Adresse: 40 rue de Bondy (aujourd’hui rue René Boulanger) à Paris (10e arrondissement)
Nombre de salles: 1

Durant les années 1920, les salles de cinéma engrangent des recettes supérieures à un bon nombre de théâtres qui proposent des productions scéniques. D’autant que les sérials – ciné-romans en forme de feuilleton – fidélisent le public des salles obscures et l’incite à revenir toutes les semaines découvrir le nouvel épisode.

Certains directeurs de théâtres modifient la destination de leurs salles en établissements cinématographiques. C’est le cas en mai 1930 pour le Théâtre des Folies Dramatiques, une salle édifiée en 1871, spécialisée dans les opérettes et située à quelques encablures de la place de la République que son directeur transforme en cinéma. « Sentinelle avancée de ces Grands boulevards, où bat la vie intense de Paris, il va crânement se mettre à l’avant-garde des salles qui sont au service de l’Art désormais parlant. De l’orchestre au poulailler, du foyer aux coulisses, des armées de maçons, de peintres, de tapissiers, de décorateurs, travaillent activement à sa rénovation » commente la revue Les Spectacles du 16 mai 1930.

Un ancien théâtre reconverti en cinéma.

En vue de sa nouvelle vocation à l’heure où le film parlant a conquis le monde, la salle subit une rénovation complète : les avant-scènes sont abattues, la maçonnerie est refaite et une cabine de projection est installée à la hauteur du deuxième balcon. Dotée d’un système de ventilation qui permet de renouveler fréquemment l’air, la nouvelle salle peut accueillir 1 500 spectateurs.

L’installation sonore est complexe dans ce type d’établissement et les appareils Thomson-Houston sont choisis pour leur qualité technique. La revue professionnelle La Cinématographie française datée du 24 mai 1930 commente l’ancien théâtre adapté pour le cinéma : « L’écran a été placé en retrait de façon à obtenir une bonne visibilité du plus grand nombre possible de places et aussi d’avoir une projection parfaite. L’entonnoir formé par le recul de l’écran a été tapissé de Celotex qui rabattra vers la salle les paroles et l’écran ».

Cinéma Les Folies Dramatiques à Paris

Ci-dessus: la salle des Folies Dramatiques en 1930.

Avec un tarif qui varie en fonction de l’emplacement choisi – 15 francs pour les loges, 12 francs pour l’orchestre et la corbeille et 8 à 5 francs pour les balcons – Les Folies Dramatiques, « Temple du film sonore et parlant » comme le vante le programme, ne possède pas de musiciens rattachés à la salle. La publicité précise que le vestiaire est gratuit.

Son inauguration a lieu le 29 mai 1930 avec la version muette du film L’Île des navires perdus (Irvin Willat) issu du studio First National. Les programmes suivants proposent des premières ou secondes exclusivités de films sonores ou parlants. Contre-enquête (Jean Daumery), la version française de Ceux qui dansent pour la Warner Bros. France, est le premier film parlant programmé aux Folies Dramatiques à l’affiche à partir du 5 décembre 1930 pour quatre semaines.

Parmi les exclusivités qui sont annoncées dans les programmes des Folies Dramatiques, citons le western Lopez le bandit  (Jean Daumery) le 6 février 1931 pour quatre semaines, la romance venue d’Allemagne Princesse, à vos ordres (Hanns Schwarz) avec Käthe von Nagy et Willy Fritsch le 24 avril 1931, Romance (Clarence Brown) avec Greta Garbo le 1er janvier 1932 ou encore le documentaire sur le nudisme intégral pratiqué en Allemagne (!) La Marche au soleil (René Le Somptier) le 20 septembre 1932 pour huit semaines le 28 avril 1933.

Ci-dessus: Service de nuit (Henri Fescourt) le 8 avril 1932. 

Uncle Moses de Goldin et Aubrey Scotto

Ci-dessus: Uncle Moses (Sidney Goldin et Aubrey Scotto) à l’affiche à partir du 28 avril 1933.

Y est également projeté l’insolite Uncle Moses (Sidney Goldin et Aubrey Scotto), un film américain en langue yiddish d’après une nouvelle de Sholom Asch avec l’acteur Maurice Schwartz dans le rôle-titre.

Progressivement au cours des années 1930, les sorties de films aux Folies Dramatiques ne proposent non plus des exclusivités mais des films en sortie générale, souvent en double-programme. Le public peut y voir des œuvres comme Frankenstein (James Whale) la semaine du 4 janvier 1935 ou La Reine Christine (Rouben Mamoulian) avec l’envoutante Greta Garbo celle du 14 juin de la même année. Les double-programmes incluent des films en version originale et des productions nationales, et ce jusqu’à l’entrée des troupes allemandes dans la capitale le 14 juin 1940.

Pendant l’Occupation, les Folies Dramatiques reste ouvert et projette en exclusivité des reprises de productions françaises des années 1930, accompagnées d’une importante campagne publicitaire qui assure des recettes record. Ainsi, le public peut redécouvrir Golgotha (Julien Duvivier, 1935), Moi et l’impératrice (Paul Martin et Friedrich Hollaender, 1933), Madame Bovary (Jean Renoir, 1933), Le Maître de forges (Fernand Rivers et Abel Gance, 1933) ou encore Un grand amour de Beethoven (Abel Gance, 1937).

Ci-dessus: Moi et l’impératrice (Paul Martin et Friedrich Hollaender) le 12 mars 1941.

Après le Libération de Paris durant le mois d’août 1944, l’exploitation des Folies Dramatiques reprend quelques semaines plus tard, le 18 octobre, avec la production Warner Bros. La Vallée des géants (William Keighley) sorti aux États-Unis avant-guerre. Dans ces années justement, la salle propose un grand nombre de productions américaines, parfois des reprises inédites d’avant-guerre. On peut voir Blanche-Neige et les Sept Nains (Walt Disney, 1937) la semaine du 18 avril 1945, Les Aventures de Robin des Bois (Michael Curtiz et William Keighley, 1938) la semaine du 31 octobre 1945 ou Les Anges aux figures sales (Michael Curtiz, 1938) celle du 9 janvier 1946.

Les Folies Dramatiques reprend son statut de salle de quartier en assurant les films en sortie générale avec une affiche différente chaque semaine. En ce début des années 1950, la salle des Folies Dramatiques est devenue désuète, dénuée de confort et d’une visibilité aléatoire parmi les 750 places réparties dans l’orchestre et les deux balcons.

La salle Les Folies reconstruite.

Le 22 mai 1951, après une ultime projection du film danois Nous voulons un enfant (Alice O’Fredericks et Lau Lauritzen Jr.) pour lequel les spectateurs sont avertis que ce film éducatif comporte une scène d’accouchement, les Folies Dramatiques ferme ses portes pour subir une transformation en profondeur : la salle est démolie, seuls sont conservés les quatre murs et le toit, dont la couverture qui est refaite.

L’architecte M. Larivière conçoit une nouvelle salle d’une capacité de 1 200 places avec une disposition rationnelle des fauteuils. L’importante réduction de la scène permet un accroissement notable du nombre de places. Signe des temps, la teinte de la salle est de fond jaune chrome à soubassement gris ardoise bleuté. Ses propriétaires MM Phelipot et Bougaud prévoient son fonctionnement en cinéma d’exclusivité.

Cinéma Les Folies Dramatiques à Paris

Ci-dessus: vue de la salle reconstruite en 1952 et fonctionnant sous l’enseigne Les Folies.

Cinéma Les Folies Dramatiques à Paris

Ci-dessus: Les Folies en 1952.

Ci-dessus: la prolongation d’Autant en emporte le vent (Victor Fleming, 1939) à partir du 8 octobre 1952. 

Les travaux retardés, l’ouverture programmée pour les fêtes de fin d’année 1951 est reportée au 16 janvier 1952. Le film de la Metro-Goldwyn-Mayer Les Mines du Roi Salomon (Compton Bennett et Andrew Marton) inaugure la réouverture des Folies. La même année, à partir du 8 octobre pour cinq semaines, la prolongation de l’exclusivité d’Autant en emporte le vent (Victor Fleming, 1939), sorti en France en 1950, y est donnée et enregistre 23 394 entrées.

À partir du 1er mai 1953, les Folies rejoint la prestigieuse combinaison de salles liées au cinéma Paramount du boulevard des Capucines. La superproduction de Cecil B. DeMille Sous le plus grand chapiteau du monde, déjà à l’affiche depuis le 27 mars 1953, est le premier film qui initie cette collaboration.

Les programmes sont principalement composés des productions issus des studios Paramount à l’instar de Sangaree réalisé en 3D par Edward Ludwig à l’affiche le 11 septembre 1953, Stalag 17 (Billy Wilder) le 27 novembre 1953, La Guerre des Mondes (Byron Haskin) le 5 mars 1954 ou Sabrina (Billy Wilder) le 4 février 1955.

Trois opus d’Alfred Hitchcock y sont annoncés: Fenêtre sur cour le 30 mars 1955, La Main au collet le 23 décembre 1955 et L’Homme qui en savait trop (Alfred Hitchcock) le 12 octobre 1956. La fresque historique Guerre et Paix (King Vidor) avec Audrey Hepburn, Henry Fonda et Mel Ferrer y sort le 6 septembre 1957.

Ci-dessus: Spartacus (Riccardo Freda) le 14 août 1953.

Ci-dessus: L’Homme des vallées perdues (George Stevens)  le 16 octobre 1953.

Ci-dessus: Strategic Air Command (Anthony Mann) le 7 octobre 1955.

Ci-dessus: Le Secret des Incas (Jerry Hopper) le 27 mai 1955.

Des productions nationales ont également les faveurs des Folies, parmi elles le policier Minuit quai de Bercy (Christian Stengel) le 22 mai 1953, La Belle de Cadix (Raymond Bernard et Eusébio Fernandez Ardavin) avec Luis Mariano le 24 décembre 1953, Le Comte de Monte-Cristo (Robert Vernay) avec Jean Marais dans le rôle-titre le 14 janvier 1955 pour la première époque La Trahison et le 25 janvier 1955 pour la seconde époque La Vengeance, La Lumière d’en face (Georges Lacombe) avec Brigitte Bardot le 24 février 1956 ou encore Assassins et voleurs (Sacha Guitry) le 8 février 1957.

Durant la saison 1958, les Folies est rattaché à la combinaison de salles du circuit Aubert-Palace. Les films proposés dans cette combinaison sont des films populaires qui sortent en exclusivité à l’instar, durant ces années, de Sans famille (André Michel) d’après l’œuvre d’Hector Malot avec Gino Cervi à partir du 10 septembre 1958, Houla houla (Robert Darène) avec Fernand Raynaud le 7 janvier 1959 ou Les Motards (Jean Laviron) avec Roger Pierre et Jean-Marc Thibault le 18 mars 1959.

Ci-dessus: Le Diabolique Docteur Mabuse (Fritz Lang) le 28 juin 1961. 

On y voit également le péplum Hercule et la Reine de Lydie (Pietro Francisci et Mario Bava) avec « monsieur Muscles » Steve Reeves le 9 septembre 1959, le film d’aventure Voyage au centre de la Terre (Henry Levin) avec James Mason le 11 mai 1960, Les Mystères d’Angkor (William Dieterle) avec Lino Ventura le 12 octobre 1960, Le Diabolique Docteur Mabuse (Fritz Lang) le 28 juin 1961, Les 101 Dalmatiens (Walt Disney) le 20 décembre 1961 ou bien encore Les Bricoleurs (Jean Girault) avec Darry Cowl et Francis Blanche le 30 janvier 1963.

La reprise des Folies par Gaumont.

La salle des Folies est reprise par la Société Nouvelle des Etablissements Gaumont (S.N.E.G.) à l’automne 1964 et arbore désormais l’enseigne Folies-Gaumont. Elle retrouve la combinaison rattachée au cinéma Paramount avec des films comme Zoulou (Cyril R. Endfield) à partir du 7 octobre 1964 ou bien Les Quatre fils de Katie Elder (Henry Hathaway) avec John Wayne et Dean Martin le 13 octobre 1965.

Ci-dessus: El Dorado (Howard Hawks) le 23 août 1967.

Au début de l’année 1966, les Folies-Gaumont perd son statut de salle d’exclusivité pour accueillir des films de seconde exclusivité, en particulier pour prolonger des films très populaires à l’instar, durant cette même année, des Grandes Gueules (Robert Enrico) le 12 janvier, Angélique et le Roy (Bernard Borderie) le 9 mars, La Mélodie du Bonheur (Robert Wise) le 20 avril, Ne nous fâchons pas (Georges Lautner) le 24 août ou Le Grand restaurant (Jacques Besnard) avec Louis de Funès le 14 décembre. Suivent l’immense succès La Grande Vadrouille (Gérard Oury) le 26 avril 1967, Les Grandes vacances (Jean Girault) le 28 février 1968 ou bien La Grande Lessive (Jean-Pierre Mocky) le 18 décembre 1968.

Après presque quarante ans de bons et loyaux services, l’aventure des Folies se termine le 29 avril 1969 au soir, après une dernière projection de L’Astragale (Guy Casaril) avec Marlène Jobert, la vedette du moment. Aujourd’hui détruit, l’immeuble qui abritait la salle est remplacé par un établissement hôtelier.

Textes: Thierry Béné.
Documents: Le Film français, La Cinématographie française, Gallica-BnF, France-Soir, Gaumont Archives, La Critique cinématographique, Les Spectacles.