Le cinéaste Pierre Jolivet est à l’image du héros de son dernier film « Jamais de la vie » : un réalisateur aujourd’hui un peu  isolé et sous-estimé dans le cinéma français, qui a connu son heure de gloire jadis avec le succès « Ma Petite entreprise ». Son héros Franck, la cinquantaine cabossée, est un agent de sécurité de nuit dans un centre commercial. Ancien leader syndical, Franck survit dans la précarité – bien décrite – grâce à ce CDD. Épris de solidarité, il dépanne à ses heures perdues son entourage en réparant des objets électroniques. Ne supportant pas la misère sociale et regrettant l’entraide et le collectif syndical, un caillou va bientôt interrompre la réinsertion de cet homme brisé.

Comme dans « Fred » du même Jolivet sorti il y a presque vingt ans, « Jamais de la vie » oscille entre polar et film social. Franck, interprété brillamment par Olivier Gourmet, est un homme solitaire et bourru, qui renaît socialement après une vie mouvementée dans le syndicalisme. Avec une atmosphère à la Simenon, Pierre Jolivet dépeint parfaitement cette nostalgie d’un temps révolu, où le collectif l’emportait sur l’individualisme, où les luttes sociales prenaient la forme de luttes de classe.

Le cinéaste aime les héros populaires à l’ancienne, droits, loyaux et légèrement anars sur les bords. Bien que son Franck « n’aime pas la police » , il accepte ce poste de vigile afin de survivre dans cette société en crise.

Personnage plutôt bien brossé dans ses failles et son humanité, le film de Pierre Jolivet reste quelque peu surfait, ses dialogues parfois faciles. Mais l’interprétation d’Olivier Gourmet, en homme désespéré et désillusionné, et la radicalité noire de Jolivet donnent une grande force à un film juste et terriblement sombre.