Il était une fois les cartels colombiens. Dans son nouveau film après l’hypnotisant « L’Étreinte du serpent » (2016), le réalisateur Ciro Guerra, en collaboration avec sa productrice Cristina Gallego, relate sur trente années la naissance d’un cartel issu d’une tribu colombienne, les Wayuu. Dans les années 1970, un de ses membres, Rapayet, met en place un vaste trafic de marijuana à destination du marché américain. L’herbe prisée par les « gringos » devient la miraculeuse source de profit de son clan, mais aussi celle qui va causer sa perte, malgré les prophéties d’Ursula, la matriarche de la tribu.

La grandeur et la décadence des films où les héros évoluent dans le milieu de la drogue sont légions dans le cinéma américain et occidental, devenu un genre cinématographique à part entière. L’originalité du film de Ciro Guerra réside dans son environnement: l’auteur s’est penché sur la genèse du trafic au sein d’une tribu d’autochtones de la plaine colombienne qui revend le cannabis produit dans la montagne par Anibal, chef d’une famille Wayuu. Telle une tragédie grecque, les deux familles s’allient puis se déchirent pour le contrôle de ce qui va devenir le poison destructeur des traditions et des valeurs des Wayuu.

En près de deux heures et en cinq tableaux, les réalisateurs emmènent leurs spectateurs dans la famille de Rapayet, époux de la belle Zaida (Natalia Reyes), qui – malgré les avertissements transmis par les rêves ou par les oiseaux prophétiques – ne pourra empêcher l’issue fatale de son clan. La fièvre du dollar américain contre le chamanisme et les traditions: c’est le sublime propos de ces « Oiseaux de passage » , magnifiquement mis en scène.