Adresse: 21 avenue Georges Clemenceau à Nice (Alpes-Maritimes)
Nombre de salles: 1
En 1933, l’imposant ensemble immobilier le Palais de l’Escurial imaginé par l’architecte Léonard Varthaliti sort de terre dans le centre de Nice. Ce bel immeuble Art-déco a pour particularité d’abriter à son rez-de-chaussée une vaste salle de cinéma de 1.375 fauteuils qui devient rapidement l’une des plus réputées de Nice. Les fresques peintes par Étienne Doucet (1890-1978), un artiste qui a également officié sur les parois de l’église Notre-Dame-Auxiliatrice, est l’un des joyaux de l’Escurial.
Le revue Chantiers du 25 décembre 1934 évoque sous la plume de Charles Roset les caractéristiques de ce nouveau cinéma niçois: « L’immeuble neuf occupé par ce cinéma, dans la rue Alphonse-Karr, comporte, au dessus de la salle située au rez-de-chaussée, cinq étages destinés à l’habitation (…) La salle qui comprend un parterre et un balcon, est séparée de la rue par une rangée de boutiques et une galerie d’accès communiquant avec le hall d’entrée. Elle est soigneusement isolée d’un point de vue acoustique. La scène est agencée de façon à pouvoir y présenter des artistes, pour lesquels il existe des loges à proximité. L’ossature de l’édifice est en béton armé et le point bas du radier général bétonné est à 6 mètres plus bas que le niveau de la rue (…) La décoration de l’édifice est soignée, et il faut mentionner, dans la salle de cinéma, deux grandes fresques reproduisant des scènes de l’antiquité grecques et romaines ».
L’Escurial, « La plus belle salle de la Côte d’Azur ».
Pour édifier ce nouvel établissement cinématographique et en vue de loger la salle, Léonard Varthaliti adopte « la forme même du terrain, c’est-à-dire la forme en éventail, l’écran se trouvant du côté le plus étroit (…) Il fallait obligatoirement que l’entrée principale soit placée à l’extrémité arrondie du triangle, face à la partie de l’Avenue Georges Clemenceau, qui se dirige vers l’Avenue si fréquentée de la Victoire (…) Vers l’arrière de la salle, quelques marches d’escalier donnent accès vers un passage privé, en communication directe avec l’extérieur ».
Ci-dessus: la façade de l’Escurial le 18 avril 1934 avec à l’affiche Feu Toupinel de Roger Capellani.
Ci-dessus: l’Escurial en 1934.
Ci-dessus: vue du Palais de l’Escurial en 1933.
Ci-dessus: plans de l’Escurial en 1933.
Outre le luxe de son décor, la particularité de l’Escurial est de faire bénéficier à ses spectateurs d’une excellente visibilité depuis chaque emplacement de fauteuils, les piliers de soutènement étant situés dans les allées. La forme du plafond en vagues successives est étudiée pour éviter toute réflexion du son vers les spectateurs.
La Cinématographie française évoque également l’ouverture de la nouvelle salle: « La plus belle salle de Nice est sans contredit l’Escurial. Par ses dimensions, par le modernisme de son confort et de sa décoration, cette salle est digne de figurer à côté des plus célèbres palaces parisiens dont elle a l’esprit, le charme et la commodité. L’extérieur est d’une sobriété architecturale qui n’exclue ni l’harmonie, ni le goût, avec sa façade en rotonde et ses longues cannelures. Le hall d’entrée procède de la même ampleur et de la même simplicité. Mais, dès les premiers couloirs, larges et spacieux, dès l’escalier monumental à double développement, conduisant à l’orchestre et au mezzanine, l’enchantement commence. Partout le vert et l’or ont été associés en une symphonie chantante du plus délicat effet ».
Et de poursuivre: « La salle vous donne l’impression à la fois d’amplitude et de mesure que seules communiquent les grandes œuvres architecturales harmonisées. Entre autres détails, la perspective des volutes courbes du plafond rejoignant celles de la scène et de l’écran et où se dissimulent 4000 lampes d’un éclairage changeant, est une merveille d’ingéniosité et d’Art. La conception de l’ensemble et la réalisation de l’Escurial sont dues à l’excellent architecte Léonard Varthaliti qui a su concilier dans une formule très moderne, sans outrecuidance, le souci d’élégance décorative et le plus scrupuleux confort. L’Escurial a naturellement été doté de tous les aménagements modernes concernant le chauffage et la réfrigération de l’air, détail qui a son importance en été dans une ville comme Nice ».
L’accent est mis sur le confort de la salle ainsi que sur sa décoration, notamment avec deux monumentales fresques installées sur les murs latéraux: « Exécutées à la Tempera par M. Doucet, sur grandes plaques d’insulite, elles ont pour objet, à gauche, une scène du siècle de Périclès déduite de la procession des Panathénées qui figure au Parthénon, à droite une otavie (petit triomphe) du IIè siècle à Rome, sous l’Empereur Antonin, se déployant devant l’Arc de Titus » commente Charles Roset dans la revue Chantiers. Les fauteuils de l’Escurial sont « en velours frappé d’un rouge très doux. Les parois de la salle et les plafonds sont tenus dans un ton neutre très clair ainsi que les rideaux et la scène, de manière à refléter aisément et sans déformation les divers éclairages des grils commandés depuis la scène ou la cabine ».
Ci-dessus: vues de la salle avec l’orchestre et le balcon ainsi que les fresques de Doucet sur les parois latérales.
Ci-dessus: L’Escurial, « la plus belle salle de la Côte d’Azur ».
L’Escurial est dirigé par Madame Camille Kahn, veuve de M. Kahn qui, à l’aurore de l’exploitation cinématographique, ouvre le Palace, le premier cinéma des Grands boulevards parisiens et est l’un des fondateurs de la Chambre syndicale. Le quotidien L’Éclaireur de Nice et du Sud-Est nous plonge le 1er décembre 1933 au cœur du gala organisé pour l’inauguration de l’Escurial: « Nous avons eu l’impression hier soir, d’être tout d’un coup transporté sur les grands boulevards de la Capitale. Façade rutilante, décor somptueux, déshabillés suggestifs ont brusquement transformé – comme sous effet d’une baguette magique – un des quartiers les plus sélect de Nice: l’Escurial-Théâtre ouvrait ses portes (…) Le public remarqua plus particulièrement l’installation électrique. Dans les loges on reconnaissait la plupart des notabilités de la ville. Le programme était de choix. C’était un vrai programme de Théâtre. On peut le diviser en trois parties distinctes: l’orchestre dirigé par Maurice Izar, les attractions sur la scène et le film Paris-Deauville ».
Dès ses premières projections, l’Escurial propose des films en première vision à Nice comme Le Signe de la croix de Cecil B. DeMille avec Claudette Colbert et Charles Laughton programmé la semaine du 8 décembre 1933, Un soir de réveillon de Karl Anton avec Henri Garat, Meg Lemonnier, Dranem et Arletty le 29 décembre 1933, Madame Bovary de Jean Renoir avec Valentine Tessier et Pierre Renoir le 7 mars 1934 ou Grand Hotel d’Edmund Goulding avec une pléiade de vedettes de la M.G.M. dont Greta Garbo, John Barrymore et Joan Crawford à l’affiche le 11 avril 1934.
Comme un grand nombre de cinémas de l’époque, certains soirs font relâche pour programmer un spectacle sur scène, comme par exemple le 5 août 1934 quand l’Escurial propose une soirée de gala autour de grandes vedettes des disques Pathé dont la fantaisiste Marguerite Gilbert que la presse compare à Mistinguett, le grand orchestre Kazanova qui s’est produit dans les grands music-halls à Londres, Berlin, Madrid et Rome, les charmants duettistes Charles et Johnny – Charles Trenet et Johnny Hess – et enfin le chanteur de charme Guy Berry.
Ci-dessus: annonce de l’ouverture officielle de l’Escurial le 1er décembre 1933.
Ci-dessus: Paris-Deauville, le premier film projeté à l’Escurial.
Le 21 septembre 1934 sort avec un grand renfort de publicité et en même temps que le Paramount de Paris, le nouveau film de Josef von Sternberg avec, pour la sixième fois devant sa caméra, la magistrale Marlene Dietrich. L’Impératrice rouge est un immense succès mais, comme le système de distribution le prévoit à l’époque, le film ne reste qu’une semaine à l’Escurial pour occuper d’autres écrans de la ville. L’Impératrice rouge est tout de même repris dans la salle de l’Escurial la semaine du 9 novembre 1934. Ce n’est qu’à partir de l’année suivante que les films importants restent plusieurs semaines à l’affiche du cinéma.
Au cours des années 1930, le double programme fleurit dans les salles de cinéma. Lorsque les films à fort potentiel commercial sortent, l’Escurial les propose en programme unique accompagné de courts métrages, d’actualités et d’attractions. Le 15 mars 1935, La Veuve joyeuse d’Ernst Lubitsch avec Jeanette MacDonald et Maurice Chevalier sort en exclusivité à l’Escurial que la publicité vante comme « le film que vous ne verrez qu’à l’Escurial jusqu’en 1936 ». Une grande soirée de gala, au cours de laquelle des fleurs sont offertes à toutes les spectatrices, est organisée pour la première du film.
Devant l’afflux de spectateurs, un guichet spécial est ouvert pour la location des places. Le film reste à l’affiche trois semaines puis est suivi par Les Trois Lanciers du Bengale d’Henry Hathaway le 5 avril 1935 pour dix jours. Lors de la sortie le 29 novembre 1935 du film de Michael Curtiz Mandalay, l’Escurial inclut en complément de programme une prestation sur scène effectuée par Joan Warner, « la déesse du rythme et du nu intégral dans ses audacieuses danses nues, accompagnée par son orchestre spécial ». Nul doute que le public vient en nombre!
Ci-dessus: Le Signe de la croix de Cecil B. DeMille à l’affiche le 8 décembre 1933.
Ci-dessus: L’Impératrice rouge de Josef von Sternberg à l’affiche le 21 septembre 1934.
Ci-dessus: La Veuve Joyeuse d’Ernst Lubitsch le 15 Mars 1935.
Ci-dessus: pavé de presse du 19 juillet 1935 mettant en avant la climatisation.
Ci-dessus: Anna Karenine de Clarence Brown en 1935.
Le 25 décembre 1935, c’est au tour du chef d’œuvre de Jacques Feyder La Kermesse héroïque de bénéficier d’une sortie de quinze jours sur l’écran l’Escurial, alors que la semaine du 10 janvier 1936 connaît une fermeture de tous les cinémas de Nice car un conflit social oppose le personnel et les directions d’établissements sur un certain nombre de revendications.
En mai 1936, madame Camille Kahn évoque la programmation de l’Escurial dans les colonnes de la Cinématographie française: « Je me suis attachée à ne donner ici que de très bons films, dignes du cadre dans lequel ils sont présentés: J’aime toutes les femmes, Crime et Châtiment, Kœnigsmark, La Kermesse héroïque, Les Yeux noirs. Ainsi, je refuse de faire cet été des reprises et je ne donnerai que de l’inédit: Shirley aviatrice, Malheur aux Vaincus, Chant d’amour ».
Ci-dessus: La Kermesse héroïque de Jacques Feyder le 25 décembre 1935.
Ci-dessus: Grève des salles de cinéma de Nice le 10 janvier 1936.
Au moment du Front Populaire en juin 1936, une nouvelle grève intervient dans les cinémas de Nice et de Cannes. Des revendications salariales sont à l’origine de ce mouvement: les contrôleurs demandent un salaire de 1.200 francs par mois, les caissières, de 1.000 francs, les ouvreuses, de 150 francs par mois plus les pourboires. Les pourparlers étant interrompus le 23 juin, l’Escurial est alors occupé par le personnel. Le lendemain, un accord est trouvé et la séance du soir peut avoir lieu.
Madame Kahn acquiert en juin 1937 le cinéma Mondial situé rue de la Liberté et ne modifie pas l’accord qui lie l’Escurial avec le Rialto pour la sortie conjointe de films en exclusivité dans ces deux salles. Un conflit éclate entre ces salles et le Paris-Palace qui vient de déclencher « la guerre du prix des places » en devenant permanent et en mettant ses fauteuils à seulement 3 francs. L’Escurial et le Rialto assurent des sorties comme César de Marcel Pagnol le 18 décembre 1936 pour quinze jours, La Charge de la brigade légère de Michael Curtiz le 26 février 1937, le film en Technicolor Le Jardin d’Allah de Richard Boleslawski le 30 avril 1937 ainsi que Regain de Marcel Pagnol le 17 décembre de la même année.
En 1938, Madame Kahn cède l’Escurial et le Mondial à M. Ayuso, le propriétaire du Rex de Saint-Etienne. Cette cession se faisant en pleine saison, le nouveau directeur connaît quelques difficultés quant à la programmation. Pourtant, l’Escurial sort Les Aventures de Robin des bois de Michael Curtiz et William Keighley pour les fêtes de fin d’année 1938 conjointement avec le Rialto et le Casino Municipal.
Restrictions des films en temps de guerre.
Lorsque la guerre éclate, on donne à l’Escurial, le film Nuits de bal d’Anatole Litvak avec Errol Flynn et Bette Davis. Les autorités ordonnent un éclairage restreint des principales artères de la ville, le reste de la commune étant plongé dans le noir absolu. La fréquentation reprend surtout dans les salles du centre-ville. Grâce à des moyens de fortune, les cinémas restent ouverts durant ces premiers mois de conflit, excepté l’Edouard VII et l’ABC qui ne rouvrent qu’en novembre 1939.
Le manque d’éclairage et la suppression des transports publics après 20 heures modifient la fréquentation, le public venant désormais principalement lors des matinées. Les contrats de distribution signés avant le conflit sont suspendus, l’Escurial est dans l’impossibilité de proposer des nouveautés et se tourne vers des reprises en double programmation. La salle propose Le Fils de Frankenstein de Rowland V. Lee avec Boris Karloff le 13 septembre 1939 ou Ma tante dictateur de René Pujol le 13 décembre 1939.
Ci-dessus: Têtes De Pioches de John G. Blystone avec Laurel et Hardy le 20 décembre 1939.
Ci-dessus: Les Conquérants de Michael Curtiz au programme le 4 avril 1941.
La zone libre rencontre des difficultés d’approvisionnement en nouveautés et seuls les cinémas Paris-Palace et le Forum proposent des premières visions. On peut cependant applaudir dans la salle de l’Escurial les tours de chants de Maurice Chevalier, de Charles Trenet et de Tino Rossi même si les recettes ne sont pas à la hauteur des attentes, ce qui fait dire à la revue collaborationniste Le Film que « le public préfère toujours voir les artistes dans leurs films que de les entendre dans un tour de chant ».
Le jeudi 30 janvier 1941, l’Escurial propose un grand crochet pour artistes amateurs, les inscriptions se font dans la salle et un prix de 1000 francs est remis au vainqueur. La programmation se poursuit avec des films en reprise ainsi que des productions américaines qui ne sont pas interdites en zone libre. Parmi les films en double programme à l’affiche de l’Escurial en 1941, citons Zaza de George Cukor avec Claudette Colbert et Bulldog Drummond en péril de James P. Hogan, accompagné d’un Mathurin – le nom français donné à Popeye – la semaine du 17 janvier 1941 ou Les Conquérants de Michael Curtiz celle du 4 avril 1941. Les premières visions reviennent à l’Escurial avec L’Acrobate de Jean Boyer avec Fernandel le 10 octobre 1941, l’unique réalisation de Pierre Fresnay Le Duel le 31 octobre 1941 ou La Femme que j’ai le plus aimée de Robert Vernay le 30 avril 1942.
Alors que la ville de Nice est occupée par les troupes italiennes à partir de novembre 1942 puis par celles de l’Allemagne en octobre 1943, l’Escurial poursuit son activité en tandem avec l’Excelsior et programme des œuvres comme Pontcarral, colonel d’Empire de Jean Delannoy avec Pierre Blanchar – un des grands succès de Pathé sous l’Occupation – à l’affiche le 4 février 1943, Monsieur des Lourdines de Pierre de Hérain avec le subtil Raymond Rouleau le 17 septembre 1943, Les Anges du péché de Robert Bresson avec Renée Faure le 1er décembre 1943, Ceux du rivage de Jacques Séverac avec Blanchette Brunoy le 22 mars 1944 ou bien Vautrin de Pierre Billon avec Madeleine Sologne et Michel Simon dans le rôle-titre le 10 mai 1944.
Dans l’immédiate après-guerre et jusqu’en 1946, Nice connaît de graves restrictions d’électricité. La situation des salles de spectacles devient préoccupante à tel point que l’Escurial ne peut jouer en matinée car le courant alternatif est coupé entre 14 heures et 17h30. En 1946, les horaires dans les cinémas sont pour les salles en courant continu: une matinée à 15 heures et une soirée à 21h; pour les salles en courant alternatif: une matinée à 17h30 et une soirée à 21 heures. Le dimanche et les fêtes, tous les cinémas peuvent être permanents de 14h à 24h.
Le prestige de L’Escurial permet à la salle niçoise d’accueillir, lors d’une soirée de gala le 10 avril 1946, la première mondiale du film de Louis Cuny Étrange Destin interprété par les vedettes Renée Saint-Cyr et Aimé Clariond. Durant cette période, la salle fonctionne en tandem avec le Casino pour la sortie de films comme le film d’espionnage Mission spéciale de Maurice de Canonge avec Jany Holt et Pierre Renoir – un des grands succès oublié de l’histoire du cinéma français – dont la première époque est proposée le 24 avril 1946 et la seconde le 1er mai 1946, l’intemporel chef d’œuvre de Jean Cocteau La Bête et la Bête avec Jean Marais et Josette Day le 13 novembre 1946 qui comptabilise 11.420 spectateurs à l’Escurial, Fantasia de Walt Disney le 8 janvier 1947, Gilda de Charles Vidor avec Rita Hayworth et Glenn Ford le 19 mars 1947 ou Les Jeux sont faits de Jean Delannoy d’après Jean-Paul Sartre avec Micheline Presle et Marcello Pagliero le 24 décembre 1947.
Quand la politique se mêle au cinéma, cela donne le grand meeting du Parti Communiste organisé le 11 avril 1948 dans la salle de l’Escurial en présence de Marcel Cachin, directeur du journal l’Humanité et député de Paris. En cette même année 1948, la guerre des circuits éclate à Nice: jusqu’alors, seuls deux circuits sont présents dans l’agglomération, d’une part la Société de Gestion et d’Exploitation des Cinémas (S.O.G.E.C.) – créée sous l’Occupation à partir de capitaux allemands – regroupant le Paris-Palace, le Forum, les Variétés et le Studio 34 et d’autre part le groupe Garnier réunissant l’Escurial, l’Excelsior, le Fémina, le Casino, le Mondial et le Rialto. Ce dernier éclate et les salles du Casino, du Rialto, du Mondial et du Fémina rejoignent le circuit de la Société Nouvelle des Etablissements Gaumont (S.N.E.G.). L’Escurial reste dans le giron du groupe Garnier à un moment où la compétition entre les salles atteint son apogée.
L’Escurial enregistre en 1948 des recettes importantes grâce à La Chartreuse de Parme de Christian-Jaque avec Gérard Philipe et Renée Faure et à Bambi de Walt Disney. En mars 1950, la salle rejoint finalement le circuit de la S.O.G.E.C. – déjà propriétaire de quatre salles de première vision à Nice – qui en assure désormais la programmation.
Le CinemaScope débarque dans la région au seul Escurial.
L’Escurial peut s’enorgueillir d’être la première salle du Sud-Est à s’équiper dès 1953 en CinemaScope avec l’installation de l’écran «Miracle-Mirror-Screen». La Cinématographie française du 12 décembre de la même année évoque l’installation du procédé voulu par M. Ayuso, directeur et propriétaire de l’Escurial: «La nouvelle installation comporte d’importants travaux de modification du gros œuvre de la scène de l’Escurial, effectués sous la direction de Léonard Varthaliti, architecte. Ces travaux nécessitent la mise en place d’un écran «Miracle-Mirror-Screen» de plus de 12 mètres de base, de 10 haut-parleurs d’ambiance de salle, fournis et mis en place par «Western Electric».
Le gala d’inauguration du CinemaScope a lieu le 23 décembre 1953 en présence de M. Henri Chrétien, inventeur de l’Hypergonar, avec la première projection à Nice de La Tunique de Henry Koster: «La salle absolument comble a applaudi chaleureusement le Professeur Chrétien qu’accompagnait Madame Chrétien. Des représentants du Préfet des Alpes Maritimes, de la Municipalité, des autorités ecclésiastiques, de nombreuses personnalités ainsi que des membres de la Presse se reconnaissaient parmi un très nombreux public occupant les 1.300 places de l’Escurial» commente la Cinématographie française au lendemain de cette première. Doté de ce système de projection, dont le but est de concurrencer la télévision qui se développe, l’Escurial propose un grand nombre d’œuvres issues des studios de la Twentieth Century-Fox dont la production est alors intégralement réalisée en CinemaScope.
Ci-dessus: Installation du CinemaScope et de la stéréophonie pour la sortie de La Tunique en 1954.
Ci-dessus: Ben-Hur de William Wyler annoncé le 27 décembre 1960.
Parmi les films en CinemaScope, retenons Tempête sous la mer de Robert D. Webb le 9 juin 1954, Capitaine King de Henry King le 18 août 1954, Prince Vaillant de Henry Hathaway le 20 octobre 1954, Le Jardin du diable du même réalisateur le 14 décembre 1954, Les Gladiateurs de Delmer Daves le 23 février 1955 ou La Colline de l’adieu de Henry King le 3 octobre 1956. Des films au format standard sont également à l’affiche de l’Escurial comme la réédition de Autant en emporte le vent de Victor Fleming et George Cukor le 19 octobre 1955. Les années 1950 se terminent en beauté avec la sortie de La Belle au bois dormant de Walt Disney le 23 décembre 1959.
Le très attendu Ben-Hur de William Wyler, qui triomphe depuis plusieurs semaines dans l’immense salle du Gaumont Palace de Paris, est lancé le mardi 20 décembre 1960 en exclusivité à l’Escurial par une prestigieuse soirée de gala organisée par la M.G.M. et M. Ayuso. Le film reste quatorze semaines à l’affiche et enregistre 78.749 entrées avant d’occuper l’écran du Vox de Cannes, puis cinq semaines plus tard celui de l’A.B.C. à Marseille. Le film revient à l’Escurial le 1er août 1961 pour six semaines.
La comédie Conduite à gauche est programmée le 28 février 1962 à l’Escurial qui est choisi pour la première mondiale du film de Guy Lefranc dont les principaux interprètes sont Marcel Amont, Dany Robin et Noël Roquevert. Durant ces années 1960, la salle va voir sur son écran défiler un grand nombre de superproductions en 70 mm comme Alamo de John Wayne le 25 avril 1961 ou Les Révoltés du Bounty de Lewis Milestone le 26 mars 1963. Parmi les autres films proposés durant cette décennie, citons Psychose d’Alfred Hitchcock le 6 décembre 1960, La Ciociara de Vittorio De Sica le 3 octobre 1961, Un Drôle de paroissien de Jean-Pierre Mocky le 14 août 1963, Charade de Stanley Donen le 18 décembre 1963 ou bien La Chasse à l’homme d’Édouard Molinaro le 30 septembre 1964.
Ci-dessus: Les Révoltés du Bounty au programme le 26 mars 1963.
A l’occasion de la sortie à Nice de Fantômas se déchaîne d’André Hunebelle le 7 janvier 1966 à l’Escurial et au Casino-Gaumont, une conférence de presse réunissant Mylène Demongeot, Jean Marais et Louis de Funès est organisée devant les journalistes et les exploitants suivie d’un déjeuner sous l’égide de M. Moretti, directeur des salles Gaumont des Alpes-Maritimes et de Jean Astric, président du Syndicat des Directeurs de Cinémas de Nice et des Alpes-Maritimes ainsi qu’en présence de nombreuses personnalités locales. Pour la soirée de gala, les vedettes du film montent sur la scène des deux cinémas qui affichent complet. A minuit, Jean Marais et Louis de Funès participent à un jury pour l’élection de Miss Fantômas. Ces événements promotionnels sont relayés dans la presse locale et assurent le succès du film.
Le film de David Lean Le Docteur Jivago effectue à partir du 30 novembre 1966 une sortie exclusive pour le Sud-Est dans deux salles, l’Escurial de Nice et le Rex de Cannes. Depuis deux mois, la fresque historique adaptée du roman de Boris Pasternak triomphe dans les cinémas parisiens Marignan et Richelieu. Le film occupe l’affiche de l’Escurial durant quinze semaines et enregistre 79.599 entrées avant une reprise dans la même salle à partir du 30 juillet 1969. On ne vit que deux fois de Lewis Gilbert programmé le 27 septembre 1967 ou bien La Sirène du Mississipi de François Truffaut le 13 août 1969 sont parmi les films qui ont le privilège d’être programmés à l’Escurial.
Ci-dessus: On ne vit que deux fois de Lewis Gilbert à l’affiche le 27 septembre 1967.
A l’occasion de la sortie à Nice et en 70 mm du film de Michael Anderson Les Souliers de saint Pierre au seul Escurial le 19 février 1969, une projection privée à l’intention des autorités ecclésiastiques est organisée. On peut aussi voir à cette époque Quand les aigles attaquent de Brian G. Hutton le 26 mars 1969 présenté également en 70 mm. C’est dans les années 1970 que la baisse spectaculaire de la fréquentation de la salle est amorcée et ni La Rupture de Claude Chabrol le 16 septembre 1970, ni Le Casse de Henri Verneuil le 27 octobre 1971 ou même Les Diamants sont éternels de Guy Hamilton le 26 janvier 1972 n’enrayent cette tendance.
Le lent déclin de l’Escurial.
La direction de la salle change de mains le 14 septembre 1974 et c’est désormais Félix Méric qui en assure la gestion après madame Ayuso. L’Escurial devient le cinéma privilégié des productions Walt Disney à l’instar de Robin des Bois de Wolfgang Reitherman le 30 octobre 1974, L’Île sur le toit du monde de Robert Stevenson le 29 octobre 1975, les reprises de Mary Poppins du même réalisateur le 19 octobre 1977, de Peter Pan le 23 mars 1977, Les Aventures de Bernard et Bianca de Art Stevens, John Lounsbery et Wolfgang Reitherman le 30 novembre 1977 ou La Coccinelle à Monte-Carlo de Vincent McEveety le 8 février 1978.
Depuis plusieurs années, l’Escurial n’a plus le privilège des sorties en exclusivité à Nice ou dans la région, ce qui ne favorise pas la fréquentation de la vaste salle qui, malgré quelques belles productions françaises comme Docteur Françoise Gailland de Jean-Louis Bertuccelli le 14 janvier 1976 ou Le Juge et l’assassin de Bertrand Tavernier le 24 mars 1976, affiche des films moins porteurs comme Deux Idiots à Monte-Carlo de Mauro Severino le 24 janvier 1979.
Cette comédie qui n’atteint pas les sommets de la subtilité des œuvres transalpines est le dernier film proposé à l’Escurial qui ferme ses portes le 28 janvier 1979. Seulement 145 spectateurs ont assisté aux dix-huit dernières séances dans « la plus belle salle de la Côte d’Azur ». Triste fin de générique pour l’Escurial, sans compter qu’une discothèque Le Grand Escurial, fermée en 2009, puis un supermarché occupe l’ancienne salle qui n’a pu être rachetée par la municipalité. Quitte à anéantir le patrimoine architectural, les fresques de Doucet n’ont bien entendu pas été conservées par les promoteurs.
Ci-dessus: l’Escurial transformé en discothèque puis en supermarché.
Textes: Thierry Béné.
Documents: revue Le Chantier, Archives départementales 06, Gallica-BnF, Le Film français, La Cinématographie française, collection personnelle.
J’allais au cinéma l’Escurial avec le collège Nice-Flore, souvenirs grandioses, dès l’arrivée dans la salle fresques, colonnes, ciel lumineux, on était transporté par la beauté du lieu dans un monde merveilleux, nos pas se posaient dans une atmosphère feutrée, (c’est puéril mais on pensait à Versailles !).
Avec ce collège on allait à pied au cinéma de quartier Éden, et aussi au Forum promenade des Anglais et au théâtre Palais de la Méditerranée, de 1958-59 à 1961-62.
Le compositeur niçois Henri BETTI avait commencé sa carrière en accompagnant au piano Maurice CHEVALIER dans ce cinéma quand il se produisait en 1940.
Merci Michel pour vos encouragements et vos souvenirs de cinéphile!
Excellent article très bien illustré avec des affiches de films anciens et de superbes photos de la salle !
Marlène Dietrich , Greta Garbo , Errol Flynn , Laurel et Hardy , Ben Hur : que de souvenirs des années 70 où je fréquentais des salles de « reprises » à Paris ( les cinémas « Action » : Lafayette , République et Christine , le Studio Acacias , le studio Bertrand , l’Actua Champo , le Champollion etc … )
Votre site est remarquablement fait !
Bonne continuation
Vu mon premier film « La Tunique » en CinémaScope! C’était une salle magnifique!
Je ne me considère pas d’un « certain âge » et pourtant les regrets infinis sont bien là. Je me souviens parfaitement de la séance qui m’a permis de découvrir « Bernard et Bianca » en 1976 dans cette salle magnifique. Les fauteuils étaient très serrés (d’où les 1400 fauteuils d’origine, on n’en mettrait guère que 500 ou 600 aujourd’hui j’imagine) et les strapontins nombreux. Les couloirs étaient de toute beauté. Nostalgie tout comme pour le « Forum » de la Promenade des Anglais, salle que je fréquentais aussi avant qu’elle ne se transforme en cafétéria Casino puis en discothèque (la plus belle de la Côte d’Azur (le « High » actuellement, 2015). La structure de la salle du Forum n’est presque pas touchée. Je n’ai pas eu le courage de rentrer dans le récent supermarché Casino qui a remplacé le Grand Escurial.
Il est vraiment triste que l’Escurial ne fut pas classé à temps. Il serait toujours là, dans sa splendeur, comme le Grand Res à Paris, sauvé par le Ministère de la Culture de Jack Lang.
Merci à Salles-cinema.com, qui permet à « la plus belle salle de la Côte d’Azur » de ne pas sombrer tout à fait dans l’oubli. C’est un vrai dossier souvenir.
Je comprends les regrets et la nostalgie des niçois… disons « d’un certain âge » !