A Berlin, Stella Goldschlag (Paula Beer) vit pleinement l’insouciance de sa jeunesse malgré les exactions du nazisme à l’égard de la communauté juive. Elle-même issue d’une famille de confession juive, la chanteuse de jazz est bientôt contrainte à porter l’étoile jaune. Arrêtée par la Gestapo, elle en vient pour sauver les siens à collaborer avec les autorités en dénonçant les juifs…

Par son sujet, inspiré de l’histoire véridique de Stella Goldschlag (1922-1994), le cinéaste allemand Kilian Riedhof propose le récit terrifiant d’une trahison, celle d’une jeune femme qui, entre 1943 et 1945, dénonce aux officiers nazis les juifs, parmi lesquels ses anciennes relations, qui se cacheraient encore à Berlin. Stella, une vie allemande décrit parfaitement l’engrenage infernal dans lequel la jeune femme s’est enfermée: en participant avec son amant Rolf Isaakson (Jannis Niewöhner), également juif, à des combines pour obtenir des faux papiers et des laissez-passer – quitte à gruger ses coreligionnaires -, elle collabore avec les nazis lorsqu’elle sera arrêtée.

Victime puis bourreau, la question du choix est posée par le réalisateur qui ne fait heureusement pas de son « héroïne » une martyre mais un être, certes déchiré, mais pleinement conscient de ses actes et des ses conséquences. Si la vie de Stella Goldschlag, l’antithèse de la Résistance, est une source inépuisable et passionnante de questions philosophiques et morales, le récit qu’en tire Kilian Riedhof pèche par un excès de maniérisme – caméras tournoyantes, zooms incessants, etc. – et d’un montage passé au hachoir. Une mise en scène plus sobre, un scénario plus ramassé auraient certainement donné plus de force et de profondeur à l’histoire de ce troublant destin de femme. Néanmoins, Stella, une vie allemande demeure un film passionnant, que la musique crépusculaire de Peter Hinderthür emporte.

C’est l’impressionnante Paula Beer, révélée par François Ozon dans Frantz en 2016 et Transit (2018), Ondine (2020) et Le Ciel rouge (2023) de Christian Petzold, qui endosse le lourd costume de Stella Goldschlag, surnommée « le poison blond ». L’actrice, magistrale, distille l’ambiguïté d’une femme forte et faible à la fois, débordant d’ambition, éprise de soirées folles dans les cabarets et succombant aux pires alternatives pour sauver sa peau.