Fraîchement mariés, les jeunes Valérie (Danielle Ouimet) et Stefan (John Karlen) font une étape forcée à Ostende – leur train de nuit Orient-Express s’y trouvant bloqué – avant de rentrer vers l’Angleterre. C’est ainsi qu’ils séjournent à l’Hôtel des Termes de la station balnéaire, un palace vidé de ses clients en cette période hivernale, et rencontrent l’unique locataire des lieux, la Comtesse Elizabeth Bàthory accompagnée de sa protégée Ilona (Andrea Rau). Pierre, le concierge de l’hôtel, a bien reconnu la distinguée et inquiétante cliente: il y a quarante ans – il était alors simple groom – la Comtesse, portait le même âge…

Grâce au distributeur Malavida, les inconditionnels de Delphine Seyrig et du cinéma fantastique peuvent découvrir cette ressortie sur grand écran d’un film, tourné en 1971, devenu avec les années culte. « Les Lèvres rouges » est une variation sur le thème du vampire qui, ici, est une diva blond platine aux sublimes parures, avide du sang des vierges pour accéder à la jeunesse éternelle.

On est de suite charmé par l’élégance surannée du film, ses wagons de l’Orient-Express, son décor d’hôtel au style Belle-Epoque, ses costumes rouge sang bien sûr, blanc virginal et noir funèbre. Harry Kümel prend le parti d’appuyer le trait de sa réalisation comme cela se fait avec le giallo transalpin: gros plans, mouvements amples de caméra, jeu théâtral des comédiens et, en prime, partition musicale hypnotique de François de Roubaix. Le cinéaste ne se contente pas de calquer le genre érotico-fantastique alors en vogue dans les années 1970, il rend hommage aux maître du Septième art: Louis Feuillade et ses « Vampires », G. W. Pabst et Louise Brooks dans « Loulou », Alfred Hitchcock bien sûr et son « Psychose ». L’érotisme n’est évidemment pas oublié dans « Les Lèvres rouges », il est le cœur même du récit et commence par les débats sexuels des jeunes amants avant de se poursuivre par les relations saphiques de la Comtesse avec ses victimes, la brune Ilona et la blonde Valérie.

Les derniers plans du film sont peut-être les plus beaux: la course effrénée, au volant d’un bolide, sur une route bordée de sapins avant le lever du soleil: « Plus vite, plus vite » répète la Comtesse à Valérie au volant, avant le fatal – et splendide – accident.

Les Lèvres rouges de Harry Kumel

 Les Lèvres rouges de Harry Kumel

Ci-dessus: Les Lèvres rouges de Harry Kümel avec Delphine Seyrig à l’affiche du cinéma Capri le 26 novembre 1971.