Il y a quelques mois sortait en salles une rétrospective de dix films hollywoodiens tournés au début des années 1930. Le festival « Forbidden Hollywood » proposait une sélection d’œuvres issues du catalogue de la Warner Bros. et réalisées avant l’application stricte du Code Hays, un système de censure établi en 1930 et durci dès 1934. Parmi les petits joyaux de cette rétrospective, nous pouvons citer Female (1933) de Michael Curtiz, The Mind reader (1933) de Roy Del Ruth et le délicieusement lubitschien Jewel Robbery (1932) de William Dieterle. D’autres cinéastes américains jouissent d’une liberté morale et esthétique durant ces cinq années qui constituent comme une parenthèse enchantée: Jack Conway, Victor Fleming, William A. Wellman, Clarence Brown, Archie Mayo, Alfred E. Green ou encore Tay Garnet.
Dans les films au charme savoureux de cette période qui suit la Grande Dépression, la femme y est souvent représentée comme une créature déterminée, « moderne » et dotée d’un indéniable sex-appeal. Plusieurs actrices incarnent cet être glamour, fer de lance d’un féminisme avant-gardiste: Jean Harlow, Mae West, Barbara Stanwyck, Norma Shearer, Joan Blondell, Kay Francis, Joan Crawford ou encore Bette Davis…
Un livre édité chez LettMotif, un éditeur spécialisé en livres et revues de cinéma, revient sur la représentation des femmes de la période dite du « pré-Code hollywoodien » et étudie les archétypes de la pin-up tout en relativisant ces quelques années de soi-disant liberté totale. L’auteur de cette très complète étude – qui est en fait sa thèse universitaire – est Mélanie Boissonneau, docteure en études cinématographiques et audiovisuelles.
A travers la figure de la pin-up et avec notamment les rôles incarnés par Jean Harlow, Mae West et Betty Boop (!), Mélanie Boissonneau étudie la figure de la femme sexy dans la société américaine des années 1930 et sa représentation au cinéma. L’auteur revient également sur une des héroïnes émancipées du grand écran en la personne de Jane Parker, la femme de Tarzan, jouée par la belle Maureen O’Sullivan dans Tarzan, l’homme singe (1932) et Tarzan et sa compagne (1934) qui, en plus d’être une femme indépendante et libre, assume sa nudité en se baignant langoureusement dans la rivière… Avant que, quelques mois plus tard, les grincheux et les ligues de vertus renvoient les femmes – et Jane – à la cuisine.
Cette ouvrage dense – 500 et quelques pages – réhabilite une figure du cinéma trop souvent considérée comme un simple objet de convoitise: loin d’être la jolie et idiote utile, la pin-up est un être libre, tant dans ses ambitions professionnelles qu’avec son corps qu’elle choisit de dévoiler. Ou pas. Ces symboles d’une féminité assumée est, selon l’auteur, « construite » chez la pin-up. Un livre riche et passionnant qui renvoie évidemment à notre époque où tous les tabous sur la sexualité reviennent en force et où la place de la femme libre est remise en cause par le retour de l’orthodoxie religieuse et des dogmes qu’on croyait enfouis.
Pin-Up au temps du Pré-code (1930-1934)
Mélanie Boissonneau
Mars 2019, 520 pages.
Editions LettMotif
Ci-dessus: quelques pages du livre de Mélanie Boissonneau.
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