La période de l’immédiate après-guerre est marquée à la fois par les restrictions et les importantes législations en vue de réorganiser le secteur. Pourtant, durant cette période compliquée, le Gaumont-Palace affiche de francs succès dans son immense salle.
Après sept semaines de fermeture qui suivent la Libération de la capitale, le Gaumont-Palace rouvre ses portes le 15 septembre 1944. Peu de cinémas reprennent immédiatement leurs activités ; les spectateurs parisiens peuvent ainsi se rendre au Gaumont-Place pour un programme composé uniquement des Actualités, désormais intitulées France Libre Actualités, à l’affiche quotidiennement entre 18 heures et 21 heures.
Ci-dessus: France Libre Actualités à partir du 20 septembre 1944.
Ci-dessus: le 5 décembre 1944, le Gaumont-Palace accueille le Gala de la Police.
La programmation traditionnelle reprend dès le mercredi 11 octobre 1944 avec le grand retour du cinéma américain, invisible durant l’Occupation : à l’affiche cette semaine-là, Les Trois Lanciers du Bengale (Henry Hathaway, 1935) avec Gary Cooper puis, le 18 octobre 1944, la production Warner en Technicolor La Bataille de l’or (Michael Curtiz, 1938) qui enregistre 43 110 entrées en 7 jours.
La semaine du 29 novembre 1944, un programme de trois films venus d’U.R.S.S. est proposé au profit des déportés soviétiques. En complément sur la scène, les Chœurs et Chants Russes sont applaudis par 30 999 spectateurs.
Sorti à Paris en 1925, La Ruée vers l’or (Charles Chaplin) est sonorisé par l’auteur en 1942. C’est cette version – plus courte que la muette – qui ressort à Paris dans un premier temps, le 17 novembre 1944 au Colisée des Champs-Élysées, puis dès le 27 décembre pour 2 semaines au Gaumont-Palace où elle enregistre 108 700 spectateurs. Pour les Artistes Associés, la filiale française de United Artists (UA), cette réédition annonce la sortie du Dictateur (Charles Chaplin, 1940), le film le plus attendu dans les salles à cette période, avec Autant en emporte le vent (Victor Fleming, 1939) sorti avant-guerre aux Etats-Unis.
Le Gaumont-Palace réquisitionné pour l’accueil des prisonniers.
Dès le 4 avril 1945, Le Dictateur arrive en exclusivité à Paris et en version originale dans le grand cinéma de la place Clichy et y affiche de nombreuses séances complètes. Mais son exploitation est suspendue le 11 avril au soir. En effet, dès le 13 avril, le premier train aérien transportant 8 000 anciens prisonniers arrive au Bourget. Dès lors, plus de 4 000 anciens prisonniers français sont rapatriés chaque jour d’Allemagne que près de 200 camions transportent vers les centres d’accueil. Les deux plus grands cinémas de Paris, le Rex et le Gaumont-Palace, sont ainsi réquisitionnés pour le transit – avant les centres d’accueil – des anciens prisonniers.
Ci-dessus: l’exploitation du Dictateur est suspendue le 10 avril 1945 pour accueillir les prisonniers et déportés de guerre.
Du Bourget au cinéma de la place Clichy, les camions circulent toute la journée avec, massés autour du Gaumont-Palace, des femmes et des hommes qui, dès l’arrivée d’un convoi, applaudissent les héros. Dès l’entrée du cinéma, chaque ancien prisonnier reçoit de la part de bénévoles un paquet de cigarettes, un sandwich, quelques biscuits et une boisson avant de s’installer dans la salle pour découvrir des dessins-animés, écouter l’orchestre ou regarder les attractions.
Toutes les heures, des camions reviennent chercher les prisonniers au Gaumont-Palace pour les transférer au centre d’accueil de la Gare d’Orsay, d’où ils peuvent télégraphier et annoncer leur arrivée. Après de nombreuses formalités, un nouveau convoi se forme pour les emmener au Vel’ d’Hiv’, transformé pour l’occasion en immense dortoir. Les déportés sont accueillis à l’hôtel Lutetia
Cet accueil temporaire au Gaumont-Palace – qui voit passer pendant près de trois mois plus de 200 000 anciens prisonniers et déportés – dure jusqu’au 21 juin 1945. De nombreuses familles s’y sont déplacées pour tenter de reconnaître les leurs à l’arrivée des camions place Clichy.
Dès le 21 juin, les projections du Dictateur en version originale reprennent jusqu’au 18 juillet. La version française ayant pu être réalisée, Le Dictateur poursuit sa carrière à partir du 19 juillet 1945 en version doublée. Projeté au Gaumont-Palace jusqu’au 14 août, 585 000 spectateurs s’y sont déplacés durant les neuf semaines d’exclusivité.
Ci-dessus: Le Dictateur (Charlie Chaplin, 1940), à l’affiche dès le 21 juin 1945.
Production de la Fox datant de 1939, La Mousson (Clarence Brown) succède au Dictateur sur l’écran du Gaumont-Palace. Sorti initialement le 16 mars 1940 au cinéma Le Paris sur les Champs-Élysées, le film interprété par Tyrone Power et Myrna Loy n’avait pas pu être exploité en zone occupée. Il revient au Gaumont-Palace le 29 août 1945 dans une version doublée où il est vu par 456 851 spectateurs en 37 jours.
C’est durant cette période que les instances du cinéma se réorganisent : le 28 août 1945, le C.O.I.C est remplacé par l’Office Professionnel du Cinéma (O.P.C.). Quant au Centre National de la Cinématographie (C.N.C.), il est créé le 25 octobre 1946.
Le 26 octobre 1945, de nombreuses restrictions d’électricité entraînent une suppression, durant la semaine, des projections en matinée. Un arrêté de la Préfecture de Police de Paris interdit ainsi aux salles de spectacles de commencer leurs représentations avant 21 heures, exception faite le dimanche. Une restriction de l’affichage est également décrétée : il est interdit d’imprimer et d’éditer des affiches d’une surface supérieure à quatre mètres carrés. Ces restrictions pèsent lourd sur la promotion des films.
Le grand film des studios Warner réalisé en Technicolor, La Vie privée d’Élisabeth d’Angleterre (Michael Curtiz, 1939), exploité durant la guerre uniquement en zone libre, arrive enfin à Paris le 17 octobre 1945 et en exclusivité au seul Gaumont-Palace. Quelques 266 626 spectateurs y applaudissent Bette Davis et Errol Flynn durant ses 5 semaines d’exploitation, une fréquentation record en cette période de restriction d’électricité.
Ci-dessus: La Vie privée d’Élisabeth d’Angleterre (Michael Curtiz, 1939) du 17 octobre au 21 novembre 1945.
Ci-dessus: Naïs (Raymond Leboursier et Marcel Pagnol, 1945) le 22 novembre 1945.
Malgré le groupe électrogène installé au Gaumont-Palace pour pallier aux coupures d’électricité et sa vedette Fernandel, Naïs (Raymond Leboursier et Marcel Pagnol, 1945) en exclusivité depuis le 22 novembre est un succès en demi-teinte avec « seulement » 203 603 spectateurs.
Le 19 décembre 1945, l’Etat abandonne le monopole des Actualités – en fait des journaux de propagande – mises en place durant la guerre et l’Occupation, permettant ainsi aux différentes firmes de production d’actualités – Gaumont, Éclair, Fox, Paramount et Pathé – d’éditer leurs journaux filmés comme elles le faisaient avant-guerre, auxquels s’ajoutent les Actualités françaises de la France Libre. L’écran de la place Clichy retrouve de son côté les Gaumont-Actualités dès le 31 janvier 1946.
Depuis des années, les professionnels de l’exploitation constatent une baisse des recettes à Paris durant la période précédant les fêtes de fin d’années. De plus, en ce mois de décembre 1945, la rigueur des températures hivernales et de nombreuses attaques nocturnes ayant lieu dans les rues de la capitale n’incitent franchement pas les Parisiens à sortir. Enfin, de nombreuses pannes d’électricité perturbent encore les séances.
Autre film de l’avant-guerre à la carrière avortée, Les Conquérants (Michael Curtiz, 1939), sorti le 1er avril 1940 dans la salle de l’Olympia des Grands boulevards, arrive sur l’écran du Gaumont-Palace dès le 23 janvier 1946. 222 840 nouveaux spectateurs en 4 semaines retrouvent le couple légendaire Errol Flynn et Olivia de Havilland. Le 20 février 1946 sort en exclusivité Les Gueux au paradis (René Le Hénaff) interprété par deux monstres sacrés, Fernandel et Raimu dont c’est l’avant dernier film.
Ci-dessus: la cabine de projection en 1946.
Quelques jours plus tard, une scène insolite se produit au Gaumont-Palace : la foule qui se presse ce matin-là dans le cinéma, guidée par de nombreux scouts, retrouve dans la vaste salle un autel dressé devant l’écran. La communion distribuée par le prêtre aux spectateurs est suivi du Ite Missa est puis, une fois l’autel retiré, la projection des Actualités – avec un passage sur les bas nylons à Hollywood (!). Le film peut commencer : ce n’est autre que la reprise de Notre-Dame de la Mouise (Robert Péguy, 1941) sorti sur les écrans durant l’Occupation. Le Gaumont-Palace mérite bien son surnom de « cathédrale du cinéma » !
Le grand film britannique tourné en 1940 en Technicolor Le Voleur de Bagdad (Ludwig Berger, Michael Powell et Tim Whelan), n’arrive sur les écrans français que le 11 avril 1946, d’abord en exclusivité au seul Gaumont-Palace où il triomphe – 436 100 spectateurs – durant ses 8 semaines d’exploitation.
Les célèbres attractions sont toujours au programme du Gaumont-Palace malgré un terrible accident qui intervient lors de la représentation du dimanche 14 juillet 1946 : ce jour-là, le trapéziste Charlie Clérans fait une chute fatale de 8 mètres. Ce décès soulève le débat sur l’interdiction des spectacles de trapézistes sans filet. On recherche des responsables : le public, trop friand de ce frisson malsain que procure le danger auquel les artistes sont confrontés ? Les directeurs de salles qui acceptent des numéros sans qu’un règlement élaboré ne soit appliqué ?
Autre superproduction en Technicolor, Les Mille et Une Nuits (John Rawlins, 1942) effectue une sortie exclusive, le 24 juillet 1946, au Gaumont-Palace. Lancé à grand renfort de publicité, plus de 484 000 spectateurs se déplacent pour les héros Sabu et surtout Shéhérazade, cette dernière étant interprétée par l’ensorcelante Maria Montez.
Le fabuleux tandem du Gaumont-Palace et du Rex.
À l’automne 1946, La Société Nationale des Etablissements Gaumont (S.N.E.G.) s’associe avec Jean Hellmann, le directeur du Rex, pour constituer un puissant tandem pour l’exploitation de films dans les deux plus grandes salles parisiennes. Le 11 octobre, Le Père tranquille (René Clément et Noël-Noël) inaugure cette combinaison inédite qui engendre en quelques semaines un maximum d’entrées et des recettes gigantesques, là où pour une exclusivité classique, les entrées s’inscrivent dans le temps. Le Père tranquille, c’est 274 120 spectateurs au Gaumont-Palace et 248 700 pour le Rex, soit un total de 522 820 spectateurs en seulement 5 semaines pour le tandem (sur les 1 380 418 entrées cumulées en France durant l’année 1946).
Ci-dessus: Le Père tranquille (René Clément) inaugure à partir du 11 octobre 1946 le tandem Gaumont-Palace et Rex.
Ci-dessus: publicité corporative pour le tandem Gaumont-Palace et Rex.
Avec ces chiffres, les deux cinémas accèdent naturellement aux plus grands films, les distributeurs étant assurés de rendements hors-normes. Le second film du tandem, Madame Miniver (William Wyler, 1942) avec Greer Garson et Walter Pidgeon, sort le 15 novembre. Suivent des productions comme Adieu chérie (Raymond Bernard) avec Danielle Darrieux le 6 décembre ou bien Le Bal des sirènes (George Sidney, 1944) avec Esther Williams le 27 décembre.
En janvier 1947, le C.N.C. rappelle que certains directeurs de salles obligent les artistes se produisant dans leur salle à faire des quêtes dans la salle après leurs spectacles. L’institution renvoie à une circulaire du Ministre de l’Intérieur du 6 décembre 1906, confirmée le 12 septembre 1941, qui « interdit formellement de faire appel à la générosité publique dans les établissements de spectacles ». Il est peu probable que le Gaumont-Palace ou le Rex aient cette pratique au regard de leurs recettes respectives
Ci-dessus: une messe organisée le 2 mars 1947.
Le 2 mars 1947, la Fédération Catholique des Parents d’Élèves de Lycées organise une grande messe dans la salle du Gaumont-Palace, suivie de la projection d’un documentaire sur le Vatican. Cette manifestation est organisée en réaction à la décision du gouvernement de supprimer des postes d’aumôniers dans les lycées.
Le tandem Rex et Gaumont-Palace propose également Arènes sanglantes (Rouben Mamoulian, 1941) avec Tyrone Power, Linda Darnell et Rita Hayworth à partir du 24 janvier 1947, Les Chouans (Henri Calef) avec Jean Marais et Marcel Herrand à partir du 21 mars, le mythique Casablanca (Michael Curtiz, 1942) avec Humphrey Bogart et Ingrid Bergman à partir du 23 mai, Pour qui sonne le glas (Sam Wood, 1943) avec Gary Cooper et Ingrid Bergman à partir du 20 juin, le premier film français en couleurs Le Mariage de Ramuntcho (Max de Vaucorbeil, 1946) à partir du 8 août 1947 ou bien le chef-d’œuvre Les Plus Belles Années de notre vie (William Wyler) à partir du 3 octobre 1947 pour 5 semaines.
Ci-dessus: Casablanca (Michael Curtiz, 1942) à partir du 23 mai 1947.
Ci-dessus: Pour qui sonne le glas (Sam Wood, 1943) à partir du 20 juin 1947.
Une plaque à la mémoire du fondateur de la société à la marguerite Léon Gaumont, décédé le 9 août 1946, est inaugurée le 18 octobre 1947 dans le hall du Gaumont-Palace en présence et sous la haute-présidence de Pierre Bourdan, Ministre de la jeunesse et des Arts et des Lettres. Un buste de Léon Gaumont est dévoilé devant une nombreuse assistance parmi laquelle, Michel Fourré-Cormeray, directeur général du C.N.C. et de Jean Leduc, président de la S.N.E.G., ainsi que des personnalités du cinéma, du théâtre, des lettres et des représentants de la presse. À l’issue de l’inauguration, le nouveau film de Jacques Becker Antoine et Antoinette est projeté.
Le dimanche 27 octobre 1947 au matin, tous les « Antoine » et les « Antoinette » de Paris sont invités par la Gaumont et le journal France-Soir à assister à une représentation spéciale d’Antoine et Antoinette. À l’issue de la projection, une tombola est organisée et permet à deux « Antoine » de gagner chacun une bicyclette, tandis que plusieurs « Antoine » et « Antoinette » obtiennent des photos dédicacées par les comédiens Claire Mafféi et Roger Pigaut ainsi que le réalisateur Jacques Becker. La matinée s’achève au bar du cinéma en présence de tous les invités, interprètes et techniciens du film. Antoine et Antoinette ne sort pas au Gaumont-Palace mais, le 31 octobre 1947, dans les salles Paramount-Opéra, le Colisée et l’Eldorado. Par ailleurs, le Président de la République Vincent Auriol se fait projeter le film-événement dans la salle de l’Élysée.
Le 15 novembre 1947, sort en complément de programme au Gaumont-Palace et au Rex, un documentaire sur la vie de la Princesse Elizabeth, héritière du trône d’Angleterre. La publicité précise que ce documentaire officiel est agréé par Sa Majesté la Reine d’Angleterre.
Le Gaumont-Palace résiste à la crise de la fréquentation.
Dans un contexte de crise économique que traverse la France en 1947, les entrées parisiennes perdent 13 millions de spectateurs comparé à l’année 1946. Une des raisons de cette érosion est principalement la diminution du pouvoir d’achat des Français. Malgré cette tendance, le Gaumont-Palace et le Rex enregistrent une fréquentation honorable avec des films comme, à partir du 26 novembre, Bethsabée (Léonide Moguy) avec Danielle Darrieux – qui voit son dossier classé par le comité d’épuration -, Dumbo l’éléphant volant (Walt Disney, 1941) pour 3 semaines à partir du 24 décembre et qui enregistre 131 305 entrées au Gaumont contre 160 158 au Rex, Monsieur Verdoux de et avec Charles Chaplin le 16 janvier 1948 pour 4 semaines ou bien Les Enchaînés (Alfred Hitchcock, 1946) le 19 mars pour 2 semaines.
Malgré des circonstances météorologiques défavorables – grand froid, neige et verglas -, La Bataille de l’eau lourde (Jean Dréville et Titus Vibe-Müller) obtient depuis le 13 février 1948 un succès considérable au Gaumont-Palace et au Rex, qui lui vaut la prolongation d’une cinquième semaine. Durant son exclusivité, une projection spéciale du film, présentée par le journaliste et résistant Jean Marin en présence de madame Vincent Auriol et de ses petits-enfants, est proposée aux meilleurs élèves du département de la Seine.
Ci-dessus: La Bataille de l’eau lourde (Jean Dréville et Titus Vibe-Müller) le 13 février 1948.
Ci-dessus: Ali Baba et les Quarante Voleurs (Arthur Lubin, 1944) à partir du 2 juillet 1948.
Les accords Blum-Byrnes signés le 28 mai 1946 sont suivis le 1er juillet 1948 par de nouveaux accords franco-américains sur le cinéma qui introduisent un système de quota avec désormais cinq semaines sur treize obligatoirement réservées dans chaque salle à la projection de productions françaises.
Le 2 juillet 1948, la production Universal en Technicolor Ali Baba et les Quarante Voleurs (Arthur Lubin, 1944) avec l’envoutante Maria Montez sort en exclusivité au Gaumont-Palace et au Rex. Les enfants scolarisés dans les écoles parisiennes sont invités à voir le film en matinée pour terminer l’année scolaire en beauté.
Les spectateurs se rendent dans le grand cinéma de la place Clichy pour voir Dédée d’Anvers (Yves Allégret), interdit aux moins de 16 ans, avec la jeune Simone Signoret et Bernard Blier le 3 septembre 1948, le sulfureux mélodrame Ambre (Otto Preminger) avec la séduisante Linda Darnell à partir du 29 octobre et la comédie Les Casse-pieds (Jean Dréville) avec Noël-Noël dès le 26 novembre.
Ci-dessus: Le Massacre de Fort Apache (John Ford, 1948) le 4 août 1948.
Ci-dessus: Ambre (Otto Preminger, 1947) le 20 octobre 1948.
Le vendredi 26 décembre 1948, le quarantenaire du Gaumont-Palace est fêté: à cette occasion, un grand nombre de personnalités parisiennes du cinéma ainsi que des journalistes sont invités au grand gala organisé avec au programme le film de la Gaumont, déjà à l’affiche, Parade du temps perdu (l’autre titre des Casse-pieds). Pour rendre hommage à Noël-Noël, un grand nombre de chansonniers parisiens participent au spectacle sur scène tels Jean Marsac, Jean Rieux, Raymond Souplex, Jacques Grello et Robert Rocca, chacun improvisant un quatrain sur le thème 1908-1948. Les artistes passent dans la salle pour vendre le programme à l’assistance puis, quelques films de l’époque du muet sont projetés comme La Première sortie du collégien (Louis J. Gasnier, 1905) avec Max Linder ou Ah ! la barbe (Segundo de Chomón, 1906) avec Maurice Chevalier. Aux grandes-orgues, Tommy Desserre « sonorise » ces films prêtés par le scénariste et collectionneur Maurice Bessy.
L’année 1948 enregistre une baisse générale des entrées, cette érosion étant plus importante pour les salles parisiennes d’exclusivité. Déjà, La Cinématographie française incite – déjà – à « aller chercher le spectateur chez lui » avec en ligne de mire la modernisation des salles. En effet, les statistiques de fréquentation démontrent qu’à chaque fois qu’une salle est modernisée, sa fréquentation augmente. Dans ce contexte de baisse de la fréquentation, le Gaumont-Palace accueille néanmoins 250 238 spectateurs en 5 semaines pour Les Casse-pieds.
L’année 1949 débute avec le western produit par David Selznick en Technicolor Duel au soleil (King Vidor) avec la fascinante Jennifer Jones, affiché dès le 31 décembre 1948. Le tandem programme le 29 janvier de l’année suivante, le film d’aventure réalisé par Henry King, Capitaine de Castille avec Tyrone Power qui enregistre 122 801 spectateurs au seul Gaumont.
Ci-dessus: Le Silence de la mer (Jean-Pierre Melville) le 22 avril 1949 – Collection Gaumont.
Curieusement, le film intimiste de Jean-Pierre Melville Le Silence de la mer, adapté de la nouvelle de Vercors, sort dans les deux plus grandes salles de Paris le 22 avril 1949. Seulement 80 174 spectateurs le découvrent au Gaumont-Palace durant quinze jours, ce qui est peu au regard des chiffres habituels mais très honorable au regard du thème du film.
Début octobre 1949, la première Grande Quinzaine du Cinéma est organisée. Cette opération est destinée à promouvoir le 7è Art en mettant l’accent sur la décoration des établissements et de leurs façades. Des prix sont remis à la fin de la Quinzaine pour récompenser les meilleures initiatives des directeurs de salle. Pour le Gaumont-Palace, l’intérieur du hall mélange des plantes vertes et des azalées, tandis que deux étendards flanqués de la marguerite portent en inscription « Grande Quinzaine du Cinéma, soyez les bienvenus ». Un concours est organisé dans les salles du circuit de la S.N.E.G. : les spectateurs gagnants reçoivent des lots allant d’un séjour de 8 jours à Casablanca à des places gratuites dans les salles du circuit. Le film à l’affiche du Gaumont-Palace et du Rex durant cette Grande Quinzaine est Au Royaume des cieux (Julien Duvivier) avec Serge Reggiani. Bientôt est annoncée dans le tandem Gaumont-Palace et Rex et à grand renfort de publicité la sortie le 19 octobre de Jeanne d’Arc (Victor Fleming, 1948) avec Ingrid Bergman.
Ci-dessus: Jeanne d’Arc (Victor Fleming, 1948) le 19 octobre 1949.
Ci-dessus: lancement du film La Souricière (Henri Calef) avec deux faux agents de Police arrêtant un faux assassin.
En novembre 1949, le Journal Officiel publie une décision qui interdit l’éclairage des enseignes et motifs lumineux placés à l’extérieur des locaux, excepté à partir de 20h30 les jours ouvrables et les dimanches et jours fériés. Pour le lancement de La Souricière (Henri Calef) avec François Périer à partir du 25 octobre 1950, deux faux policiers arrêtent un assassin tout aussi faux dans la salle de la place Clichy. Cette performance qui a lieu chaque soir, en accord avec la Préfecture de Police, incite au bouche-à-oreille du film.
L’année 1950 voit, entre autres, défiler sur l’écran du Gaumont-Palace Les Trois Mousquetaires (George Sidney, 1948) avec Gene Kelly et la troublante Lana Turner le 1er mars, Coquin de printemps (Walt Disney) le 29 mars, Miquette et sa mère (Henri-Georges Clouzot) le 14 avril – qui y accueille 90 935 spectateurs –, Lady Paname (Henri Jeanson) avec Louis Jouvet et le pétulante Suzy Delair le 24 mai, Iwo Jima (Allan Dwan, 1949) avec John Wayne le 18 août ou bien Le Rosier de madame Husson (Jean Boyer) sur un scénario de Marcel Pagnol avec Bourvil le 29 septembre. Cette adaptation de l’œuvre de Guy de Maupassant comptabilise 106 758 entrées en 3 semaines.
Ci-dessus: Cendrillon (Walt Disney) pour les fêtes de fin d’année 1950.
Cette année-là, la S.N.E.G. ouvre sur les Grands boulevards un nouveau cinéma, le Berlitz. Le divorce du tandem Rex et Gaumont-Palace intervient le 2 novembre après une dernière projection de Stromboli (Roberto Rossellini, 1950) avec Ingrid Bergman. C’est avec la sortie de Cendrillon, proposée à l’ouverture du Berlitz, que se constitue dès le 22 décembre une nouvelle combinaison de cinémas d’exclusivité : le Colisée, le Berlitz et le Gaumont-Palace.
Une nouvelle ère commence…
Episode précédent: Le Gaumont-Palace: les années noires (1940-1944).
Episode suivant: Le Gaumont-Palace: triomphes et déclin (1951-1959).
Texte: Thierry Béné.
Documents: Le Film français, La Cinématographie française, Gallica-BnF, Gaumont, France-Soir, Service publicité Discina-Jean Mounier.
Portfolio:
Ci-dessus: La Chevauchée fantastique (John Ford, 1939) le 25 octobre 1944.
Ci-dessus: trois films soviétiques le 1er décembre 1944.
Ci-dessus: Le Dictateur (Charlie Chaplin, 1940) le 4 avril 1945.
Ci-dessus: le documentaire Le Combattant (Edward Steichen et William Wyler, 1944) le 15 août 1945.
Ci-dessus: Les Fils du dragon (Jack Conway et Harold S. Bucquet, 1944) en version originale du 26 décembre 1945 au 22 janvier 1946 enregistre 166 300 spectateurs.
Ci-dessus: Roger la Honte (André Cayatte) le 13 mars 1946.
Ci-dessus: Les Mille et Une Nuits (John Rawlins, 1942) le 24 juillet 1946.
Ci-dessus: Madame Miniver (William Wyler, 1942) le 15 novembre 1946.
Ci-dessus: Pour qui sonne le glas (Sam Wood) le 23 mai 1947.
Ci-dessus: La Chartreuse de Parme (Christian-Jaque, 1948) – © service de publicité Discina : Jean Mounier.
Ci-dessus: La Chartreuse de Parme (Christian-Jaque) le 21 mai 1948.
Ci-dessus: Ali Baba et les 40 voleurs (Arthur Lubin) le 2 juillet 1948.
Ci-dessus: projection d’Ali Baba et les 40 voleurs en matinée pour les élèves parisiens.
Ci-dessus: Parade du temps perdu (Les Casse-pieds, Jean Dréville) le 26 novembre 1948.
Ci-dessus: Duel au soleil (King Vidor) le 31 décembre 1948.
Ci-dessus: Le Bal des pompiers (André Berthomieu) le 4 mars 1949.
Ci-dessus: Mon père et nous (Michael Curtiz) le 24 août 1949.
Ci-dessus: Jeanne d’Arc (Victor Fleming, 1948) le 19 octobre 1949.
Ci-dessus: Les Aventures de Don Juan (Vincent Sherman, 1948) au Gaumont-Palace et au Rex le 21 décembre 1949.
Ci-dessus: Le Tampon du capiston (Maurice Labro) le 2 août 1950.
Ci-dessus: Les Trois Mousquetaires (George Sidney, 1948) le 1er mars 1950 – Collection Gaumont.
Ci-dessus: Coquin de Printemps (Walt Disney) le 23 mars 1950.
Ci-dessus: Meurtres? (Richard Pottier) le 10 novembre 1950.
Ci-dessus: promotion pour la sortie de Pigalle-Saint-Germain-des-Prés (André Berthomieu) le 6 décembre 1950 au Gaumont-Palace, à l’Ermitage et à l’Aubert-Palace.
Ci-dessus: La chaufferie en 1950.
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