Les films de Dino Risi (1916-2008), prolifique cinéaste avec plus de cinquante films et trop souvent catalogué, avec d’autres grandes figures du cinéma transalpin, comme l’un des spécialistes de la comédie à l’italienneLe Fanfaron (1962), Les Monstres (1963), etc. – ressortent sur les écrans, notamment la période un peu oubliée d’œuvres plus graves – Âmes perdues (1977), Fantôme d’amour (1981) – tournées dans les années 1970 et 1980. On avait savouré la comédie mélancolique Dernier amour (1978), on déguste en cette rentrée l’amertume – toujours sur le ton de la comédie – de Cher papa, un film tourné un an plus tard avec son acteur fétiche Vittorio Gassman.

Albino Millozza (Vittorio Gassman) est un riche industriel italien, sans pitié pour ses concurrents et favorable à l’entrée des multinationales dans les sociétés italiennes. Ambitieux, hyperactif et grand séducteur, il a été durant la dernière guerre un jeune partisan contre les soldats allemands. C’est dire s’il ne comprend pas la jeunesse actuelle et en particulier les motivations marxistes et révolutionnaires de son fils. L’homme, qui a sacrifié sa famille pour la réussite et l’appât du gain, tombe un jour sur le journal intime de Marco (Stefano Madia) et y découvre la détresse existentielle de son rejeton.

Le numéro jouissif de Vittorio Gassman en homme mûr à qui tout réussit rappelle le personnage qu’il interprétait dans L’Homme à la Ferrari (1967) du même Dino Risi tourné dix ans plus tôt. Dans Cher papa, une grande solitude s’empare de Millozza lorsque son ex-femme et ses propres enfants le rejettent violement. Le cinéaste anticipait déjà dès la fin des années 1970 le dangers du capitalisme sauvage et de la globalisation à outrance, remis en cause notamment par la jeune génération. Il fait de son protagoniste l’incarnation des hommes individualistes qui ont vécu les Trente Glorieuses en machos conquérants. Millozza est cependant brossé avec tendresse: il tente de comprendre ses enfants et accepte la remise en question. Les dernières scènes du film – à l’hôpital où femme (Andrée Lachapelle) et maîtresse (Aurore Clément) échafaudent des plans et où père et fils se retrouvent – sont à la fois cynique pour la première et touchante pour la dernière.

Comme à son habitude, Vittorio Gassman occupe joyeusement tout l’écran par son verbe et son charisme; il est définitivement un magistral comédien lorsque, en plus de la comédie, il émeut les spectateurs dans sa triste condition d’homme seul. Stefano Madia avait obtenu pour son rôle de fils de bourgeois le Prix du meilleur acteur dans un second rôle au Festival de Cannes 1979. Une belle découverte que ce Cher papa, restauré en 4K et distribué par Les Acacias.