Lorsqu’Antonina Miliukova (Alyona Mikhailova) fait la connaissance de Piotr Tchaïkovski (Odin Lund Biron), la jeune femme tombe éperdument amoureuse du grand compositeur. Froid, distant et torturé, Tchaïkovski rejette peu à peu son épouse qui, pourtant, gardera intacte la passion et l’admiration qu’elle voue au musicien.

Le cinéaste russe Kirill Serebrennikov, pour son nouvel opus, s’attaque à une grande figure de la Russie et de la musique, Piotr Tchaïkovski. Son récit se concentre sur sa jeune épouse dévouée et « exaltée », Antonina. Musicienne, issue de la bourgeoisie, Antonina se lance à corps perdu dans cette union qu’elle savait particulière avec son « bougre » (au sens littéraire) de mari. Le maestro, en effet, préfère les jeunes hommes aux femmes, mêmes les plus dévouées et amoureuses. Devenue « veuve d’un homme encore vivant » comme lui dit sa mère Olga (Natalia Pavlenkova), Antonina incarne ces femmes délaissées mais debout.

Kirill Serebrennikov filme sa Femme de Tchaïkovski comme un grand opéra tragique: de la passion, de l’extravagance et du désespoir. C’est toute l’âme russe qu’il convoque dans son magnifique et flamboyant récit mis en musique par le compositeur Daniil Orlov et interprété par une troupe de comédiens incarnés, dont l’ahurissante révélation Alyona Mikhailova qui livre une performance grandiose.

Maîtrisant la caméra avec le goût du théâtre, utilisant des étonnants plans-séquence et une photo clair-obscur, Kirill Serebrennikov suit sa jeune tragédienne qui s’enfonce peu à peu dans la folie. Les dernières scènes dansées, comme un hommage à Rainer Werner Fassbinder, concluent magistralement ce chef d’œuvre d’un cinéaste en exil.