On avait découvert le cinéaste Christian Petzold avec deux œuvres fortes: « Barbara » en 2012 puis « Phoenix » trois ans plus tard. En déposant sa caméra à Marseille avec « Transit », le réalisateur allemand s’est inspiré du roman d’Anna Seghers publié en 1944 et relatant la période noire de l’Occupation.
Nous sommes donc dans la cité phocéenne, quelque part dans le quartier portuaire et sous la menace croissante d’un régime fasciste. Des réfugiés étrangers attendent un visa et une carte d’embarcation pour quitter une Europe à feu et à sang et fuir une France qui, malgré la zone libre, traque les opposants, les juifs et les artistes contestataires. Georg (Franz Rogowski) et Marie (Paula Beer) sont de ceux-là. Le premier a subtilisé l’identité d’un écrivain, la seconde recherche en ville son mari avant la fuite.
Avec son parti-pris théâtral, sa lenteur et son ancrage dans l’actualité – Marseille n’est pas reconstitué mais filmé de nos jours – « Transit » a de quoi décontenancer le spectateur. Mais la forme ne doit pas masquer une oeuvre incroyablement forte qui fait écho à une actualité déplorable: les courants doctrinaires et anti-républicains ne cessent de croître, l’antisémitisme revient en force et des migrants étrangers fuient leurs dictatures pour trouver un refuge.
Des silhouettes fantomatiques errent dans ce Marseille vidé de ses habitants mais piégé de délateurs et de policiers aux ordres d’un régime complice de la barbarie. La belle Paula Beer, découverte dans « Frantz » de François Ozon en 2016, incarne une étrange jeune femme, froide et désillusionnée qui intrigue un Franz Rogowski parfait dans le rôle de Georg.
« Transit » est une fable atemporelle et humaniste où l’entraide et la fraternité sauvent les opprimés.
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