Adresse: rond-point des Champs-Elysées à Paris (8ème arrondissement)
Nombre de salles: 1
Fermeture définitive en 1999.
A l’instar du drugstore des Champs-Elysées et de celui implanté dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés, leur créateur Marcel Bleustein-Blanchet ouvre en 1970 une salle de cinéma intégrée dans son nouveau concept commercial à succès installé au rond-point des Champs-Elysées. Les novateurs drugstores du patron de Publicis proposent, à toute heure du jour et de la nuit, la vente de livres, de tabac, de produits comestibles et intègrent un restaurant, une pharmacie et une salle de cinéma.
L’ouverture du cinéma Publicis Matignon est relatée dans les colonnes de la revue professionnelle Le Film français: « Conçue et réalisée par l’architecte Georges Peynet, cette nouvelle salle (dont l’entrée est située à l’angle de la rue Jean-Mermoz et du Rond-Point) marque un grand pas dans l’évolution de la décoration des cinémas. « Tissus » de verre sur les murs, plafond animé par des éléments de verre coloré, paravent de glace translucide pour remplacer le traditionnel rideau de scène; fauteuils clubs (Gallay) dont la coque de verre sécurit est habillée de confortables coussins de couleur vive et qui, grâce à un système hydraulique, peuvent s’incliner vers l’arrière pour une vision parfaite du film: le Publicis-Matignon est un cinéma résolument jeune et futuriste. Sa cabine est entièrement automatique et le salle est dotée (comme le Publicis Champs-Elysées, Saint-Germain ou Orly et Elysées 2) d’un système électronique permettant du hall, de connaître à tout moment, le nombre de fauteuils libres. La salle possède également d’un système de conditionnement grâce auquel les spectateurs pourront fumer ».
Ci-dessus: la salle du Publicis Matignon en 1970.
Le fondateur de l’agence de publicité confie la gérance de sa nouvelle salle aux frères Jo et Sammy Siritzky, à la tête de leur société Parafrance. Leur circuit de salles ne cesse de croître grâce à l’ouverture ou l’acquisition de salles sur le territoire national. Le Publicis Matignon est inauguré le 25 novembre 1970 avec la première mondiale du film de Jules Dassin « La Promesse de l’aube » d’après l’oeuvre autobiographique de Romain Gary. La vedette féminine du film Melina Mercouri et son réalisateur Jules Dassin assistent en personne à la projection inaugurale de la salle qui, pendant quatre semaines, affiche en exclusivité absolue et à guichet fermé le récit, édité en 1960 par Gallimard, de la mère de l’auteur.
Ci-dessus: Melina Marcouri à la première du film « La Promesse de l’aube » le 27 novembre 1970 au cinéma Publicis Matignon.
La combinaison d’exclusivité de « La Promesse de l’aube » est étendue dans sa cinquième semaine à six salles, dont celle de l’ancien Bikini devenu Le Beverley, fraîchement rénovée qui propose de l’Art & Essai avant de se destiner quelques années plus tard au genre pornographique. Le Publicis Matignon enchaîne l’année 1971 avec des titres prestigieux comme le 12 février « Music lovers » de Ken Russel, « Taking off » de Milos Forman le 14 mai, l’échec commercial de Clint Eastwood « Les Proies » le 18 août et « Le Lien » d’Ingmar Bergman le 17 novembre.
Par la suite, les films programmés au Publicis Matignon sont proposés également dans une seconde salle de l’avenue des Champs-Elysées. Ainsi, « Deliverance » de John Boorman jouit le 27 septembre 1972 d’une sortie au Publicis Matignon et à l’Elysées-Lincoln tandis que « Fritz the cat » de Ralph Bakshi inaugure le nouvel UGC Ermitage le 30 novembre 1972 et « Portier de nuit » de Liliana Cavani est également affiché le 3 avril 1974 l’Elysées-Lincoln.
Le réseau des cinémas Parafrance possède désormais une force de programmation importante en particulier dans ses cinémas implantés avenue des Champs-Elysées. La salle de 300 fauteuils du Publicis Matignon est alors intégrée à de très larges combinaisons de sorties comme pour le lancement de « La Gifle » de Claude Pinoteau le 23 octobre 1974, également à l’affiche du Gaumont Ambassade, ou encore pour « Peur sur la ville » d’Henri Verneuil le 9 avril 1975, programmé également au Normandie.
Ci-dessus: le 17 novembre 1971, « Le Lien » d’Ingmar Bergman est programmé sur les Champs-Elysées aux cinémas Elysées-Lincoln et Publicis Matignon.
Ci-dessus: le sulfureux « Portier de nuit » avec Charlotte Rampling et Dirk Bogarde à l’affiche du Publicis Matignon le 3 avril 1974.
Ci-dessus: « Vol au-dessus d’un nid de coucou » avec Jack Nicholson à l’affiche du Publicis Matignon le 3 mars 1976.
Pourtant, malgré des titres porteurs à l’affiche du Publicis Matignon, les spectateurs se font plus rares dans la salle du rond-point des Champs-Elysées. Parafrance parvient tout de même à accroître sa fréquentation en proposant des sorties exclusives parmi les salles de son circuit: « Vol au-dessus d’un nid de coucou » de Milos Forman le 3 mars 1976, « L’Espion qui m’aimait » de Lewis Gilbert le 12 octobre 1977 ou « Emmanuelle 2 » de Francis Giacobetti le 25 janvier 1978.
Dans les années 1980, le Publicis Matignon assure les prolongations, durant plusieurs semaines, de grands succès commerciaux comme pour « Les Uns et les autres » de Claude Lelouch sorti le 27 mai 1981 ou bien « Carmen » de Francesco Rosi.
A la suite du dépôt de bilan de Parafrance au milieu des années 1980, la salle du rond-point des Champs-Elysées est reprise en 1988 par Gaumont. La société à la marguerite destine le Club Gaumont Publicis Matignon, sa nouvelle enseigne, à la fois aux projections privées et publiques. Gaumont entame la rénovation de la salle et réduit sa capacité à 150 fauteuils. Les auteurs du « Guide des cinémas à Paris » Christophe Chenebault et Marie Gaussel reviennent sur la transformation du Publicis Matignon: « La décoration de feu est abandonnée au profit d’une autre plus sobre et plus élégante… de larges fauteuils club noirs avec double accoudoir sont installés, un espace cocktail est aménagé au fond de la salle. Le Club-Gaumont est aujourd’hui une belle salle moderne dont l’horizon de rouge contraste avec le noir des fauteuils ou celui du plafond parsemé de points de lumière. Avec son écran de 8 mètres, son équipement Dolby et 70MM, ainsi que son confort exceptionnel, on assiste à un film dans des conditions adaptées aux exigences des professionnels ».
C’est principalement le weekend que la salle du rond-point des Champs-Elysées propose des séances publiques avec la plupart du temps des prolongations de succès commerciaux. Les films de Philip Kaufman « L’Insoutenable légèreté de l’être » et celui de Louis Malle « Au revoir les enfants » bénéficient, parmi d’autres, d’une fin de carrière au Club-Gaumont Publicis Matignon.
Depuis les années 1980, les salles des Champs-Elysées ferment les unes après les autres, la hausse des loyers commerciaux et la baisse de la fréquentation dans le quartier étant les deux principales causes. A son tour, la confidentielle et confortable salle du Club-Gaumont Publicis Matignon baisse son rideau le 30 juillet 1999.
Ci-dessus: Le Publicis Matignon Club Gaumont en avril 1996.
Ci-dessus: Après quatre semaines d’exclusivité totale, extension dès le 23 décembre 1970 de la combinaison de salles parisiennes pour « La Promesse de l’aube ».
Ci-dessus: « Soleil vert » de Richard Fleischer avec Charlton Heston et Edward G. Robinson bénéficie d’une combinaison importante de salles parisiennes, dont celle du Publicis Matignon, à sa sortie le 26 juin 1974.
Remerciements: M. Thierry Béné.
Documents: Le Film français, Pariscope et collection particulière.
Ce cinéma avait des allures de club; je me souviens de tablettes fixées aux fauteuils pour que les journalistes, lors des projections de presse, puissent prendre des notes…