Adresse: 131 avenue des Champs-Elysées à Paris (8ème arrondissement)
Nombre de salles: 1 puis 2
Aujourd’hui Publicis Cinéma

Au numéro 131 de l’avenue des Champs-Elysées, le publicitaire Marcel Bleustein-Blanchet, fondateur de l’agence Publicis, ouvre le 12 octobre 1938 le Ciné Radio-Cité Etoile, une salle de 300 fauteuils portant le nom de la radio qu’il a racheté. Le cinéma est rebaptisé Ciné-Etoile à la Libération.

Ci-dessus: ouverture du Ciné Radio-Cité Etoile le 12 octobre 1938.

La naissance du Studio Publicis et du célèbre Drugstore.

Mais la vraie naissance de ce qui deviendra une des salles mythiques parisiennes est l’année 1957, lorsque le cinéma prend le nom de Studio Publicis suite à une importante rénovation.

L’ouverture du Studio Publicis le 8 octobre 1957 précède de peu celle du premier drugstore français installé dans le même immeuble de l’agence Publicis. La salle du Studio Publicis est conçue pour devenir la plus intime et la plus élégante de Paris.

La revue Le Film français revient sur la réalisation de celle salle créée par l’architecte Georges Peynet: « Les servitudes de façade des Champs-Elysées ont amené l’architecte à habiller les bossages en marbre, il a choisi de faire alterner le travertin Romain et le travertin Toscan. Les couleurs chaudes sont d’un effet décoratif remarquable. Les sites ne permettant pas, à l’approche de l’Arc de Triomphe, de publicité extérieure, il a été créé un cadre de cuivre placé derrière les glaces Sécurit: un éclairage violent en assurera l’effet publicitaire. Le hall, aux couleurs vives bleu « Mazarin »,  jaune « Jasmin » et rouge « Cherry » , a été réalisé pour participer à l’ensemble du building « Publicis » et a été conçu sur deux niveaux: le niveau supérieur servant de foyer fumoir où les spectateurs pourront trouver des banquettes, des fauteuils, des vitrines attrayantes et une petite confiserie… A l’entrée de la salle, un vestiaire a été prévu… La salle a été étudiée d’une manière minutieuse au point de vue acoustique. Le plancher revêtu de moquette est flottant. Il repose sur une dalle de liège et de laine de verre… Pour la première fois les tissus muraux jaune « Jasmin » et Ash Grey vont jusqu’au sol et sont protégés par des dalles de glace Sécurit. Les fauteuils rappellent les deux tons muraux et se détachent sur la moquette rouge « Cherry » du sol. Un semis d’appliques de cuivre, dont les tulipes sont en cristal gravé termine heureusement cet ensemble. Le plafond de staff est constitué de plaques perforées permettant une ventilation rationnelle de la salle. La cabine a été avancée dans la salle, sa position par rapport à l’écran laisse la possibilité de toutes les évolutions futures de la technique ».

Ci-dessus: la salle du Studio Publicis en 1957.

Le film sélectionné pour l’inauguration de la salle sous l’enseigne Studio Publicis est « Mon homme Godfrey – My Man Godfrey » de Henry Koster pour le studio Universal, un remake de la version de 1936 réalisée de Gregory La Cava.

Marcel Bleustein-Blanchet confie la gérance et la programmation du Studio Publicis au circuit des frères Jo et Samy Siritzky. Dans l’ouvrage « Figures des salles obscures » de Samra Bonvoisin, Claude Forest et Hélène Valmary (Nouveau monde éditions), Serge Siritzky évoque le statut particulier de la salle des Champs-Elysées dans l’exploitation parisienne: « Le Publicis est devenu la première salle des Champs-Elysées, sans être nécessairement la plus importante en chiffre d’affaire, elle s’est imposée comme la plus prestigieuse car dès son ouverture, elle s’est positionnée à travers la programmation dans ce que l’on appelle aujourd’hui l’Art et essai ».

En effet, via leur société de distribution Athos, la famille Siritzky se donne pour mission de découvrir de nouveaux talents ainsi que de redécouvrir d’anciens réalisateurs. « Tous les réalisateurs voulaient sortir leurs films sur les Champs-Elysées au Publicis, c’était un honneur d’y être programmé ».

Ci-dessus: le cinéma affiche le 8 octobre 1957 « Mon Homme Godfrey » le premier programme sous l’enseigne Studio Publicis.

Le Studio Publicis, la salle dédiée à la cinéphilie parisienne.

Il n’y a qu’à dérouler la liste des réalisateurs ayant bénéficié d’une sortie de leurs œuvres au Studio Publicis pour se rendre compte de l’importance de cette salle de cinéma qui devient un des hauts lieux de la cinéphilie parisienne. Débutons par Ingmar Bergman avec « Les Fraises sauvages » le 17 avril 1959, « Le Visage » le 30 septembre 1959, « La Source » le 7 décembre 1960, « L’Œil du diable » le 20 décembre 1961, « A Travers le miroir » le 5 septembre 1962, « Persona » le 5 juillet 1967, « La Honte » le 30 avril 1969 et « Une Passion » le 4 septembre 1970.

Poursuivons avec Jean-Luc Godard pour « Le Mépris » le 20 décembre 1963, « Bande à part » le 5 août 1964, « Une Femme mariée » le 2 décembre 1964, « Alphaville » le 8 mai 1965, « Masculin-féminin » le 22 avril 1966, « La Chinoise » le 23 août 1967 et « Week-end » le 29 décembre 1967. Orson Welles quant à lui est projeté au Studio Publicis avec « La Soif du mal » le 3 juin 1958, « Citizen Kane » le 18 novembre 1959, « La Splendeur des Amberson » le 11 janvier 1961 et « Le Procès » le 22 décembre 1962.

Pour Michelangelo Antonioni, ce sont « L’Avventura » le 14 septembre 1960 et « La Nuit » le 22 février 1961 qui bénéficient d’une sortie au Studio Publicis. Viennent également les œuvres de François Truffaut « Jules et Jim » le 24 janvier 1962 et « Farenheit 451 » le 16 septembre 1966, de Jacques Demy avec « La Baie des Anges » le 11 mars 1963 et  « Les Parapluies de Cherbourg » le 28 février 1964 et enfin d’Agnès Varda avec « Cléo de 5 à 7 » le 11 avril 1962, « Le Bonheur » le 17 février 1965 et « Les Créatures » le 3 septembre 1966.

Federico Fellini est à l’affiche du Studio Publicis avec « Huit et demi » le 29 mai 1963 et « Juliette des esprits » le 22 octobre 1965. Tout comme Joseph Losey avec « Eva » le 3 octobre 1962, Stanley Kubrick avec son « Docteur Folamour » le 24 avril 1964, Roman Polanski avec « Répulsion » le 7 janvier 1966, Peter Brook avec « Moderato cantabile » le 25 mai 1960, Frédéric Rossif avec « Mourir à Madrid » le 18 avril 1963 ou encore Alain Resnais avec « L’Année dernière à Marienbad » le 4 octobre 1961.

Ci-dessus: « La Baie des Anges » de Jacques Demy programmé au Studio Publicis, au Gaumont Rive-Gauche et au Vendôme dès le 11 mars 1963.

Ci-dessus: « La Belle de Moscou » à l’affiche du Studio Publicis en 1957.

Ci-dessus: « La Soif du mal » d’Orson Welles à l’affiche du Studio Publicis dès le 3 juin 1958.

Ci-dessus: « La Source »  d’Ingmar Bergman est programmé à Paris au Studio Publicis, au Monte-Carlo et au Vendôme dès le 7 décembre 1960.

Ci-dessus: « Le Mépris » de Jean-Luc Godard avec Brigitte Bardot et Michel Piccoli est à l’affiche du Studio Publicis, du Lord Byron, du Vendôme, du Gaumont Rive-Gauche et du Mistral dès le 20 décembre 1963.

Ci-dessus: le Prix Delluc cette année-là est le film de Jacques Demy « Les Parapluies de Cherbourg » à l’affiche du Studio Publicis dès le le 28 février 1964.

Ci-dessus: « Une Femme est une femme » de Jean-Luc Godard avec Anna Karina, Jean-Paul Belmondo et Jean-Claude Brialy à l’affiche du Studio Publicis ainsi qu’aux cinémas Rotonde, L’Avenue et Le Vendôme.

Le Studio Publicis diffuse largement les films des réalisateurs issus de la Nouvelle Vague sans toutefois oublier les reprises de grands classiques comme celle de « La Grande illusion » (1937). Le chef d’oeuvre de Jean Renoir ressort au seul Publicis le 2 octobre 1958. Le film tient 19 semaines à l’affiche et enregistre 138 456 spectateurs!

La salle fonctionne soit avec une affiche de sortie exclusive, soit avec une programmation conjointe avec le cinéma Vendôme situé avenue de l’Opéra. Le Studio Publicis sert également à jauger le succès d’un film qui, en cas de succès, peut voir sa sortie générale programmée dans les multiples salles de quartier et de banlieue parisienne.

Le Studio Publicis rénové rouvre sous l’enseigne Publicis Elysées. 

Au milieu des années 1960, les frères Siritzky modernisent le parc de salles dont ils sont propriétaires. Ils s’inspirent de leur salle des Champs-Elysées pour inaugurer leur formule « drugstore » et salle de cinéma pour lancer le Publicis Saint-Germain. C’est également à cette période, en 1964, que l’architecte Georges Peynet entreprend la rénovation complète du Studio Publicis des Champs-Elysées. Le Film français commente cette transformation: « Le hall, prolongement du drugstore voisin est habillé en frises de cèdre verni. Côté escalier dans le panneau de glace est disposé un placeur automatique indiquant à tout instant l’état d’occupation des fauteuils… La salle, tout en conservant son volume initial a changé totalement d’aspect. Entre un rythme de pilastres de bois a été marouflée une moquette exprimant une tapisserie écossaise. Des appliques inspirées des luminaires des vieilles places de Paris mêlent le jeu souple de leur support de bronze doré avec le regroupement recherché de leurs boules opalines. La moquette du sol a été exécutée dans le même écossais que les murs. Un ensemble de fauteuils en cuir noir apporte une note sobre… La scène a complètement disparu, le rideau et ses deux amortisseurs latéraux ont été traités en un tissu de Rhovyl vieil or… L’écran a été agrandi et se développe d’un mur à l’autre sur une surface de 7.20 x 3.60″.

Ci-dessus: la salle rénovée du Studio Publicis en 1965.

Ci-dessus: le hall du Studio Publicis en 1964.

Ci-dessus: les fauteuils de cuir de la salle rénovée du Studio Publicis en 1965.

La salle rouvre le 30 septembre 1964 sous l’enseigne Publicis Elysées avec à l’affiche « Le Monde sans soleil » de Jacques-Yves Cousteau. Le film de Claude Berri « Le Vieil homme et l’enfant » sort le 10 mars 1967 dans la combinaison des salles Publicis Elysées, Publicis Saint-Germain et Vendôme et obtient un succès inattendu. C’est également le cas pour « Dans la chaleur de la nuit » de Norman Jewison dès le 1 mars 1968 ou encore de « If » de Lindsay Anderson, auréolé de la Palme d’or à Cannes et sorti le 21 mai 1969.

Au début des années 1970, Charles Chaplin décide de débloquer les droits d’exploitation de ses longs-métrages les plus importants, longtemps invisibles. Parafrance, la société de distribution des frères Siritzky, remporte les droits d’exploitation pour la France. Le Publicis Elysées jouit naturellement de ces ressorties dans sa salle, conjointement avec le Publicis Saint-Germain puis, en raison du succès de ces reprises, avec le cinéma Max Linder. Le film « Les Temps modernes » ouvre le feu dès le 4 novembre 1971, suivi des « Lumières de la ville » le 10 février 1972, de « La Ruée vers l’or » le 20 avril 1972, de « La Grande revue de Charlot » composé de « Charlot soldat » et du « Pélerin » le 7 juillet 1972. C’est « Le Dictateur » , à l’affiche le 8 septembre 1972, qui clôt ce cycle de ressorties en France.

L’incendie de l’immeuble Publicis et la reconstruction du cinéma.

Le 27 septembre 1972, alors que le film humaniste de Charles Chaplin triomphe dans la salle du Publicis Elysées, un gigantesque incendie ravage l’immeuble qui héberge les bureaux de l’agence Publicis ainsi que le drugstore et la salle de cinéma.

Un nouveau bâtiment sort bientôt de terre: le nouvel immeuble de l’agence de Marcel Bleustein-Blanchet loge dès le 20 décembre 1974 une nouvelle salle de 468 fauteuils. C’est un film de la saga James Bond « L’Homme au pistolet d’or » de Guy Hamilton qui inaugure le nouveau et luxueux Publicis Elysées.

Ci-dessus: la façade du cinéma Publicis Elysées en 1995.

L’esprit du Studio Publicis disparaît, la programmation des deux salles de 500 et 285 fauteuils du Publicis Elysées se tourne vers le cinéma grand public. Le cinéma d’auteur occupe les écrans de nombreuses salles du Quartier latin ainsi que, dans le quartier des Champs-Elysées, des cinémas Lincoln, Balzac et Marbeuf entre autres. Suite à la faillite de Parafrance, c’est la société Gaumont qui assure la programmation du cinéma.

Le cinéma de deux salles est toujours en activité sur l’avenue des Champs-Elysées sous le nom de Publicis Cinéma.

Remerciements: M. Thierry Béné.
Sources et documents: Le Film français et collection particulière.

Les cinémas des Champs-Elysées.
Le Publicis cinéma aujourd’hui.