Auschwitz, 1944. Rudolf Höss (Christian Friedel) et sa femme Hedwig (Sandra Hüller) élèvent leurs enfants à proximité du camp d’Auschwitz où l’officier SS assure le commandement.

Dans la lignée du récent La Conférence (Matti Geschonneck, 2013) et de La Passagère (Andrzej Munk, 1961), le nouveau film de Jonathan Glazer, adapté du roman éponyme de Martin Amis et auréolé du Grand Prix au Festival de Cannes 2023, choisit d’évoquer la Shoah du point de vue du bourreau. Prodige de la mise en scène, le cinéaste du sombre Under the skin (2014) installe son dispositif cinématographique dans la résidence familiale, attenante au camp de la mort.

C’est dans cette vaste maison, lieu de vie considérée par le couple comme son « paradis », doté d’un jardin fleuri, potager et bassin, qu’évoluent le couple et leurs enfants. De l’autre côté du mur d’enceinte: la mort. Méticuleux et ambitieux, Rudolf Höss cherche l’efficacité optimale du camp dont il a la responsabilité, où les résultats et les rendements demeurent son obsession. Quelques échappées dans la nature, un pique-nique en famille ou une ballade à cheval avec un de ses fils, ponctuent le quotidien de l’Obersturmbannführer.

Si la représentation du génocide n’est jamais montrée – une thèse chère à Claude Lanzmann (1925-2018) -, le spectateur ne cesse d’entendre le vrombissement des cheminées, les coups de feu dans la nuit, les chiens hurlants et les cris de désespoir des victimes. C’est cette terrible vérité, insoutenable, qui est proposée au spectateurs de La Zone d’intérêt, qui se classe d’ores et déjà parmi les grandes œuvres sur la Shoah.

Jonathan Glazer dresse le portrait glacial de ce couple de petits bourgeois arrivistes et insensibles, parfaitement incarné par un impressionnant duo d’acteurs, Christian Friedel en technocrate zélé et Sandra Hüller en mère femme au foyer. Cette proposition de cinéma, tournée en quasi huis clos, avec un impressionnant travail sur le son, ponctué de la compositrice Mica Levi, est incontestablement un grand film.