Deuxième long-métrage de Katell Quillévéré après « Un Poison violent », « Suzanne » est, à nouveau, un portrait de jeune femme en quête d’un ailleurs. Ce n’est pas dans le mysticisme que Suzanne va s’orienter contrairement à l’héroïne de son précédent film, mais vers des chemins plus tortueux. Suzanne (Sara Forestier), orpheline de mère, est élevée avec sa sœur Maria (Adèle Haenel) par un père totalement dépassé par les événement (François Damiens). Mais, contrairement à sa sœur, Suzanne brûle trop vite les étapes de la vie et tombe immanquablement dans une spirale dangereuse.

Le premier opus de la réalisatrice avait été un peu trop surestimé à notre goût. « Suzanne » , lui, est une excellente surprise qui explore des territoires âpres dans un magnifique portrait de femme. On pourrait dire de femmes, au pluriel, puisqu’on suit l’évolution de deux sœurs soudées, Suzanne et Maria, qui arrivent dans le monde adulte. Alors que la première prend des voies détournées, la seconde marche dans les pas de son père qui lui a inculqué, dans ce milieu populaire qui est le sien, la valeur du travail. Mais l’idée d’être secrétaire dans la même société de transports que son père, ne va pas à Suzanne qui n’a qu’une hâte: quitter la ville d’Alès et suivre son grand amour.

Avec un scénario fluide qui s’étale sur quatre périodes depuis l’enfance, Katell Quillévéré maîtrise parfaitement son sujet et ses personnage avec des moments de grâce et d’émotions intenses. La musique de « Suzanne », composée par Verity Susman, ajoute de l’émotion par petites touches jusqu’au final de Nina Simone qui adapte la chanson éponyme de Léonard Cohen. On parle dans la presse d’un « nouveau Maurice Pialat » en évoquant le film de la jeune réalisatrice. Il est vrai que « Suzanne » renvoie à l’héroïne de « A nos amours » . Il faut également voir dans ce film une belle continuité des réalisations toujours fines et sensibles d’André Téchiné.

Le film est porté par quatre comédiens extraordinaires: Sara Forestier confirme un immense talent depuis « L’Esquive » et « Le Nom des gens« . Elle est bouleversante de vérité et de tendresse dans un rôle difficile, voire détestable. François Damiens prouve qu’il n’est pas que, excellent au demeurant, le grand naïf lourdaud depuis ses débuts à la télévision puis au cinéma. Adèle Haenel fait de l’ombre à son aînée et dégage une belle présence. On a vu la jeune fille bien grandir depuis « Les Diables » , en passant par « Naissance des pieuvres » , « L’Appolonide » et plus récemment « Trois Mondes« . Enfin, la révélation est indéniablement Paul Hamy, dans le rôle du « mauvais garçon » : un beau visage cabossé qui avait déjà marqué les esprits face à Catherine Deneuve dans « Elle s’en va« .