Il y a quelques semaines, Pierre Jolivet nous plongeait avec « Jamais de la vie » dans l’univers lugubre d’un centre commercial avec, en vigile de nuit, l’excellent Olivier Gourmet dans le rôle principal de ce polar social. Aujourd’hui, c’est Vincent Lindon, fraîchement auréolé d’un prix d’interprétation à Cannes, qui endosse le costume d’un agent de sécurité contraint de traquer et dénoncer les vols à l’étalage commis par des gens souvent dans le besoin.
Stéphane Brizé confirme avec « La Loi du marché » un cinéma brut et percutant comme il l’avait démontré avec son dernier opus, « Quelques heures de printemps » , interprété par une une magnifique Hélène Vincent et un sensible Vincent Lindon.
Tourné dans des conditions quasi-réelles, avec des acteurs non-professionnels et de véritables salariés du supermarché du Val d’Yerres en banlieue parisienne, « La Loi du marché » est un brûlot cinglant sur la déshumanisation du travail à travers un personnage, Thierry (Vincent Lindon, le seul acteur professionnel), un laissé pour compte de notre société. Quinquagénaire et chômeur de longue durée, Thierry trouve in fine, grâce à un Pôle Emploi dépassé par les événements, un emploi de vigile, forcément sous-rémunéré par rapport à son expérience. Il devra accepter non seulement de veiller à la sécurité du supermarché mais aussi de traquer les vols à l’étalage parfois commis par les employés. Un cas de conscience que Thierry a de plus en plus de mal à vivre.
Le cinéma de Brizé suit les traces de celui des frères Dardenne: caméra à l’épaule, le spectateur suit le quotidien professionnel de Thierry ainsi que sa vie en famille qu’il tente de sauvegarder. « La Loi du marché » est un miroir glaçant de notre société qui nous renvoie une image avilissante du travail et des institutions (Pôle-Emploi, les banques, les formations dégradantes, etc.) qui régissent la vie de tous les jours. Notre héros, puisque c’en est un, « refuse de faire la manche » comme il l’affirme lors de la vente de son mobile-home.
Cette oeuvre est le témoignage puissant d’un résistant de notre siècle, un travailleur qui souhaite rester debout .
Dur, implacable, on en ressort meurtri mais pas désespéré puisqu’au bout du compte l’Homme brise les barreaux de la cage sociale grâce a sa capacité de révolte et d’indignation.
Quand trop c’est trop…
Un film à voir au moins une fois par an !