Figure de la mythologie de la France, Jeanne d’Arc ne cesse d’inspirer les auteurs de cinéma, depuis la superproduction initiée par Bernard Natan à la tête de Pathé et réalisée par Marco de Gastyne en 1929 La Merveilleuse Vie de Jeanne d’Arc, fille de Lorraine en passant par la Joan of Arc (1948) de Victor Fleming et incarnée par Ingrid Bergman, celle de Robert Bresson (1962) , de Jacques Rivette (1994), de Luc Besson (1999), de Philippe Ramos (2011)…

C’était sans compter le talent du cinéaste du désopilant Ma Loute (2016) de reprendre le mythe tant usurpé de la Pucelle d’Orléans et emmener son héroïne dans un film époustouflant de beauté et d’émotion. Jeanne est la suite de Jeannette, l’enfance de Jeanne d’Arc (2017) du même Bruno Dumont, son diptyque étant adapté de l’œuvre publiée 1897 de Charles Péguy.

Bruno Dumont a choisi de nouveau la jeune actrice Lise Leplat Prudhomme (qui jouait Jeanne enfant dans son précédent film) pour incarner le rôle de Jeanne brûlée vive à l’âge de 19 ans. Du haut de ses 12 ans, l’actrice est magnifique de grâce et de conviction. Ses yeux noirs, son regard perçant, sa voix déterminée, sa silhouette d’enfant dans une armure de guerrière font de son personnage une Jeanne universelle, résistante, engagée face aux idéologues de tous bords. L’actrice subjugue les spectateurs en « Madame Jeanne », comme l’appelle ses compagnons d’armes, déterminée face aux hommes de pouvoir, qu’ils soient chevaliers ou hommes d’Eglise. La distribution, composée d’acteurs non professionnels, apporte une dimension intemporelle au récit de Jeanne; son procès pour hérésie étant un des beaux moments de cinéma.

Ce film riche mais dépouillé d’artifices est l’antithèse du film balourd à gros budget. Seuls quatre décors minimalistes composent le tableau de Jeanne: les dunes du Nord où se décide la stratégie des batailles, la forêt et ses chevaux dansant pour suggérer les luttes armées, la cathédrale d’Amiens et ses pavés et labyrinthe en guise de tribunal de Rouen et les bunkers de la côte d’Opale pour représenter les prisons anglaises.

Les quatre magnifiques chansons interprétées par Christophe, personnage christique à la voix comme venue de loin, accompagnée de la musique originale composée par le « beau bizarre » élèvent Jeanne vers la grâce.