnant biopic d’un artiste aujourd’hui oublié. Cet anti-Amadeus (Miloš Forman, 1984) privilégie la sobriété dans sa mise en scène et le naturalisme dans son sujet: les artistes, miséreux, ne survivent que grâce à des mécènes ou des commandes; les femmes, malmenées, sont en quête d’émancipation et l’aristocratie, décadente, utilise l’art comme un théâtre social.

Portrait d’artiste et aussi et surtout sensible portrait de femmes – la jeune élève (Federica Vecchio), la cantatrice Caterina Gabrielli (Barbara Ronchi), la noble vénitienne (superbe Elena Radonicich) et l’aristocrate Anna Fracassati-Manciniani (Lana Vlady) – qui luttent pour exister au sein d’un monde dominé par la caste masculine. Nuancé dans les descriptions de ses personnages, Petr Vaclav parvient même à rendre attachant le roi Ferdinand (Mirko Ciccariello), vulgaire monarque peu à peu touché par la sensibilité de son art.

Avec ses décors épurés, Il Boemo laisse une grande place aux partitions et aux extraordinaires scènes d’opéra d’un homme touché par la grâce et le malheur de ne pas avoir existé: alors que son visage s’efface derrière la syphilis, celui, poupin, de Mozart irradie le monde.