Lorsque Tony Halton, un américain de retour des Indes, rencontre dans le salon parisien d’une Grande-Duchesse une mystérieuse femme, c’est le coup de foudre réciproque. Au cours du dîner organisé le même soir « à 20h45 » l’idylle est consommée entre les deux amants, mais la jeune femme refuse de révéler son identité. Il la prénommera Ange. Quelques jours plus tard à Genève, Tony Halton retrouve son vieil ami de régiment Frederick Barker devenu un grand diplomate. Ce dernier n’est autre que l’époux de la fascinante Ange, un femme délaissée et dont le couple peine à retrouver un nouveau souffle…
Sorti en 1937, « Angel » revient sur le grand écran dans une version restaurée et distribuée par Swashbuckler Films. On poursuit donc la série de reprises au cinéma des chefs d’œuvres restaurés d’Ernst Lubitsch après « La Huitième femme de Barbe-Bleue » et « Haute pègre » avec cette comédie sombre portée par la grâce de Marlene Dietrich.
Ernst Lubitsch aborde dans ce magnifique film, toujours avec finesse et style, la frustration sexuelle et l’adultère. Le personnage au passé trouble d’Ange – elle est une vieille connaissance de la Grande-Duchesse qui organise dans son salon des rencontres – est une femme insatisfaite par le couple qu’elle forme avec son mari diplomate et frustrée sexuellement. Ce couple installé, qui ne se dispute jamais, cache en fait une flamme éteinte. C’est cette lumière-là que la désillusionnée Lady Barker veut retrouver: séduire, être séduite et plonger dans un tourbillon des sens.
Tout en ellipses et en suggestions, « Ange » est d’une maîtrise scénaristique et formelle éblouissante. Évoquons ce déjeuner où, dans les cuisines, les domestiques comprennent les états sentimentaux et les appétits sexuels du trio amoureux – le mari, la femme et l’amant – rien qu’à leurs assiettes retournées entamées ou pas. Portons nos yeux sur les décors somptueux des palaces parisiens, des intérieurs à Londres et à Genève et sur les costumes de Marlène Dietrich: un raffinement au sommet qui ne comble cependant pas un bonheur incertain et une sexualité qui ne demande qu’à s’épanouir.
« Ange » c’est aussi évidemment son incarnation par Marlene Dietrich avec sa sensualité, son allure mais aussi son regard triste. Elle est entourée du fringant Herbert Marshall, le héros de « Haute pègre » dans le rôle du mari, et de l’amoureux transi Melvyn Douglas dans celui de l’amant. Une grande oeuvre intemporelle dont on n’aurait tort de se priver.
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