Après le magnifique La Poupée (1968) de Wojciech Jerzy Has, le distributeur Malavida poursuit son travail de ressorties d’œuvres majeures du cinéma polonais. C’est au tour de La Passagère (Pasażerka) de bénéficier d’une nouvelle exposition en salle, dans une belle version restaurée. La particularité de ce film tourné par Andrzej Munk, c’est qu’il est inachevé, son réalisateur étant décédé en plein tournage, en septembre 1961, dans un accident de voiture. Son assistant Witold Lesiewicz poursuit le film en y intégrant une voix-off ainsi que des images fixes, telles des photographies qui défilent. Le résultat donne un moyen-métrage énigmatique, d’une durée d’1h05, d’une forte puissance émotionnelle mais aussi d’une réelle frustration pour le spectateur.
Sorti en 1963 sur les écrans, La Passagère commence par des regards sidérés, ceux de deux femmes, qui se retrouvent fortuitement sur un bateau de croisière. Dans un long flash-back, on apprend qu’elles se sont connues au camp d’Auschwitz. Marta (Anna Ciepielewska), prisonnière polonaise, y obéissait alors aux ordres de Liza, surveillante SS (Aleksandra Śląska).
Sujet passionnant et inspiré du récit de Zofia Posmysz, survivante, d’Auschwitz et de Ravensbrück, La Passagère dégage un mystère et une force indéniables. La vie quotidienne dans les camps, filmée sur les lieux de la Shoah et du point de vue de la surveillante, montre toute l’horreur de la machine nazie : les tortures et les exactions, les jeux sadiques, les files d’attentes vers la mort, les fumées noires…
La complexité du personnage de Liza, dont on découvre l’empathie envers sa prisonnière, et la dignité de Marta transcendent cette œuvre qui, brutalement inachevée, ne permet malheureusement pas au spectateur de la vivre plus intensément, d’autant que l’omniprésence de la voix-off casse son mystère.
Sur le même thème, dans une version évidemment plus subversive, on pense au film de Liliana Cavani Portier de nuit (1974) avec Charlotte Rampling et Dirk Bogarde.
Laisser un commentaire