Dans l’atelier de teinturerie de son père, Kiwa (Fujiko Yamamoto), jeune femme indépendante, créée des tissus imprimés qui rencontrent un certain succès auprès de la clientèle bourgeoise. A trente ans, cette célibataire endurcie qui refuse toutes avances des hommes, tombe néanmoins sous le charme d’un des ses clients, M. Takemura (Ken Uehara). Professeur à l’université, marié et père d’une lycéenne, ce dernier cache un lourd secret.
Le distributeur Carlotta Films, un des acteurs majeurs de la réédition du cinéma de patrimoine, propose avec Rivière de nuit – titre magnifique – un nouveau chef d’œuvre venu du Japon après, entre de nombreux autres, le sublime Fleur pâle (Masahiro Shinoda, 1964) sorti il y a quelques mois. Inédit sur les écrans français, Rivière de nuit est réalisé en 1956 par le cinéaste Kôzaburô Yoshimura (1911-2000), considéré comme un des héritiers de Kenji Mizoguchi (1898-1956).
Si l’action du film se situe dans les années d’après-guerre à Kyōto, l’ancienne capitale du Japon reléguée en ville de province, les nombreux allers-retours qu’effectue la gracieuse Kiwa à Tokyo rendent compte de l’ambition de la femme d’affaire, en constante recherche de clientèle aisée pour vendre ses tissus.
Trentenaire que son père aimerait voir mariée, Kiwa n’est plus une jeune fille et pas encore une femme mûre dans ce Japon de l’après-guerre, un pays qui s’engage à toute vitesse dans la voie de la modernité. Ses créations – des kimonos traditionnels sur lesquels elle ajoute des touches avant-gardistes de teinture – reflètent bien l’état d’esprit de la jeune femme, ancrée dans la tradition et entrant néanmoins à petits pas vers le modernisme. Maîtresse de son destin, Kiwa est pourtant troublée par la passion amoureuse qu’elle éprouve pour un homme d’âge mûr.
Mélodrame aux couleurs resplendissantes, l’élégante mise en scène de Yoshimura et l’image du chef-opérateur Kazuo Miyagawa, à qui l’on doit Rashômon ou L’Intendant Sansho, subliment ce récit amoureux porté par la ravissante Fujiko Yamamoto (Fleurs d’équinoxe, Yasujiro Ozu, 1969). De facture très classique et doté de plans savamment étudiés, Rivière de nuit est une indéniable et majeure découverte.
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