Adresse: 5 rue du Colisée à Paris (8ème arrondissement)
Nombre de salles: 1 puis 2 salles

En 1912 est créé dans la rue du Colisée, une artère perpendiculaire à l’avenue des Champs-Elysées, le théâtre Impérial qui est démoli en 1924 pour laisser la place à une nouvelle salle de spectacle, le Théâtre de l’Avenue.

La presse de l’époque met en avant le confort de ce nouvel établissement ainsi que sa modernité. L’inauguration a lieu le 15 mai 1924 avec une comédie d’Alfred Savoir « La Grande duchesse et le garçon d’étage ». Dans son numéro de cette semaine-là, le magazine Comoedia commente le nouveau théâtre de l’Avenue: « les spectateurs découvriront ce soir le plus coquet théâtre que l’on puisse rêver. De larges dégagements donnent accès sur un hall d’une décoration très Art moderne du plus heureux aspect. L’intérieur de la salle est accueillant avec ses fauteuils confortables tapissés d’un velours violine. La scène agencée par Georges Rolle, possédant tous les perfectionnements de la machinerie, est dotée d’une installation électrique dernier-modèle… Il n’est pas une place d’où il ne soit possible de voir parfaitement et notamment aux fauteuils de balcon, grâce à une construction en gradins très surélevés ».

La création de ce théâtre s’inscrit dans la tendance d’un déplacement des sorties culturelles parisiennes vers le quartier de l’Etoile. « Il est probable que d’ici peu d’année on ne dira plus les théâtres des « boulevards » mais les théâtres de « l’avenue ». » Le Théâtre de l’Avenue est dirigé par Georges Pitoëff du mois de février 1932 à mai 1933. La salle est vendue et, sous sa nouvelle enseigne Studio BGK, poursuit son activité de salle de spectacles durant quelques mois. C’est le 21 septembre 1934 que le Théâtre de l’Avenue inaugure sa nouvelle activité cinématographique avec la projection du film « Chanson d’amour » de Paul L. Stein.

Le théâtre de l’Avenue transformé en salle de cinéma.

La programmation du Cinéma de l’Avenue se tourne vers les productions des majors américaines proposées en version originale. « Un Drame à Manhattan » de W.S. Van Dyke et George Cukor à l’affiche le 2 novembre 1934 est l’un des nombreux films programmés au Cinéma de l’Avenue, tout comme « La Joyeuse divorcée » , une production RKO de Mark Sandrich avec Fred Astaire et Ginger Rodgers, « Toute la ville en parle » de John Ford pour la Columbia proposé le 3 mai 1935 pour seize semaines, « Le Mouchard » également de John Ford le 20 septembre de la même année ou bien « Le Petit lord Fauntleroy » de John Cromwell pour onze semaines.

Ci-dessus: « Toute la ville en parle » à l’affiche du Cinéma de l’Avenue le 3 mai 1935.

Ci-dessus: « J’ai le droit de vivre » de Fritz Lang à l’affiche du Cinéma de l’Avenue le 27 mai 1937.

Ci-dessus: « Deanna et ses boys » à l’affiche du Cinéma de l’Avenue le 15 octobre 1937.

Deanna Durbin, la star des studios Universal et vedette préférée des adolescentes des année 1930, est à l’affiche du Cinéma de l’Avenue à maintes reprises: « Deanna et ses boys » d’Henry Koster le 15 octobre 1937 pour treize semaines, « Délicieuse » de Norman Taurog le 26 mars 1938 pour neuf semaines ou bien « Cet âge ingrat » d’Edward Ludwig le 26 octobre 1938 pour six semaines. Avec l’arrivée des Allemands dans Paris, la salle ferme alors qu’elle assure les prolongations de « La Mousson » de Clarence Brown dont l’exclusivité avait lieu au cinéma Le Paris.

La salle rouvre en décembre 1940 et reprend sa vocation initiale. Son directeur Henri Lartigue propose une pièce de Bernard Shaw « Sainte Jeanne » avec Jany Holt dans le rôle titre. Pendant les années de l’Occupation, le Théâtre de l’Avenue voit également se produire le tour de chant des vedettes de l’époque: Charles Trenet, Léo Marjanne, Django Reinhardt ou Edith Piaf au printemps 1941. L’Avenue affiche du théâtre et du music-hall durant toute l’Occupation, à l’exception d’un bref retour au cinéma avec « Le Songe de Butterfly » de Carmine Gallone le 3 avril 1942 pour cinq semaines.

A la Libération, la réouverture de l’Avenue s’effectue avec le film « Eve a commencé » d’Henry Koster qui marque le retour de Deanna Durbin à l’écran. Ce film simultanément projeté au Rex est l’un des premiers films américains sortis à la Libération. La salle retrouve sa vocation d’avant-guerre avec la projection de films américains en version originale: « La Dame du vendredi » d’Howard Hawks y est à l’affiche le 12 janvier 1945 ainsi que « Femmes » de George Cukor le 7 novembre.

Au cours de l’année 1946, le Cinéma de l’Avenue est associé au prestigieux cinéma Paramount des grands boulevards avec, en particulier, deux films de Billy Wilder: « Assurance sur la mort » le 2 août et « Les cinq secrets du désert » le 27 novembre. Le cinéma de l’Avenue y joue la version originale tandis que la salle des grands boulevards la version française.

La salle de l’Avenue se tourne vers des prolongations en version originale de films sortis uniquement doublés, comme « Madame Miniver » de William Wyler le 1 janvier 1947, « Le Bal des sirènes » de George Sydney le 28 février de la même année ou encore « Casablanca » de Mickael Curtiz le 27 juin. Ces films sont précédemment sortis au Gaumont-Palace ainsi qu’au Rex. Certaines sorties exclusives de films américains jugés mineurs d’un point de vue commercial sortent dans la salle du Cinéma de l’Avenue: « Le Chant du Missouri » de Vicente Minnelli le 28 mai 1947, « Boomerang » d’Elia Kazan le 10 décembre 1947 ou « Les Raisins de la colère » de John Ford le 31 décembre 1947. Ils sont aujourd’hui des classiques du cinéma américain.

Au début des années 1950, la programmation du Cinéma de l’Avenue se tourne vers les films grand public, la salle est alors associée dans sa programmation avec celle du cinéma Le Français. « Mademoiselle Josette » d’André Berthomieu  y tient l’affiche dès le 2 février 1951, tout comme « Mon phoque et elle » de Pierre Billon le 23 mars 1951.

L’Avenue, la salle des grands films en version originale.

Le film britannique d’Alexander Mackendrick « L’Homme au complet blanc » sort en exclusivité au Cinéma de l’Avenue le 26 mars 1952: son succès est tel qu’il y reste durant vingt-deux semaines. La salle est ensuite associée au cinéma Vendôme pour des sorties prestigieuses de films Art et Essai comme « L’Homme tranquille » de John Ford à l’affiche le 7 novembre 1952, « Les Mauvaises rencontres » d’Alexandre Astruc le 21 octobre 1955 ou le chef d’œuvre de Carl Theodor Dreyer « Ordet » le 28 décembre 1955. Vers la fin des années 1950, la salle propose de grands films commerciaux avec les prolongations du « Tour du monde en 80 jours » de Mickael Anderson.

Ci-dessus: La façade du Cinéma de l’Avenue en 1959 avec à l’affiche « La Mort aux trousses ».

La salle est associée à la programmation du Gaumont-Palace et de l’Aubert-Palace notamment pour la sortie de « La Mort aux trousses » d’Alfred Hitchcok le 21 octobre 1959. Le cinéma de la rue du Colisée transforme sa façade avec un panneau-annonce lumineux étudié en fonction de sa visibilité depuis les quelques mètres du trottoir des Champs-Elysées.

En ce début des années 1960, le Cinéma de l’Avenue retrouve l’Art et Essai avec « La Nuit » de Michelangelo Antonioni à l’affiche le 24 février 1961 et « Shadows » de John Cassavetes que distribue Athos Films, une société dont Jo Siritzky est alors gestionnaire. L’événement reste, le 14 juin 1963, la sortie par Pathé dans la seule salle de l’Avenue du film de Luchino Visconti « Le Guépard ». Pour l’occasion, le prix des places devient le plus élevé de la capitale: 15 francs, alors qu’il faut débourser 12 francs à l’Empire Cinérama qui est alors la salle de cinéma la plus chère de Paris, le Rex proposant quant à lui des billets de 3,5 à 6 francs. « Le Guépard » tient l’affiche des mois durant.

Ci-dessus: le Cinéma de l’Avenue sort en exclusivité à Paris « Le Guépard » de Luchino Visconti avec Alain Delon et Claudia Cardinale.

Ci-dessus: à partir du 11 mai 1966, « West side story » joue les prolongations au Cinéma de l’Avenue.

La suite des années 1960 est marquée par les prolongations de plusieurs mois du film de Jacques Demy « Les Parapluies de Cherbourg » le 8 avril 1964 après son succès-surprise au Studio-Publicis, de « My Fair lady » de George Cukor le 17 décembre 1965 ou de « West side story » de Robert Wise le 11 mai 1966, ce dernier tient l’affiche du cinéma George-V, dont la famille Siritzky assure la gérance, pendant quatre ans, huit mois et dix jours!

Le circuit des frères Siritzky lance le Paramount-Elysées.

En 1968, la société des frères Siritzky Parafrance, qui acquiert et ouvre de nombreuses salles sur le territoire, entreprend la construction d’un nouveau cinéma après la démolition de l’Avenue. C’est le 20 juin 1968 avec le film de Joseph Losey « Boom » avec Liz Taylor et Richard Burton, qu’est inaugurée la nouvelle salle de 600 places, conçue par Georges Peynet, sous l’enseigne Paramount-Elysées.

Le Film français commente l’ouverture du cinéma des frères Siritzky: « le nouveau cinéma a été implanté dans le vide créé par la démolition totale de l’ancienne salle. L’écran élargi (100m2) a été repoussé contre le mur de fonds de scène: il occupe la totalité de la largeur entre les murs mitoyens et repose sur une vaste estrade. Les parois latérales, recréées le long des mitoyens, dégagent la largeur maximale du volume existant. La courbe du sol de l’orchestre a été réalisée en approfondissant la partie basse de la salle. Une corbeille a été construite plus bas que l’ancien balcon. Ses places ont ainsi leur confort amélioré. »

La publicité du premier programme met en avant le luxe, le confort et l’originalité du nouveau cinéma avec le slogan « Une salle toute en cuir ». La salle est conçue pour des présentations en « road-show » c’est à dire présentant en seule exclusivité un film pendant des mois.

Ci-dessus: vue de la salle, à son ouverture en 1968, du cinéma Paramount-Elysées. Prise depuis le balcon, l’écran est caché derrière des panneaux mobiles de cuir.

Ci-dessus: vue de la salle du Paramount-Elysées à son ouverture en 1968, depuis l’écran.

Ci-dessus: vue de la salle du Paramount-Elysées à son ouverture en 1968.

Ci-dessus: vue du hall du cinéma Paramount-Elysées avec sa caisse centrale.

La façade a été totalement repensée se développant sur toute la partie de l’immeuble. « Une grande plage lumineuse occupe le rez-de-chaussée et le premier étage. Dans sa vaste partie inférieure, ont peut y découvrir de vastes vitrines aux couleurs vives conçues pour la présentation, soit de panneaux peints, soit de montages photographiques… l’ensemble est couronné par un panneau publicitaire et par un jeu d’éclairage cinétique ». Une enseigne verticale lumineuse Paramount complète cet ensemble attractif.

L’entrée de la salle « se fait par un péristyle dallé de marbre clair ». Dès le hall, le luxe du lieu transparaît: « le hall est décoré de glaces et de bois vernis… des portes en glace teintée donnent accès au foyer… les panneaux latéraux sont revêtus de daim ». La cabine, réimplantée judicieusement, est très spacieuse. La salle est équipée pour la projection en 70MM et « la stéréophonie y a été conçue en même temps que l’ensemble décoratif et l’ambiance sonore y est très homogène« . L’air conditionné est à la pointe de la technique et améliore le confort du spectateur.

Ci-dessus: « Boom! » de Joseph Losey inaugure le cinéma Paramount-Elysées le 21 juin 1968.

Ci-dessus: Barbra Streisand dans « Funny girl » à l’affiche du Paramount-Elysées le 17 janvier 1969.

Ci-dessus: Shirley MacLaine dans « Sweet charity » à l’affiche du Paramount-Elysées le 5 septembre 1969.

Le premier grand succès du nouveau Paramount-Elysées est le film de William Wyler « Funny girl » à l’affiche le 17 janvier 1969 qui révèle Barbra Streisand, alors peu connue du public français. Suivent « Isadora » de Karel Reisz le 20 juin 1969, « Sweet charity » de Bob Fosse le 5 septembre 1969, « Melinda » de Vicente Minnelli le 30 octobre 1971 et « La Fille de Ryan » de David Lean le 23 décembre 1970 en tandem avec le cinéma l’Arlequin, qui fait alors partie du circuit Parafrance.

Le 28 avril 1971, « Le Chagrin et la pitié » rencontre un succès inattendu dans un petit cinéma du Quartier latin, le Saint-Séverin. Le film de Marcel Ophüls, fort de ce triomphe, occupe dans la foulée l’affiche du Paramount-Eysées pour dix-neuf semaines. Le début des années 1970 voit le principe de sortie dans une salle unique disparaître, le Paramount-Elysées associe alors sa programmation à de nombreuses autres salles parisiennes, comme à l’occasion de la sortie du film de Bernardo Bertolucci « Le Dernier tango à Paris » projeté dès le 15 décembre 1972.

Ci-dessus: la salle 2 du Paramount-Elysées à sa création en 1977.

Le Paramount-Elysées intégré au cinéma Gaumont Ambassade.

Malgré la création en 1977 d’une seconde salle dans les dépendances du cinéma et sans toucher à la salle historique, le cinéma de la rue du Colisée est en vente. Au milieu des années 1980, le circuit Parafrance ne survit pas à ses difficultés financières et ses salles de cinéma disparaîtront ou seront reprises par d’autres circuits.

Gaumont rachète naturellement le Paramount-Elysées et l’intègre à son complexe voisin le Gaumont Ambassade en créant un hall commun. L’ancien orchestre de la salle du Paramount-Elysées est scindé en deux salles de 330 et 180 fauteuils. Deux autres salles de 89 et 79 fauteuils sont créées à partir du balcon. Enfin, une dernière salle de 63 fauteuils voit le jour en lieu et place d’un restaurant mitoyen.

Le Gaumont Ambassade atteint les sept salles lorsqu’en 1987 sa grande salle historique et divisée en deux salles labelisées GaumontRama. Mais l’aventure cinématographique de ce mythique cinéma des Champs-Elysées se termine le 31 juillet 2016 avec la fermeture définitive de l’Ambassade.

Ci-dessus: l’ancienne façade du cinéma Paramount-Elysées en 1996. Les deux salles sont intégrées au cinéma Gaumont Ambassade de l’avenue des Champs-Elysées.

Ci-dessus: en 2018, les marteaux-piqueurs s’attaquent à l’ancien cinéma Gaumont Ambassade…

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Les cinémas des Champs-Elysées

Remerciements: M. Thierry Béné.
Photos et documents: Le Film français et collection particulière.