Au sortir de la guerre, dans un quartier pauvre de Tokyo, le docteur Sanada (Takashi Shimura), médecin des pauvres, soigne un jeune et brutal caïd local, Matsunaga (Toshirô Mifune). Dévoué mais alcoolique, Sanada tente de convaincre Matsunaga de soigner sa tuberculose, malgré les réticences – et la peur inavouée – du jeune yakuza. Pendant ce temps, le parrain Okada (Reisaburō Yamamoto) sort de prison…
Sorti au Japon en 1948, L’Ange ivre est le septième film d’Akira Kurosawa (1910-1998), le révélateur aux yeux du monde du cinéma nippon avec son chef d’œuvre Rashōmon (1950). Cette tragédie inédite dans les salles françaises jusqu’en 1991 et dont l’action se situe dans un quartier établi autour d’une mare pestilentielle – image d’un Japon gangrené par la mafia et englouti dans la pauvreté – n’est pas sans rappeler la noirceur dostoïevskienne avec ses héros amers et décadents.
Entre néoréalisme et expressionniste, la mise en scène sublime d’Akira Kurosawa – la mort de Matsunaga est une des scènes virtuoses – et le regard qu’il porte au monde révèle toute l’humanité de ses personnages: le médecin déchu fait figure de Juste, le yakuza soumis est incapable de déloyauté envers son clan et les femmes subissent la cruauté ou l’indifférence des hommes. Malgré ce tableau noir brossé par Kurosawa, la bonté de quelques hommes amène la lumière et l’espoir.
Régulièrement distribué dans les salles de cinéma par Carlotta et Wild Side lors de rétrospectives du grand maître du cinéma japonais, L’Ange ivre est un immanquable chef d’œuvre qui révèle le jeu puissant de Toshirô Mifune, l’acteur fétiche de Kurosawa – et aussi le réalisateur d’une unique œuvre, L’Héritage des 500 000 (1963).
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