L’ouverture du multiplexe de Mâcon au début de l’année 2013 a permit l’élargissement du public de fidèles et l’accueil de nouveaux spectateurs autour de la préfecture de Saône-et-Loire. C’est le constat que fait son directeur, Guillaume Fourrière, que nous avons rencontré et avec qui nous nous sommes entretenus.
La fermeture en 2012 des anciens cinémas de centre-ville, Le Marivaux et Les Cordeliers, et leur transfert dans la foulée vers le nouveau multiplexe de 11 salles à l’entrée nord de Mâcon a suscité certaines foudres de colère. Quelques mois après son inauguration, Guillaume Fourrière se veut rassurant et optimiste: les mâconnais ont adopté leur nouveau cinéma, propriété du groupe Ciné-Alpes. Loin des clichés d’usine à films et à pop-corn, le jeune patron et son équipe tiennent à garder l’esprit et la patte des cinémas de quartier: des ciné-clubs sont organisés par des associations, des rencontres et des partenariats avec le théâtre voisin, des dispositifs scolaires y sont accueillis.
A travers les interviews de professionnels du cinéma, Salles-cinema.com poursuit une démarche qui consiste à donner la parole à ceux qui promeuvent le 7ème Art en salles.
RENCONTRE AVEC GUILLAUME FOURRIÈRE, DIRECTEUR DU CINÉMARIVAUX A MÂCON:
Mâcon et le cinéma, c’est une nouvelle histoire qui s’écrit…
Mâcon est une ville cinéphile qui possédait, il y a encore peu, trois cinémas : le Royal de la rue Victor Hugo avec son balcon, Les Cordeliers et Le Marivaux. Ces dernières années, seuls Les Cordeliers et Le Marivaux – tous deux gérés par Ciné-Alpes – assuraient encore dans leurs trois salles respectives des projections. Mais ces cinémas de centre-ville devenaient obsolètes en terme de confort et de technologie. Les salles de cinéma ont évolué ces dernières années et le numérique a bouleversé le paysage de l’exploitation. C’est ainsi que Ciné-Alpes a entrepris la délocalisation de ses deux cinémas vers un complexe flambant neuf : le CinéMarivaux. La ville de Mâcon est ainsi passé en un an d’une capacité de 6 salles – trois salles au Marivaux et trois salles aux Cordeliers – à une capacité de 11 salles et 2100 fauteuils au nouveau CinéMarivaux.
Le nouveau complexe n’est plus en plein cœur de la ville…
Certes, le CinéMarivaux n’est pas à l’hyper centre de Mâcon et je comprends un peu les réactions peu favorables au début du projet. Mais le nouveau cinéma est situé sur un axe stratégique, à 1 km seulement du centre (accessible à pied, en vélo, en se baladant le long de la Saône), et dans un nouveau quartier rénové qui accueille également le théâtre, la piscine et le bowling. Ce nouveau pôle culturel est ainsi sorti de terre et draine une clientèle venue depuis tout le bassin mâconnais. Je suis sûr que le centre historique de Mâcon va bénéficier de ce nouvel afflux de visiteurs.
Multiplexe, c’est un gros mot ?
Il y a plusieurs façons d’envisager la vision du cinéma. Nous avons choisi de continuer dans l’esprit insufflé aux Cordeliers et au Marivaux : c’est-à-dire en offrant une diversité de films pour le plus grand nombre avec un souci du confort pour nos spectateurs. Le CinéMarivaux n’est pas un multiplexe gigantesque et démesuré, il a en outre conservé et renforcé son équipe, fière de son nouveau cinéma.
Bien sûr, nous ne pouvons nous couper des films grand public qui attirent les spectateurs, mais nous continuons plus que jamais à travailler avec les associations, l’Embobiné et CinéClem en particulier, et proposons des films variés en version originale. A l’issue de la première année du CinéMarivaux, nous comptons décrocher le label Art et Essai que nous détenions dans nos anciens complexes.
L’Art et Essai, vous y tenez…
Plus que jamais! Grâce à une capacité presque doublée avec ce nouveau multiplexe, nous allons pouvoir projeter, parmi nos 20 films hebdomadaires, davantage de films rares et peu médiatisés. Je pense au documentaire « Pierre Rabhi » qui a bénéficié d’un très bon accueil lors d’une séance spéciale et que nous avons décidé de prolonger ensuite quotidiennement. Nous ne voulons pas d’un cinéma impersonnel qui proposerait toujours les mêmes genres de films, des blockbusters, mais d’un lieu qui fidélise tous ses spectateurs, d’un espace où on se sent bien. A ce propos, nous avons de plus en plus de clients fidèles qui viennent encore plus souvent qu’avant grâce à une plus grande offre de films. Une spectatrice m’a même dit qu’on « allait la ruiner » tant elle fréquente les salles du CinéMarivaux !
Le CinéMarivaux s’ouvre-t-il aux acteurs locaux ?
Il y a d’abord l’association l’Embobiné, composée de bénévoles extraordinaires, qui bénéficie d’une liberté de proposer régulièrement des séances de Ciné-Club. Nous construisons également des passerelles avec le théâtre de Mâcon qui lui aussi a carte blanche pour programmer un film en lien avec le spectacle du moment. Le CinéMarivaux a ainsi mis à l’affiche « West Side Story » pour le plus grand bonheur des passionnés de théâtre… et de cinéma ! Des partenariats sont également préservés avec les dispositifs scolaires : École et Cinéma, Collège au Cinéma, Lycéens et Apprentis au Cinéma. L’association CinéClem joue un grand rôle au niveau des écoles et des familles en terme de pédagogie à l’image. Nous accueillons également les séances Connaissances du Monde et des retransmissions en direct d’Opéra !
Je tiens ainsi à poursuivre les belles « success stories » que j’ai pu apprendre sur le terrain au Cinespace de Beauvais, après une formation à l’école du cinéma la Femis (option exploitation de salles). Ces quelques années dans ce formidable multiplexe m’ont transmis le goût de l’animation et de la découverte du 7ème Art.
Le groupe Ciné-Alpes, propriété du CinéMarivaux, vous laisse-t-il une liberté de programmation ?
C’est le groupe qui assure la programmation de ses cinémas en France, mais chaque directeur a la possibilité d’animer son cinéma à la marge comme il le souhaite, de donner sa chance à des films que son équipe et lui ont aimés et que son public réclame. Mon objectif est ainsi d’éditorialiser le CinéMarivaux, de faire en sorte qu’à Mâcon, ville très cinéphile, le cinéma ait toute sa place dans sa diversité. Ça veut dire: garder des films plus longtemps à l’affiche ou donner une chance à des films loupés lors de la sortie: respectivement Les Profs ou Le Temps de l’Aventure.
Au bout de quelques mois d’exploitation du CinéMarivaux, quel constat tirez-vous ?
Les spectateurs ont adopté leur nouveau cinéma, ils nous le disent quotidiennement, et en sont très fiers. C’est notre plus belle récompense. Les succès de films comme « Profs » ou de films plus complexes comme « Syngué Sabour » ou « Pierre Rabhi » nous confortent également dans l’approche du 7ème Art que nous avons au CinéMarivaux. Et lorsqu’un acteur en tournée comme Clovis Cornillac pour « La Grande Boucle » nous déclare : « Le CinéMarivaux, ça c’est du cinéma qui sait en faire » , c’est également une belle reconnaissance.
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Il y a des multiplexes de qualité, la preuve en est avec celui-ci. De plus, ils créent des emplois et font venir les jeunes au cinéma. C’est important de faire naître la cinéphilie chez les jeunes spectateurs. La démarche du directeur du CinéMarivaux est intéressante à cet égard.