Durant la dernière guerre, Silvio Magnozzi (Alberto Sordi), journaliste entré dans la Résistance, trouve refuge dans un petit village de montagne, au-dessus du lac de Côme, au sein d’un vieux moulin appartenant à la famille de la belle Elena (Lea Massari). Après la Libération, le couple fraîchement formé emménage dans une Rome en pleine effervescence économique. Silvio, qui  peine à joindre les deux bouts, est-il prêt aux compromissions pour reconquérir sa femme, lassée d’une vie précaire?

Un des titres les plus connus de Dino Risi (1916-2008) avec Le Fanfaron tourné un an plus tard, Une Vie difficile sort en 1961 en Italie et, assez curieusement, seulement quinze années plus tard en France. Pourtant, il est un des films les plus aboutis d’un des grands maîtres de la comédie à l’italienne. Le cinéaste touche-à-tout retrouve ces dernières années un regain d’intérêt avec la ressortie, en version restaurée, d’une grande partie de son œuvre qui compte des comédies – L’Homme à la Ferrari (1967), Dernier amour (1978) – mais aussi des films fantastiques – Fantôme d’amour (1981) -, voire gothique – Âme perdue (1976).

Dans Une Vie difficile, Silvio, homme de gauche qui refuse les compromissions, est peu à peu dépassé et désenchanté dans une Italie touchée par le miracle économique des années 1950 et 1960. Alors que son métier de journaliste militant ne lui permet plus de nourrir sa famille, sa femme se tourne vers les mirages de la société de consommation. Dans le constat amer que fait son protagoniste, le cinéaste anticipe la perte des valeurs de nos sociétés occidentales, comme il le dénoncera quelques années plus tard dans l’excellent Cher Papa (1979).

Fresque tragi-comique qui s’étale sur une quinzaine d’années, Une Vie difficile est porté par l’inénarrable Alberto Sordi, génial comédien qui réussit, entre deux numéros de cabotinage burlesque, à verser quelques larmes. Clown triste aux idéaux démocratiques, fanfaron un peu lâche parfois, son personnage s’éprend d’Elena, interprétée par Lea Massari d’une stupéfiante beauté. Des scènes d’anthologies – le dîner chez les aristocrates un soir de résultats du référendum de juin 1946, les crachats adressés aux automobilistes après une soirée arrosée, etc. – impriment durablement ce chef d’œuvre de comédie, à la fois douce-amère et étonnamment moderne.

Ci-dessus: le critique et journaliste Thierry Jousse présentant le film au ciné-club du cinéma Nouvel Odéon.