Il y a cent ans disparaissait celui qui a révolutionné la sculpture, Auguste Rodin (1840-1917). Les producteurs de ce projet cinématographique, l’anniversaire de décès étant accompagné de maints événements dont une exposition au Grand-Palais, ont eu l’heureuse idée de solliciter un cinéaste rare et sensible pour évoquer sur le grand écran la vie de l’artiste.

Réalisateur de l’intime et des sentiments amoureux troubles, Jacques Doillon a évité tous les pièges du biopic. Il démarre ainsi son film lorsque le sculpteur, âgé de quarante ans, reçoit une commande importante de l’Etat, à savoir La Porte de l’Enfer d’après l’Enfer de Dante. C’est à ce moment qu’il noue une relation passionnée avec son élève, la fragile Camille Claudel, de 24 ans sa cadette.

Une émulation artistique va naître entre Rodin et Claudel, l’élève s’affranchissant plus tard de son maître. Ce dernier, torturé par l’idée de quitter sa compagne de toujours, Rose, et désespéré de la critique peu reconnaissante envers son art, se remettra mal de leur séparation. L’homme, ouvrier exigeant, considérait que seule la beauté résidait dans le travail. D’ailleurs, le buste de Victor-Hugo sera avec le Baiser l’accomplissement de son œuvre.

Immense comédien dont on connaît les récents choix artistiques exigeants, Vincent Lindon offre à son personnage une stature et une sensibilité touchantes. Le comédien s’épaissit et se charpente au gré de ses rencontres avec des cinéastes rares tels Alain Cavalier dans Pater ou Stéphane Brizé dans La Loi du marché. Face à ce roc aux yeux pétillant, Camille Claudel prend le visage d’Izïa Higelin, dont on était tombé sous le charme dans le film de Catherine Corsini La Belle saison. Izïa Higelin est une Camille Claudel sensuelle, fragile et déterminée. Autour du couple qui s’aime et travaille dans l’atelier du maître ou au château de l’islette, tel en un huis-clos, on trouve quelques rares personnages comme Rose (Séverine Caneele) ou Mirbeau (le toujours brillant Laurent Poitreneaux), soutiens inconditionnels du sculpteur.

Rodin marque aussi le retour du fidèle compositeur de Doillon, Philippe Sarde dont la musique tendue et douce à la fois rajoute une âpreté bienvenue à ce film puissant et charnel.