Juin 1944. Marguerite se bat pour faire libérer son mari, Robert Antelme, arrêté pour faits de résistance. Durant des mois, elle va vivre dans l’attente d’un retour possible des camps. Marguerite rencontre Pierre Rabier, l’homme qui a arrêté son mari, pour l’inciter à libérer Antelme…

« La Douleur » est un film rare aux qualités cinématographiques exceptionnelles. Le cinéaste Emmanuel Finkiel s’est attaqué à l’adaptation cinématographique de deux récits de Marguerite Duras parus en 1985 aux éditions P.O.L. « La Douleur » et « Monsieur X. dit ici Pierre Rabier ».

Il en ressort un objet littéraire – des textes du récit sont lus en voix-off – et cinématographiques intense. Depuis l’interprétation des acteurs jusqu’à la tension scénaristique et à la reconstitution des décors, tout est d’une finesse et d’une intelligence rares. Emmanuel Finkiel a évité tous les pièges des biopics et autres adaptations littéraires: il a fait de sa « Douleur » une oeuvre de cinéma incarnée, subtile et intense.

Tout est ici suggéré et magnifiquement interprété. Il ne suffit pas de grimer une actrice en Marguerite Duras, encore faut-il la faire vivre. C’est ce que Mélanie Thierry, surprenante, réussit de manière magistrale. Sa douceur et sa rudesse, sa sensualité et sa froideur font du personnage un être complexe et tourmenté. Depuis « La Princesse de Montpensier« , on savait que l’actrice était brillante. Dans « La Douleur », elle confirme un très grand talent.

Épaulée par Dyonis (Benjamin Biolay, excellent) son confident et amant; manipulée (?) par Rabier (Benoît Magimel, subtil), la jeune femme évolue en cette période troublée où les « patriotes » virent de bord et où la Shoah s’esquisse en toile de fond. A ce titre, « La Douleur » propose une réflexion sur l’Histoire oubliée: l’extermination des juifs, dont on ne parlait pas au sortir de la guerre; aujourd’hui le drame des réfugiés occulté. « La Douleur » est l’oeuvre de l’Humanité qui ne renonce pas.

Indéniablement, « La Douleur » est un film majeur qui restera une référence dans le cinéma. Souhaitons lui de connaître une résonance en ces périodes troublées où l’humanisme semble une valeur du passé.