Pour son vingtième anniversaire, la société de distribution Carlotta offre aux cinéphiles une œuvre rare à plusieurs égards. Tourné en 1963 aux Philippines, L’Héritage des 500 000 n’a étonnement jamais été distribué en salles sur notre territoire, malgré son grand succès au Japon. En outre, c’est l’unique réalisation de Toshirô Mifune, l’acteur fétiche d’Akira Kurosawa. En plus d’être derrière la caméra, le héros de L’Ange ivre (1948) et Rashomon (1950) incarne le rôle principal de ce vrai film d’aventures au plaidoyer antimilitariste.

Alors qu’il occupe un poste de comptable, le passé de l’ancien combattant Matsuo (Toshirô Mifune) resurgit lorsqu’il tombe sur autre vétéran, Mitsura Gunji. Ce dernier qui officie désormais dans l’import-export lui rappelle l’existence d’un trésor, un chargement de milliers de pièces d’or désormais enfouies dans la jungle philippine où tous deux ont combattu durant la Seconde Guerre mondiale. Seul Takeichi Matsuo connaît l’endroit exact de ces pièces siglées de l’idéogramme « bonheur » et enterrées depuis dix-huit ans.

Sous la menace, le commandant Matsuo accepte de mener l’expédition sur les lieux mêmes où 500 000 combattants japonais ont trouvé la mort. Quatre acolytes de Gunji, attirés par l’appât du gain, accompagnent – tout en le surveillant – celui qu’on appelle désormais commandant Matsuo. Mais l’expédition, comme dans Le Salaire de la peur (1953) de Clouzot et son remake américain The Sorcerer (1978) de William Friedkin, tourne bientôt au fiasco, la jungle réservant ses dangers et ses obstacles…

Œuvre curieuse et passionnante, L’Héritage des 500 000 bénéficie d’atouts majeurs: tourné aux Philippines, le scénario privilégie le cinéma d’aventures, avec son lot de rebondissements, de trahisons, de morts, tout en posant une réflexion sur la guerre. La scène où la petite troupe tombe sur des ossements de soldats japonais et procède à leur inhumation est poignante.

Scénario original, montage efficace, musique de Masaru Satō – le compositeur attitré d’Akira Kurosawa connu pour ses grands compositions pour Hara-kiri et Ran – et excellente interprétation de Toshirô Mifune, de Tatsuya Nakadai et Tatsuya Mihashi font de cet Héritage des 500 000 une œuvre à découvrir absolument.