Adresse: 20 rue Thomassin à Lyon (IIème arrondissement)
Nombre de salles: 1 puis 8

Avant de devenir l’un des cinémas les plus emblématiques de Lyon, le Scala-Bouffes, créé par Claude Guillet le 1er septembre 1880, est une scène théâtrale qui accueille également des spectacles de cabaret. Progressivement, à partir de 1906 et à l’instar de nombreux théâtres, l’activité cinématographique s’installe dans la salle. C’est véritablement durant la Première Guerre mondiale que le cinématographe occupe définitivement la salle de la Scala. Les premiers programmes sont composés de divers petits films et de serials, des films à épisodes qui fidélisent le public. Citons « La Mort des sous-marins » dont le premier épisode est proposé dès le 15 novembre 1918 et dont le sixième épisode le 20 décembre 1918 introduit « Hara-kiri » de William C. de Mille, le frère de Cecil, avec l’acteur japonais Sessue Hayakawa. Les courts métrages de Charles Chaplin comme « Charlot s’évade » la semaine du 1er janvier 1919, « Charlot patine » celle du 17 février 1924 ou bien « Charlot ne s’en fait pas » le 28 mars 1926 occupent également l’écran de la Scala.

Les grandes vedettes du muet sur l’écran de la Scala.

En ces années 1920, les grandes vedettes du muet retrouvent chaque semaine l’affiche de la Scala dans des longs métrages: Constant Rémy apparaît entre autres dans « Pulcinella » de Gaston Roudés la semaine du 24 février 1924 ou dans « L’Ironie du sort » de Georges Monca et Maurice Kéroul le 12 janvier 1925, l’actrice à la beauté juvénile Mary Pickford irradie l’écran de la Scala dans « Dorothy Vernon » de Marshall Neilan le 5 janvier 1925, suivie par la sensible Lillian Gish dans « La Sœur Blanche » de Henry King le 19 janvier 1925, par le burlesque Buster Keaton écrivant, jouant et réalisant « Sherlock Junior » le 2 février 1925 ou « Les Trois Ages » le 30 mars 1925 et enfin par l’espagnole Raquel Meller dans « Violettes impériales » d’Henry Roussel le 23 février 1925 ou « La Terre promise » du même réalisateur le 9 mars 1925. Citons également le mythique Rudolph Valentino dans « L’Aigle noir » de Clarence Brown le 22 mars 1926, Douglas Fairbanks dans le film de cape et d’épée « Don X, fils de Zorro » de Donald Crisp le 1 mars 1926 ou Dolly Davis dans « La Petite Chocolatière » de René Hervil le 9 décembre 1927.

Vers la fin de la décennie 1920, la Scala propose les dernières productions de films muets la Metro-Goldwyn-Mayer comme « La Foule », le dernier muet de King Vidor le 25 février 1929, « Anna Karénine » d’Edmund Goulding avec la sublimissime Greta Garbo le 11 mars 1929, « L’Irrésistible » d’Edward Sedgwick avec Joan Crawford le 1er avril 1929 ou bien « L’Homme de la nuit » de Monta Bell avec Norma Shearer le 15 avil 1929.

Cinéma La Scala à Lyon

Ci-dessus: la salle de la Scala en 1928.

Cinéma La Scala à Lyon

Ci-dessus: « Un Certain jeune homme » avec Ramón Novarro à l’affiche de la Scala le 4 février 1929.

Cinéma La Scala à Lyon

Ci-dessus: « Le Lieutenant souriant », un film parlant d’Ernst Lubitsch avec Maurice Chevalier à l’affiche de la Scala en 1932.

Alors que les concurrents de la Scala comme l’Aubert-Palace ou l’Eldorado se convertissent au cinéma sonore, la Scala poursuit encore un temps sa programmation de films muets. Sur son écran, on peut y découvrir « Scaramouche » de Rex Ingram avec Ramón Novarro la semaine du 3 février 1920, « Le Figurant » d’Edward Sedgwick et Buster Keaton le 5 mai 1930 ou bien « Terre de volupté » de Sidney Franklin avec Greta Garbo le 19 mai 1930, sorti à Paris au Cinéma du Moulin Rouge. Divers courts métrages, cette fois-ci sonores, accompagnent le « grand film » qui, en cette année 1930, est une des dernières productions du cinéma muet.

C’est avec la programmation des films de la Paramount que la Scala inaugure le cinéma parlant. Au catalogue, on peut découvrir le 19 septembre 1930 « Parade d’amour » d’Ernst Lubitsch avec Maurice Chevalier et Jeanette MacDonald ou bien le 22 décembre 1930 le musical « Paramount on Parade » avec des sketches réalisés par Dorothy Arzner, Otto Brower, Edmund Goulding, Victor Heerman, Edwin H. Knopf, Rowland V. Lee, Ernst Lubitsch, Lothar Mendes, Victor Schertzinger, A. Edward Sutherland et Frank Tuttle. La Scala affiche également des productions françaises parlantes parmi lesquelles, le 29 août 1930, « Un trou dans le mur » de René Barberis avec Jean Murat. Ce film est la première réalisation de la filiale française de la Paramount qui vient alors de racheter les studios de Joinville.

Pour la sortie à la Scala du film de Lewis Milestone « À l’Ouest, rien de nouveau » le 9 février 1931, la presse précise que « des incidents ont marqué, soit à Berlin, soit à Vienne, les représentations du film et ont abouti à son retrait des écrans allemands et autrichiens ». Le film, qui tient cinq semaines consécutives à l’affiche – fait rare à l’époque – est un des grands succès lyonnais. La même année, le 28 décembre 1931, la Scala affiche la production franco-allemande « Le Congrès s’amuse » réalisée par Erik Charell et Jean Boyer, un autre grand succès populaire.

Le quotidien lyonnais Le Salut public évoque dans son numéro du 22 juillet 1932 la fermeture estivale du cinéma qui entame une série de rénovations: « On se souvient que l’an dernier cet établissement était resté ouvert durant tout l’été. Mais cette année, messieurs Froissart et Bihler ont jugé utile une fermeture de quelques semaines qui va leur permettre de faire remettre à neuf leur salle. Les habitués de ce cinéma vont apprendre avec plaisir que tous les fauteuils vont être changés. Les peintures seront refaites. Enfin des perfectionnements vont être rapportés à l’appareillage sonore et acoustique afin d’obtenir à toutes les places une bonne audition du film ».

C’est avec « Shanghaï Express », le film de Josef von Sternberg interprété par Marlene Dietrich et proposé en version doublée, que la Scala rénovée rouvre ses portes le 8 août 1932. Suivent « L’Atlantide » de Georg Wilhelm Pabst avec la fascinante Brigitte Helm et Jean Angelo le 17 octobre 1932, « Les Trois Mousquetaires » d’Henri Diamant-Berger – précédemment inauguré au Rex de Paris – dont la première partie « Les Ferrets de la reine » est présentée le 6 février 1933 et la seconde « Milady » le 13 février 1933, « Topaze » de Louis Gasnier d’après Marcel Pagnol le 29 mai 1933, « King Kong » d’Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper le 8 octobre 1933 pour deux semaines.

Durant l’année 1934, la Scala ferme ses portes pour subir d’importantes transformations. Le Salut Public du 7 octobre 1935 évoque la réouverture prochaine de la Scala transformée par l’architecte Félix Brachet: « Nous avons visité hier la salle transformée de la rue Thomassin. Il est certain que le public Lyonnais ne reconnaîtra pas le vieil établissement. Luxueuse et confortable, la Scala possède maintenant une scène immense. Les loges ont disparu, pour faire place à de larges fauteuils, à des baignoires spacieuses. De toutes les places, la « vision » est parfaite. D’innombrables sorties permettent l’évacuation de la salle en un clin d’œil. A ces différents éléments s’ajoute l’attrait du programme de réouverture ».

Cinéma La Scala à Lyon

Ci-dessus: « La Bandera » de Julien Duvivier avec Jean Gabin à la Scala en 1935.

Cinéma La Scala à Lyon

Ci-dessus: la production Metro-Goldwyn-Mayer « Les Révoltés du Bounty » à la Scala en 1936.

Cinéma La Scala à Lyon

Ci-dessus: Laurel et Hardy à la Scala en 1936.

Cinéma La Scala à Lyon

Ci-dessus: « Mayerling » d’Anatole Litvak à la Scala en 1936.

Annoncée le 11 octobre 1935, la réouverture de la Scala est inaugurée avec le grand succès de Julien Duvivier « La Bandera » interprété par Jean Gabin et qui reste trois semaines à l’affiche. Sont programmés par la suite, entre autres, « Kœnigsmark » de Maurice Tourneur avec Pierre Fresnay le 3 janvier 1936, « Mayerling » d’Anatole Litvak avec Charles Boyer et Danielle Darrieux le 6 mars 1936, « Les Révoltés du Bounty » de Frank Lloyd le 9 octobre 1936 ou bien « François Ier » de Christian-Jaque avec Fernandel le 12 mars 1937. Pourtant, malgré l’engouement du public pour le cinéma en général et pour la Scala en particulier, la salle de la rue Thomassin revient au music-hall après la fermeture estivale de l’été 1937.

Après avoir fonctionné pendant vingt et un ans en salle de cinéma, la Scala se consacre ainsi aux revues, aux « opérettes à grande mise en scène » et aux attractions diverses qui comblent les amateurs de music-hall privés de spectacles avec la disparition de la salle du Casino de Lyon. L’écran est démonté, la scène réorganisée et des loges spacieuses sont créées afin d’accueillir les vedettes de l’époque. La chanteuse Berthe Silva est applaudie dès le 10 décembre 1937 et la revue « Y’a d’la joie » occupe la scène pour les fêtes de fin d’année. Mais l’ère du music-hall ne dure pas: une saison seulement de scène avant que rouvre le cinéma.

A la fin des années 1930, le circuit de salles de Léon Siritzky constitue rapidement l’un des principaux groupement de cinémas en France. De grands cinémas parisiens sont exploités par la société Siritzky à l’instar du Marivaux et du Max Linder ou simplement gérés comme l’Olympia du boulevard des Capucines. L’exploitant est également à la tête de grandes salles de province comme Les Variétés à Toulouse, le Capitole et le Majestic à Marseille, le Royal et le Lutetia à Biarritz ou le Théâtre Français à Bordeaux. Après des travaux de rénovations, la Scala nouvellement exploitée par Siritzky affiche dès le 16 septembre 1938 « Au soleil de Marseille » de Pierre-Jean Ducis. Suivent parmi d’autres « La Femme du boulanger » de Marcel Pagnol avec Raimu le 19 octobre 1938, « Le Quai des brumes » de Marcel Carné le 11 novembre 1938, le grand succès « Prisons de femmes » de Roger Richebé avec Viviane Romance et Renée Saint-Cyr le 14 décembre 1938 ou bien « Hôtel du Nord » de Marcel Carné avec Arletty et Louis Jouvet le 3 février 1939.

La Scala de Léon Siritzky spoliée sous l’Occupation.

Durant la période de l’Occupation à Lyon qui commence en 1942, la vie de la Scala s’assombrit: du fait de la judéité de leur propriétaire, les salles du circuit Siritzky ne peuvent plus fonctionner. Léon Siritzky est contraint de vendre la Société des Cinémas de l’Est qui exploite ses salles – dont la Scala – à la Société de Gestion et d’Exploitation du Cinéma (S.O.G.E.C.). Créée en décembre 1940, cette dernière possède des capitaux allemands et permet aux occupants d’intégrer, en plus de la production de films avec la Continental-Films, l’exploitation cinématographique sur le territoire national.

Pendant la guerre et par la suite sous la bannière de la SOGEC, la Scala poursuit sa programmation avec, le 28 décembre 1939, « Les Hauts de Hurlevent » de William Wyler suivis le 8 février 1940 de « L’Homme du Niger » de Jacques de Baroncelli avec Harry Baur, de « La Duchesse de Langeais » du même réalisateur le 21 janvier 1943 pour trois semaines, de « La Fausse Maîtresse » d’André Cayatte avec Danielle Darrieux le 23 avril 1943 pour quatre semaines ou bien de « Picpus » de Richard Pottier d’après Georges Simenon avec Albert Préjean le 3 juin 1943 pour trois semaines.

Alors que la SOGEC est nationalisée à la Libération, l’exploitation de la Scala dans les années de l’immédiate après-guerre est complexifiée avec les restrictions d’électricité qui l’oblige à fonctionner uniquement à partir de 17 heures quand d’autres cinémas peuvent fonctionner toute la journée. Le 26 décembre 1945, la Scala affiche « 120, rue de la gare » réalisé par le réalisateur lyonnais Jacques Daniel-Norman. Dans cette adaptation de Léo Malet, le centre de Lyon occupe une place essentielle puisque ce film, qui a pour interprètes René Dary et Jean Parédès, est tourné place des Terreaux et sur les quais du Rhône.

Le 26 janvier 1946, une réunion syndicale se tient à la Scala où une grève est décidée suite à des revendications salariales opposant les directeurs de salles et leurs employés. Alors que la grève s’installe durant 29 jours, la Scala, l’Athénée et les Jacobins sont les seules salles lyonnaises qui restent ouvertes. Pendant cette période, la Scala affiche évidemment complet à chaque séance avec à l’affiche « Flamberge au vent », la première partie du « Capitan » réalisée par Robert Vernay puis, à partir du 23 février 1946 – date de réouverture des cinémas – la seconde partie « Le Chevalier du Roi ».

La presse corporative pointe une importante baisse des recettes dans les salles lyonnaises dont l’origine pourrait être une publicité insuffisante et une lassitude du public envers les trop nombreux films de guerre. La Scala fait pourtant salle comble avec « Sergent York » d’Howard Hawks avec Gary Cooper qui reste deux semaines à l’affiche. Avec l’affluence provoquée par la Foire de Lyon dès le 27 avril 1946, la Scala affiche complet pour le film « À chaque aube je meurs » de William Keighley avec James Cagney. A cette période, la première du film « Les Clandestins » d’André Chotin a lieu à la Scala sous le patronage du réseau de résistance Patrie. Plusieurs interprètes de ce film, parmi lesquels Samson Fainsilber, assistent au gala de ce film dont l’exploitation à Lyon est un véritable succès. Suivent « Aventures en Birmanie » de Raoul Walsh avec Errol Flynn présenté en version originale puis, alors que le grand Raimu vient de tirer sa révérence, « L’Homme au chapeau rond » de Pierre Billon, le dernier film de l’acteur adapté du roman L’Éternel Mari de Fédor Dostoïevski et auquel le public fait un excellent accueil.

Ci-dessus: « Peloton d’exécution » d’André Berthomieu à la Scala en 1946. 

Ci-dessus: « Le Capitan » de Robert Vernay à la Scala en 1946. 

Ci-dessus: « Panique » de Julien Duvivier avec Miche Simon à la Scala en 1946. 

La rénovation d’un des plus grands cinémas lyonnais.

Malgré le prestige de la Scala, un des plus anciens théâtres de Lyon encore en activité, la salle s’avère démodée avec son vaste orchestre et ses quatre étages de galeries. En 1946, la commission de sécurité considère l’établissement comme dangereux « tant pour les matériaux de sa construction que pour ses dégagements insuffisants et notamment ceux des galeries ». C’est ainsi que sont décidés en 1947 d’importants travaux de modernisation entrepris par la SOGEC sous la direction de l’architecte Georges Peynet. La Cinématographie française commente cette renaissance: « La nouvelle Scala comporte maintenant 1.259 places réparties en 678 à l’orchestre, 311 à la corbeille et 270 au balcon. Il ne reste de la salle d’autrefois que les murs latéraux et une partie de la toiture. Tout le reste a été démoli. Désormais, le sol de l’orchestre, d’abord horizontal, se relève vers le milieu de la salle, jusqu’à l’estrade. Cette estrade remplace l’ancienne scène: elle est beaucoup moins profonde, mais permet néanmoins la présentation des attractions. Au dessus, l’étage des corbeilles s’avance assez largement vers l’écran, et un peu en retrait sur celui-ci, s’élève l’étage du balcon proprement dit. A une hauteur qui se situe entre corbeille et balcon, se trouve la cabine, construite d’ailleurs en dehors de la salle proprement dite. Cette situation permet d’obtenir une projection presque normale à l’écran, ce qui constitue une des conditions nécessaires et la future et peut-être prochaine projection en relief. Sous l’ancienne toiture qui plafonne à plus de 15 mètres de hauteur, on a suspendu une calotte en staff. Une vaste ellipse, de la longueur de la salle, la limite: elle épouse l’arrondi de la salle qui forme l’encadrement de l’ouverture de la scène. Toute la calotte circonscrite par cette ellipse est modelée en forme de conque dont le galbe prolonge hardiment du point le plus haut de la salle, à plus de 15 mètres de haut, jusqu’au centre de la scène, à 8 mètres environ. Cette conque est elle-même modelée par des gorges lumineuses dissimulant les rampes de néon blanc: cet éclairage puissant doit donner au plafond le caractère léger et aérien qui a été recherché (…) Tout le reste de la salle est traité en rouge, depuis le grenat assez vif des tentures murales, jusqu’au rouge profond et assourdi de la moquette, qui se relève en revêtement mural. Les bandeaux et les astragales moulurés sont peints en or. La ligne des fauteuils est également accusée par un galon d’or (…) Les parois du hall et du grand escalier ont reçu une décoration en panneaux de hêtre verni ; les joints, les stylobates, les chambranles et moulures sont en acajou rouge sombre (…) Les plafonds en staff forment le décor lumineux, un motif de néon apparent traité en rosace souligne la forme du grand hall (…) En ce qui concerne la façade, un grand pignon du mur mitoyen, fait saillie sur l’alignement et a été traité en façade publicitaire. D’une hauteur de plus de 25 mètres, une enseigne en néon encadre l’enseigne verticale, qui porte le nom de l’établissement ».

Pour sa réouverture le 24 décembre 1947, la Scala affiche un des plus importants succès de l’après-guerre, « Monsieur Vincent » de Maurice Cloche avec Pierre Fresnay. La Cinématographie française commente l’événement: « Le film « Monsieur Vincent » remporte un succès que l’exploitation cinématographique lyonnaise n’a jamais connu. La Direction de la Scala a décidé de poursuivre la projection de ce film pendant une septième semaine. 135.000 entrées ont été enregistrées et le chiffre total des recettes atteindra sans doute dix millions et demi ».

En février 1948, l’Association Générale des Mutilés de la Guerre et la Fédération des plus grands Invalides patronnent la sortie à la Scala du film de William Wyler « Les Plus belles années de notre vie ». D’autres succès ont lieu à la Scala comme « San Antonio » de David Butler, Robert Florey et Raoul Walsh avec Errol Flynn qui totalise 32.284 entrées en deux semaines et « Monsieur Verdoux » de Charles Chaplin, un scénario inspiré de l’affaire Landru qui enregistre 32.219 entrées également en deux semaines.

Lorsque Louis Lumière, l’un des pères du cinéma, quitte la scène le 6 juin 1948 et que la corporation lui rend hommage à ses obsèques à Lyon, la Scala programme « Clochemerle » de Pierre Chenal depuis le 2 juin 1948. Les succès se succèdent comme les 48.967 entrées réalisées en trois semaines en février 1948 de « Dieu a besoin des hommes » de Jean Delannoy d’après Henri Queffélec avec Pierre Fresnay. La Scala présente pour la première fois à Lyon et à partir du 2 mars 1951 le film tant attendu de Victor Fleming « Autant en emporte le vent » tourné avant-guerre et dont la sortie lyonnaise est commentée par La Cinématographie française: « La sortie à des prix prohibitifs bouleverse toutes les habitudes des spectateurs qui boudent la matinée, mais viennent à la soirée ». 44.485 entrées sont enregistrées en sept semaines. Le film est de nouveau sur l’écran de la Scala cinq ans plus tard, le 20 janvier 1956, avec cette fois un prix normal des places toutefois majoré de 50%. Pour cette reprise, 33.188 spectateurs découvrent ou redécouvrent l’adaptation du roman de Margaret Mitchell.

Cinéma La Scala à Lyon

Ci-dessus: le hall de la Scala en 1948.

Cinéma La Scala à Lyon

Ci-dessus: la salle de la Scala en 1948.

Cinéma La Scala à Lyon

Ci-dessus: la salle de la Scala en 1948.

Cinéma La Scala à Lyon

Ci-dessus: plan de la salle en 1948.

Durant les années 1950, la Scala exploitée par l’UGC-SOGEC, une émanation de la SOGEC nationalisée, enchaîne les affiches à succès: « Un Grand patron » d’Yves Ciampi  avec Pierre Fresnay le 27 février 1952, « Capitaine sans peur » de Raoul Walsh avec Gregory Peck et Virginia Mayo le 4 juin 1952, « Sur les quais » d’Elia Kazan avec Marlon Brando le 26 janvier 1955, « Le Crime était presque parfait » d’Alfred Hitchcock avec Grace Kelly le 20 avril 1955, le western « Vera Cruz » de Robert Aldrich avec Burt Lancaster et Gary Cooper le 8 juin 1955, « La Belle au bois dormant » de Walt Disney le 16 décembre 1959 ou bien « Voulez-vous danser avec moi ? » de Michel Boisrond avec la jeune Brigitte Bardot le 30 décembre 1959. Un des échecs commerciaux de la Scala reste le musical « Une étoile est née » de George Cukor avec Judy Garland, découvert par seulement 3.753 spectateurs la semaine du 17 août 1955.

En 1959, la salle subit de nouveau une rénovation en profondeur, toujours sous la maîtrise de Georges Peynet, l’architecte spécialiste des salles de cinéma. La Cinématographie française commente les transformations: « L’importance de cette salle dans l’ensemble des salles lyonnaises, sa situation en retrait des flots importants du public, demandaient un renforcement de la lumière de la façade: l’enseigne verticale a été remplacée par des pavés de plexi lumineux en redétachant en rouge les lettres « Scala » (…) Dans le hall, les boiseries ont été refaites et leur tonalité claire tranche avec l’habillage corail des 2 grandes vitrines (…) La lumière champagne des traits de néon du plafond baigne cet ensemble d’une atmosphère confortable. Les batteries de portes lourdes et incommodes ont fait place à des portes Sécurit laissant largement pénétrer les regards des passants. La salle a subi un rajeunissement total. De par sa forme et sa hauteur, le but de l’architecte a été d’élargir par des artifices décoratifs. Un mouvement de tentures en trois tons se développe de part de d’autre de la scène. Le ton dominant est un jaune de chrome. Le rideau a été traité dans ce même ton (…) Pour amortir ce mouvement de tenture, les soubassements et le fond ainsi que le sol sont en moquette deux tons, rouge français et bleu Ipomée. Le plafond a été peint en bleu Ipomée clair. Un effort particulier a été demandé par l’ UGC-SOGEC pour le confort du spectateur. Des fauteuils spécialement dessinés par l’architecte, ainsi que l’écartement des rangées tant à l’orchestre qu’aux mezzanines ont permis d’obtenir ce confort (…) L’éclairage a été modifié radicalement; il a été conçu dans le double but d’être efficace et de ne pas fatiguer les yeux. L’ambiance est donnée par deux bandes lumineuses au nez de balcon, tandis que des appliques ovoïdes mettent les moquettes et tentures en valeur ».

Cinéma La Scala à Lyon

Cinéma La Scala à Lyon

Ci-dessus: la Scala rénovée par Georges Peynet en 1959.

Ci-dessus: le gala organisé à la Scala pour la sortie du « Jour le plus long » en 1962.

Ci-dessus: le gala organisé à la Scala pour la sortie du « Jour le plus long » en 1962.

Ci-dessus: Alain Delon dans « La Tulipe noire » de Christian-Jaque à la Scala en 1964.

Le 5 juin 1962, le réalisateur Yves Robert se déplace à Lyon en compagnie de Danièle Delorme pour présenter son film « La Guerre des Boutons » en avant-première à la Scala. La même année, le 31 octobre, la Scala programme en tandem avec le Majestic la production de Darryl F. Zanuck « Le Jour le plus long » qui reste sept semaines. Parmi les autres succès, on peut noter « La Grande Évasion » de John Sturges le 9 octobre 1963, « Les Oiseaux » d’Alfred Hitchcock le 27 novembre 1963, « La Tulipe noire » de Christian-Jaque le 25 mars 1964, « Opération Tonnerre » de Terence Young le 22 décembre 1965, « Pour une poignée de dollars » de Sergio Leone le 6 avril 1966, « Le Livre de la jungle » des studios Walt Disney le 18 décembre 1968, « Il était une fois dans l’Ouest » de Sergio Leone le 17 septembre 1969, « Le Casse » d’Henri Verneuil le 27 octobre 1971 ou bien la production Walt Disney « Les Aristochats » le 8 décembre 1971. Enfin, le 22 mars 1972, Sergio Gobbi présente sur l’écran de la Scala son premier film « Les Galets d’Étretat ».

La Scala transformée en complexe multisalles.

Au début des années 1970, les combinaisons de sortie des films s’élargissent et le modèle de la salle unique arrive à son terme. La majestueuse salle de la Scala est transformée en un complexe multisalles au moment ou l’UGC est privatisé. Les sept salles de la nouvelle Scala sont inaugurées le 29 janvier 1974 avec la projection en première mondiale du nouveau film de Louis Malle « Lacombe Lucien ». Le Film français dans son numéro du 8 février 1974 évoque l’ouverture du complexe effectuée simultanément avec celle des cinq salles du Concorde, programmées par UGC et appartenant également à Jean-Pierre Lemoine et Gérard Davoine. A cette occasion, l’état major d’UGC se déplace à Lyon avec à sa tête Jean-Charles Edeline. « Le confort et la parfaite visibilité de toutes les places sont les caractéristiques principales de ces salles réalisées sous la direction de l’architecte Yannick Lecoq assisté de Robert Solyom. Il serait trop long de décrire la décoration des salles qui ont toutes un caractère particulier, mais il faut souligner le cachet de deux des salles de la Scala. A la suite de la découverte dans les fondations de cette salle, de pierres de grande taille de l’époque gallo-romaine, les architectes les ont mises en valeur et notamment deux amorces d’arcades parfaitement intégrées dans l’architecture des salles. La Scala comporte trois salles au sous-sol, deux salles au rez-de-chaussée, une salle à l’entresol et une salle avec balcon, avec accès par deux escalators. Les sept cabines sont équipées de treize projecteurs de type Prévost avec son Philips et contrôle vidéo ».

Cinéma Nef-Scala à Lyon

Cinéma Nef-Scala à Lyon

Ci-dessus: le complexe Nef-Scala exploité par le circuit de Lucien Adira.

Cinéma Nef-Scala à Lyon

Cinéma Nef-Scala à Lyon

Le programme d’ouverture du nouveau complexe, outre le film de Louis Malle, annonce « Les Trois Mousquetaires » de Richard Lester, « Chino » de John Sturges, « Touche pas à la femme blanche! » de Marco Ferreri, « R.A.S. » d’Yves Boisset et « Harold et Maude » d’Hal Ashby. Le 1er juillet 1980, Jean-Pierre Lemoine vend ses salles à UGC, dont son complexe lyonnais.

Cinq années s’écoulent avant qu’un exploitant indépendant, Lucien Adira, reprenne le cinéma et, dès le 24 décembre 1985, le renomme du nom de son circuit, le Nef. L’entrepreneur gère alors trois cinémas à Grenoble – les 6 Rex, les 2 Nef, les 2 Dauphins, deux à Chalon-sur-Saône – le Lux et les 5 Nef – et un à Montélimar – les 7 Nef. La façade est restaurée, les fauteuils des sept salles sont remplacés par des « clubs » et un effort est effectué sur la programmation. Au bout d’un an d’exploitation du Nef-Scala, Lucien Adira fait paraître une lettre ouverte dans les colonnes du Film français dans laquelle il dénonce l’attitude de certains distributeurs refusant d’attribuer certains films porteurs à son cinéma: « La véritable raison est qu’aujourd’hui les indépendants doivent mourir pour laisser libre champ aux circuits, et cela se fait facilement en collaboration étroite distributeurs-circuits (…) On prive le spectateur du choix de sa salle, ce qui entraîne une dégradation des services et bientôt, par la diminution du parc des salles, on le privera de son film. Il se tournera alors vers ce qui lui laisse toute liberté de choix: la vidéo ».

En 1994, la salle de la rue Thomassin Le Paris, qui jouxte l’immeuble du Nef, ferme ses portes. L’ancienne salle pornographique est par la suite intégrée au complexe qui est rebaptisé les 8 Nef. En 2006, le cinéma est cédé à Pathé qui l’exploite pendant dix années sous l’enseigne Pathé Cordeliers. En 2016, le bail accordé à Pathé arrive à échéance, le groupe ne souhaitant pas continuer à exploiter le cinéma en raison de problèmes de mises aux normes d’accessibilité. Depuis le 28 février 2016, le rideau de l’ancienne Scala est définitivement baissé et l’immeuble semble laissé à l’abandon.

Remerciements: M. Thierry Béné.
Documents: La Cinématographie française, Le Film français, CD Rhône et collection personnelle.

Cinéma La Scala à Lyon

Ci-dessus: « Le Grand sommeil » d’Howard Hawks à la Scala en 1948.