Adresse: 27 rue de Béthune à Lille (Nord)
Nombre de salles: 1 puis 8
Anciennement Familia-Paramount, Familia-Gaumont, Gaumont Lille.

C’est dans « la rue des cinémas », comme on surnommait alors la rue de Béthune, qu’est inaugurée le samedi 5 décembre 1925 une des grandes salles de cinéma lilloise: le Familia-Palace. L’hebdomadaire Les Spectacle du 11 décembre relate l’ouverture de ce nouvel établissement cinématographique d’une capacité de 1.200 fauteuils: « A cette occasion, un concert était offert aux invités. Ce fut un spectacle de choix. Il débuta par un concert au cours duquel se firent entendre la Fanfare de l’Association Philanthropique du Nord, l’Orchestre Symphonique Acolian dans « La Marche solennelle » de H. Dupuis et l’ouverture du « Roi d’Ys »; puis M. Jean Berens, pianiste, qui exécuta, avec brio, la seconde « Rhapsodie Hongroise » de Litz, et des variations sur le clair de lune. Madame Huguette Duflos et M. Denis D’Inès, Sociétaires de la Comédie-Française, jouèrent ensuite et chantèrent délicieusement un sketch de Nozières: « Ce Soir… Manon », où abondaient de spirituelles rosseries et des couplets piquants sur le Théâtre contemporain. Ils mirent la salle en joie. La soirée se termina par un film comique de Raymond Griffith « Raymond, le chien et la jarretière », fantaisie comique qui mit au programme un agréable point final. Pendant les entr’actes, la foule admira la disposition de la salle, sa décoration sobre et élégante, son éclairage fastueux; circula dans les couloirs et dégagements spacieux et s’arrêta dans le bar fleuri, accessible de tous les points de l’établissement. Lille compte une magnifique salle de spectacle de plus. Souhaitons-lui longue prospérité ».

Choisi pour inaugurer le nouveau cinéma, le film Fabiola d’Enrico Guazzoni est projeté lors de deux séances qui font salle comble. Egalement au programme, les images du fameux raid aérien effectué par le lieutenant Ludovic Arrachart et le lieutenant de réserve Henri Lemaitre dont la presse relate « qu’il fut particulièrement applaudi, de même que le film Lille Pendant la guerre, qui présente pour nos concitoyens un intérêt particulier ». Le succès du Familia est tel que la direction recommande aux spectateurs de retenir ses places à l’avance.

Le Familia, le grand cinéma de la Paramount.

La programmation du Familia fait la place belle aux vedettes du cinéma des années 1920 à l’instar de Max Linder, interprète et réalisateur de Sept ans de malheur la semaine du 17 décembre 1925, de Gloria Swanson dans le film de Léonce Perret Madame Sans-Gêne celle du 22 janvier 1926 et dans la comédie Mondaine de Richard Rosson et Lewis Milestone le 21 octobre 1927, de Buster Keaton dans Sherlock Junior le 19 février 1926 et dans Le Mécano de la « General » le 30 septembre 1927, de Douglas Fairbanks dans Don X, fils de Zorro de Donald Crisp le 25 février 1926 et dans Le Pirate noir d’Albert Parker le 12 novembre 1926, et enfin du latin lover Rudolph Valentino dans son avant-dernier film L’Aigle noir de Clarence Brown le 12 mars 1926, et dans Le Cheik de George Melford le 24 septembre 1926, dans Le Fils du Cheik de George Fitzmaurice le 7 janvier 1927 ainsi que dans Cobra de Joseph Henabery le 25 février 1927.

Ci-dessus: le film inaugural du Familia le 6 décembre 1925: Fabiola d’Enrico Guazzoni.

Ci-dessus: L’Aigle noir de Clarence Brown avec Rudolph Valentino le 25 février 1927.

Ci-dessus: Cobra de Joseph Henabery avec Rudolph Valentino le 12 mars 1926.

Ci-dessus: Le Kid de Charles Chaplin et L’Homme à l’Hispano de Julien Duvivier le 22 avril 1927.

Les spectateurs lillois applaudissent également les stars comme la raffinée Pola Negri dans La Comtesse Voranine de Malcolm St. Clair le 10 septembre 1926 et dans Hotel Imperial de Mauritz Stiller le 11 novembre 1927, le comique Harold Lloyd dans Vive le sport ! de Fred C. Newmeyer et Sam Taylor le 2 septembre 1927 et bien sûr Charles Chaplin dans La Ruée vers l’or le 3 septembre 1926, dans Le Kid le 22 avril 1927 et dans Le Cirque le 16 mars 1928.

Exploité par la société Paramount, beaucoup de films issus du studio sont à l’affiche du Familia qui propose les Actualités Paramount, ces dernières devenant sonores et parlantes dès le 22 novembre 1929. Le 10 décembre 1926, le Familia inaugure l’installation de son orgue en présence de Raymond Durot, ex-violon solo des Concerts Colonnes et de M. Berens, 1er prix du Conservatoire de Liège. Si les productions américaines sont très présentes au Familia, les films français y sont également projetés comme Le Bouif errant de René Hervil avec Félicien Tramel le 10 juin 1927, Nana de Jean Renoir le 24 juin, L’Atlantide de Jacques Feyder avec Stacia Napierkowska le 19 août ou encore Minuit, place Pigalle de René Hervil le 14 décembre 1928. Le puissant studio allemand de la UFA (Universum Film AG) propose au Familia le film de science-fiction Metropolis de Fritz Lang le 28 octobre 1927 et Faust de Friedrich Wilhelm Murnau le 18 novembre 1927.

Ci-dessus: le film Volcano la semaine du 8 juillet 1927 ainsi que al présence du jeune Fernandel en attraction. 

Ci-dessus: Metropolis de Fritz Lang la semaine du 28 octobre 1927. 

Ci-dessus: Le Cirque de Charles Chaplin, du 16 au 29 mars 1928. 

En complément des programmes, les spectateurs lillois assistent sur la scène du Familia, avant le grand film, aux prestations du comique troupier Ouvrard la semaine du 5 novembre 1926 et, celle du 27 avril 1928, du chanteur Félix Mayol la semaine du 17 décembre 1926, d’Andrex le 2 septembre ou d’un jeune comique troupier qui monte, Fernandel, qui revient plusieurs fois au Familia les semaines du 8 février 1927, du 24 août 1928 et celle du 6 juin 1929. Les programmes changent chaque semaine, sauf lorsque des films populaires nécessitent deux semaines d’exploitation.

Alors que la société Paramount ouvre le 24 novembre 1927 son luxueux cinéma parisien sur le boulevard des Capucines, un certain nombre d’établissements de province sont également gérés par la major comme le Théâtre Français à Bordeaux, l’Opéra de Reims, le Paris-Palace de Nice, l’Odéon de Marseille ou le Plaza de Toulouse. Les films lancés au Paramount-Opéra sont par la suite exploités dans ces salles provinciales. Pour la sortie à Lille, le 18 janvier 1929, du film Paramount Les Ailes de William A. Wellman, le Familia propose un prologue scénique et une synchronisation des sons « par des bruits captés lors de la prise de vue et reproduits par le Vocalion Orchestrelle de Coupleux-Frères de Lille ». Le service de publicité du Familia annonce « une projection au Magnoscope » que l’orchestre de Paul Reure met en musique et qui « donne à ce chef d’œuvre, tout le relief qu’il mérite ».

A partir du 24 janvier 1930, le Familia propose le film produit par la Metro-Goldwyn-Mayer et réalisé par Harry Beaumont Les Nouvelles Vierges avec l’envoûtante Joan Crawford. Ce film est l’un des derniers muets projetés dans la salle, la direction informant cette même semaine par voie de presse : « En assistant au programme du Familia profitez pour retenir vos places, durant les entractes, pour la semaine prochaine et être ainsi certain de voir le grand film français 100% parlant et chantant, La Route est belle, mise en scène par Robert Florey et interprété par André Bauge ». Pour lancer cette innovation technologique révolutionnaire, le Familia-Palace s’équipe du système sonore Western Electric.

L’année 1930 débute avec l’ajout de la marque Paramount à l’enseigne du Familia qui affiche le 16 mai de la même année une production maison, le musical Parade d’amour (The Love Parade) d’Ernst Lubitsch avec en vedette le frenchie Maurice Chevalier ainsi que la pétillante Jeanette MacDonald. A cette époque, le programme du Paramount-Familia est digne des grands établissements parisiens avec de multiples attractions comme par exemple, la semaine du 16 mai 1930, les Actualités Paramount et Fox-Movietone suivies du dessin animé sonore Un Mariage à la hauteur. Puis sur scène, une prestation des cascadeurs Morris & Max suivie d’un sketch sonore des clowns Carrolli, Porto & Cie, puis de l’orchestre de M. Paul Roure et enfin du « grand film » de Lubitsch.

Ci-dessus: À la hauteur de Clyde Bruckman et Harold Lloyd le 8 mai 1931.

Ci-dessus: Le Lieutenant souriant d’Ernst Lubitsch avec Maurice Chevalier et Claudette Colbert le 4 février 1932. 

Ci-dessus: Les Carrefours de la ville de Rouben Mamoulian la semaine du 29 avril 1932. 

Ci-dessus: Shanghaï Express de Josef von Sternberg avec Marlene Dietrich la semaine du 26 août 1932.

Ci-dessus: en 1932, le Familia-Paramount n’accepte pas les pourboires.

Ci-dessus: Boudu sauvé des eaux de Jean Renoir avec Michel Simon la semaine du 23 juin 1933.

Ci-dessus: Frankenstein de James Whale avec Boris Karloff le 12 mai 1933.

Sur plusieurs décennies, le Familia-Paramount est la vitrine lilloise du studio américain mais aussi de sa filiale française. On peut y voir les films produits ou distribués par la Paramount comme Le Petit Café de Ludwig Berger avec Maurice Chevalier le 15 mai 1931, Tabou de Friedrich Wilhelm Murnau et Robert Flaherty le 18 septembre 1931, Marius d’Alexander Korda le 6 novembre 1931, Le Lieutenant souriant de Ernst Lubitsch le 5 février 1932, Les Carrefours de la ville de Rouben Mamoulian avec Gary Cooper et Sylvia Sidney le 29 avril 1932, Shanghaï Express de Josef von Sternberg avec Marlene Dietrich le 26 août 1932, Topaze de Louis Gasnier avec Louis Jouvet le 27 janvier 1933 ou Cantique d’Amour de Rouben Mamoulian avec Marlene Dietrich le 23 février 1934.

Ci-dessus: L’Impératrice rouge de Josef von Sternberg à l’affiche du Familia-Paramount du 5 au 18 octobre 1934.

Ci-dessus: Les Trois lanciers du Bengale de Henry Hathaway avec Gary Cooper à partir du 29 mars 1935.

Ci-dessus: Samson de Maurice Tourneur le 13 mars 1936.

Ci-dessus: Capitaine blood de Michael Curtiz à l’affiche le 15 mai 1936.

En 1934, la Cinématographie française dresse un bilan de l’exploitation lilloise et pointe le chiffre de 30% de films étrangers qui occupent les écrans de la ville. Les productions nationales, qui rencontrent un succès sans précédent, représentent ainsi 70% de la programmation. Cette année-là au Familia-Paramount, l’un des plus gros succès est pourtant étranger : L’Impératrice rouge de Josef von Sternberg avec Marlene Dietrich qui tient l’affiche dix jours dès le 4 octobre. Pour les films français au programme, citons La Crise est finie de Robert Siodmak le 19 octobre 1934, L’École des contribuables de René Guissart le 9 novembre 1934 ou bien Les Bleus de la marine de Maurice Cammage le 30 novembre 1934.

Alors que le Rexy voisin accueille sur sa scène un petit chanteur corse plein d’avenir, le Familia propose une semaine plus tard sur son écran, à partir du 17 avril 1936, le premier grand rôle de Tino Rossi dans Marinella de Pierre Caron. Le succès du film est immense. En 1937, le Familia-Paramount est permanent de 13h à 19h30 et propose une soirée séparée à 20h30. Le prix des places est de 5 à 12 francs pour les matinées et de 7 à 15 francs en soirée et de 8 à 16 francs le samedi soir. Ces tarifs sont les mêmes que ceux pratiqués dans les trois autres salles d’exclusivité de la rue de Béthune. La Cinématographie française commente: « les programmes hebdomadaires – changeant chaque jeudi – sont annoncés par affiches et photos dans le hall du cinéma et en ville ; par pavés dans les journaux locaux; par tracts distribués en ville et par décorations en couleurs de la façade (…) Le spectacle comprend les Actualités Paramount, un film de première partie, le film annonce et un grand film toute la deuxième partie du programme ».

Ci-dessus: Ernest le rebelle de Christian-Jaque avec Fernandel la semaine du 7 décembre 1938.

Ci-dessus: gala de première du film Les Hommes volants de William A. Wellman le 9 mars 1939.

A la tête du cinéma, son directeur Pierre Bescond programme le sublime La Grande illusion de Jean Renoir le 14 octobre 1937, Un Carnet de bal de Julien Duvivier le 28 octobre 1937, Les Rois du sport de Pierre Colombier le 30 décembre 1937, l’exotique et captivant Forfaiture de Marcel L’Herbier avec Louis Jouvet le 3 février 1938, Les Flibustiers de Cecil B. DeMille le 31 mars 1938, Éducation de prince d’Alexandre Esway le 17 novembre 1938, Le Capitaine Benoît de Maurice de Canonge le 2 février 1939, le film en Technicolor Les Hommes volants de William A. Wellman le 9 mars 1939, Les Cinq Sous de Lavarède de Maurice Cammage le 6 avril 1939 ou bien Casier judiciaire de Fritz Lang le 29 juin 1939.

En temps de guerre, le cinéma continue au Familia.

Quand la guerre éclate, le Familia affiche depuis le 30 août 1939 un double programme de productions Paramount: Soubrette d’Andrew L. Stone avec Ray Milland et L’Évadé d’Alcatraz de Robert Florey. Malgré le conflit, le Familia poursuit son exploitation de double programme, la plupart issus du studio comme La Baronne de minuit de Mitchell Leisen le 29 novembre 1939, La Taverne de la Jamaïque d’Alfred Hitchcock le 31 janvier 1940, Narcisse d’Ayres d’Aguiar le 1er mai 1940 repris le 19 décembre, L’Or dans la montagne de Max Haufler le 14 novembre 1940, Allô Janine! de Carl Boese avec Marika Rökk le 26 décembre 1940, Le Maître de poste de Gustav Ucicky avec Heinrich George le 6 février 1941, Une Cause sensationnelle d’Eduard von Borsody avec le même interprète le 17 avril 1941 ou Madame Sans-Gêne de Roger Richebé avec Arletty le 18 novembre 1941 avec en complément sur scène Les Petits chanteurs d’Opéra.

Ci-dessus: Narcisse réalisé par Ayres d’Aguiar à l’affiche le 1er mai 1940.

L’année 1942 connaît un grand succès dans les salles de première vision de la capitale des Flandres. Cette année-là, le Familia programme toujours des attractions sur scène avant le grand film et son directeur M. Rouillars publie dans la revue corporative collaborationniste Le Film du 9 janvier 1943 les meilleures recettes de l’année: Les Inconnus dans la maison de Henri Decoin à l’affiche le 14 août 1942 est en tête des entrées enregistrées suivi de Fièvres de Jean Delannoy avec Tino Rossi le 9 octobre 1942, puis de La Neige sur les pas d’André Berthomieu le 27 novembre 1942 et enfin de La Duchesse de Langeais de Jacques de Baroncelli avec la grande Edwige Feuillère le 22 mai 1942.

Pour les fêtes de Pâques de 1943, le Familia offre à son public Macao, l’enfer du jeu de Jean Delannoy avec Erich Von Stroheim et Sessue Hayakawa qui réunit dès le 19 mars 1943 27.149 spectateurs en deux semaines. Devant le succès, le film est prolongé d’une semaine. Suivent Les Visiteurs du soir de Marcel Carné le 21 mai 1943 ou L’Honorable Catherine de Marcel L’Herbier le 2 juillet 1943.

A l’occasion de la sortie du film de marionnettes Le Roman de Renard réalisé par Ladislas et Irène Starewitch du 23 au 29 juillet 1943, le Familia-Paramount organise un concours de dessin destiné aux écoliers lillois. Les concurrents, divisés en deux catégories de 6 à 10 ans et de 11 à 16 ans, doivent illustrer la fable de La Fontaine Le Corbeau et le Renard afin de décrocher les premiers prix dans chaque catégorie d’un montant de 500, 400 et 300 francs. Tous les dessins sont exposés dans le hall du cinéma dès le 23 juillet.

Du 1er au 14 octobre 1943, Le Corbeau de Henri-Georges Clouzot enregistre au guichet du Familia une recette record de 684.693 francs et est prolongé une troisième semaine. Suivent, entre autres, Mon amour est près de toi de Richard Pottier le 10 décembre 1943 pour trois semaines, Frédérica de Jean Boyer avec Charles Trenet le 23 février 1944, le policier rural Goupi Mains Rouges de Jacques Becker le 27 avril 1944, La Vie de plaisir d’Albert Valentin le 25 mai 1944 ou bien Lucrèce de Léo Joannon le 22 juin 1944.

Ci-dessus: Le Roi des resquilleurs de Jean Devaivre en 1945.

Ci-dessus: Jericho de Henri Calef le 18 avril 1946.

Au sortir de la guerre, la distribution cinématographique dans le Nord est très vivante et organisée grâce notamment à la présence des firmes américaines et à travers leurs succursales installées à Lille. On peut ainsi découvrir sur l’écran du Familia La Route semée d’étoiles de Leo McCarey à partir du 11 septembre 1946, Assurance sur la mort de Billy Wilder le 13 novembre 1946, Arsenic et vieilles dentelles de Frank Capra le 29 janvier 1947, Pour qui sonne le glas de Sam Wood le 29 octobre 1947, Les Voyages de Sullivan de Preston Sturges le 26 janvier 1949 ou le musical La Valse de l’empereur de Billy Wilder le 21 décembre 1949.

A partir du 17 avril 1946, avec Jéricho de Henri Calef et ses 53.306 entrées en 14 jours, la salle – qui n’est pas la plus grande de Lille – bat tous les records et enregistre un de ses plus grands succès de l’après-guerre.

A l’occasion de la sortie le 1er mars 1951 du film de Jean Gourguet Trafic sur les dunes, un grand gala est organisé au Familia-Paramount où, à l’issue de la projection du film, l’équipe du film reçoit l’accueil chaleureux du public lillois, comme cela s’est passé à Dunkerque où le film rencontre un grand succès. A cette occasion, Edouard Delmont, Pierrette Souplex, Francis Valois, la petite «Zizi» ainsi que Jean Gourguet sont interviewés à la radio de Lille par Jacques Navadie. L’orchestre est applaudit grâce aux airs déjà populaires du compositeur René Denoncin, à l’origine de la partition musicale et des chansons du film, ainsi que celles du complément de programme accompagnant le grand film, Vedettes et chanson.

Au printemps 1951, un sondage est lancé afin de connaître les motivations des spectateurs dans leurs choix de films. Il en ressort que les Lillois accordent une grande importance à la notoriété des vedettes et au nom du réalisateur, ce qui est mis en avant lors les campagnes de lancement des films. Pour la sortie le 4 avril 1951 dans les salles du Familia et du Lilac de la comédie d’André Berthomieu Le Roi des camelots, les interprètes Robert Lamoureux et Yves Deniaud assurent une tournée promotionnelle et donnent des interviews à la radio, ce qui provoque un beau succès lors de la première semaine d’exploitation lilloise avec 18.373 entrées.

Le 4 février 1953, une soirée de gala est donnée au Familia pour la sortie du film historique L’Agonie des Aigles, tourné avec le procédé Gevacolor et réalisé par Jean Alden-Delos. Les recettes de la soirée sont récoltées au profit de la restauration du château de Versailles.

Les cinémas de la rue de Béthune ont le vent en poupe dans les années 1950 : le Familia enregistre 385.166 entrées pour l’année 1952 contre 337.472 au Régent mitoyen (27 bis rue de Béthune). Quant au Capitole, situé au numéro 21, il atteint les 599.798 entrées ! Un an plus tard, le Capitole vend 571.105 tickets pour l’année 1953, le Familia en comptabilise 381.889 et le Régent 314.105. Une étude réalisée par la Cinématographie française sur l’année 1952 confirme que les spectateurs lillois font la part belle aux productions hexagonales, malgré l’abondance de films étrangers.

Ci-dessus: Sous le plus grand chapiteau du monde de Cecil B. DeMille, un des grands succès de l’année 1953.

Afin de lutter contre la télévision qui intègre peu à peu les foyers français, les salles françaises affichent des films en relief et s’équipent ainsi pour la projection à double bande nécessitant pour le spectateur le port de lunettes polaroïdes. Les trois salles exploitées par la Paramount font partie des premières équipées en France:  le Paramount-Opéra à Paris, l’Opéra à Reims et le Familia à Lille. Les années 1950 voient une cascade de films issus du studio hollywoodien et distribué au Familia, parmi lesquels le film en Technicolor Les Conquérants d’un nouveau monde de Cecil B. DeMille à l’affiche le 27 septembre 1950, Midi, gare centrale de Rudolph Maté le 5 décembre 1951, Le Choc des mondes du même réalisateur le 1er octobre 1952, le film noir Le Gouffre aux chimères de Billy Wilder le 3 juin 1953, le western L’Homme des vallées perdues de George Stevens le 14 octobre 1953, le film de science-fiction La Guerre des mondes de Byron Haskin le 14 avril 1954, l’irremplaçable Sabrina de Billy Wilder le 16 mars 1955, le chef d’œuvre du suspense Fenêtre sur cour d’Alfred Hitchcock le 20 avril 1955 ou encore Strategic Air Command d’Anthony Mann le 1er décembre 1955.

A l’occasion des fêtes de la Pentecôte 1956, de nombreuses premières de films, en présence des vedettes, sont organisées à Lille. Le mardi 15 mai, Georges Guétary ouvre le feu au Familia avec la présentation de son dernier film Le Chemin du paradis de Hans Wolff. Profitant d’une relâche à l’ABC où il triomphe dans La Route fleurie, le chanteur se produit sur la scène du Familia juste avant la projection du film dans lequel il est en vedette.

Le Familia-Gaumont, le grand cinéma des films populaires.

Cette même année, le Familia change de main pour être exploité, à l’instar du Ritz, par la Société Nouvelle des Etablissements Gaumont (S.N.E.G.). Ce sont les films sortant majoritairement dans le circuit à la marguerite qui sont à l’affiche du Familia comme La Traversée de Paris de Claude Autant-Lara programmé le 7 novembre 1956 durant trois semaines. Honoré de Marseille, interprété par Fernandel et réalisé par Maurice Regamey sort en première mondiale au Familia et au Ritz. A cette occasion la société régionale La Boule Monsoise organise le mardi 4 décembre une partie de pétanque à l’entrée de la rue de Béthune, en face du Familia. La circulation est arrêtée et les tramways doivent s’interrompre le temps aux joueurs de se livrer à une partie en hommage au film, interprété par la grande vedette à l’accent chantant.

Venant de Londres via un transit à Bruxelles où elle fait escale pour voyager en hélicoptère, l’actrice Nicole Courcel arrive à Lille le mardi 25 mars 1957 pour promouvoir le film de Jean-Paul Le Chanois Le Cas du docteur Laurent qu’elle interprète aux côtés de Jean Gabin. Présentée sur scène par M. Taufour à 21 heures au Familia et à 23 heures au Ritz, Nicole Courcel répond aux questions des spectateurs lillois et, comme le relate la Cinématographie française « conquiert le public qui lui réserva un chaleureux accueil par sa gentillesse et sa simplicité ».

Cinéma emblématique de Lille, le Familia-Gaumont, la plupart du temps en tandem avec le Ritz, affiche les grandes sorties de l’époque comme Un roi à New York de Charlie Chaplin programmé le 30 octobre 1957, Pot-Bouille de Julien Duvivier le 6 octobre 1957, Tamango de John Berry le 19 février 1958, l’adaptation du roman de Françoise Sagan Bonjour tristesse d’Otto Preminger le 9 avril 1958, le désormais mythique Mon oncle de Jacques Tati le 8 octobre 1958 ou bien le déroutant En cas de malheur de Claude Autant-Lara d’après Georges Simenon le 22 octobre 1958.

Ci-dessus: plan du Familia-Gaumont en 1959.

Ci-dessus: Brigitte Bardot dans Le Repos du guerrier de Roger Vadim le 24 octobre 1962 attire 30.940 spectateurs lillois.

Pour la présentation le 10 décembre 1958 du film Maxime, sa vedette Michèle Morgan effectue le voyage à Lille accompagnée du producteur Raoul Ploquin, du réalisateur Henri Verneuil et de l’acteur Félix Marten. La revue Le Film français commente cet événement dans son numéro du 19 décembre : « L’emploi du temps de Michèle Morgan était, on s’en doute très chargé. La sympathique vedette tint pourtant à consacrer une demi-heure de son horaire à un grand et émouvant moment de solidarité : « le Noël des déshérités » qu’organise chaque année le quotidien La Voix du Nord, en faveur des enfants malades ou infirmes. Puis après une interview à la radio, elle se consacra tout à son rôle de vedette, au cours d’abord d’un cocktail organisé en son honneurs dans les salons de l’Hôtel Royal ». Parmi les invités se trouvent des exploitants locaux, dont M. Deconynk du Colisée de Roubaix et de Valenciennes. « Le soir sur les scènes du Familia, d’abord et du Ritz ensuite, Michèle Morgan, Henri Verneuil et Félix Marten, furent présentés par notre collaborateur André Bellenger à la foule qui avait envahi les deux salles et qui réserva l’accueil chaleureux et enthousiaste que le public lillois sait réserver à ceux qu’il aime » conclut l’article de la revue corporatiste.

Durant cette période se succèdent sur l’écran du Familia-Gaumont des films proposés en tandem avec le Ritz : Les Tripes au soleil de Claude Bernard-Aubert le 27 mai 1959, À double tour de Claude Chabrol avec le jeune Jean-Paul Belmondo le 9 décembre 1959, Salomon et la Reine de Saba de King Vidor le 9 mars 1960, Le Vent de la plaine de John Huston le 14 septembre 1960, Austerlitz d’Abel Gance le 9 novembre 1960, La Bride sur le cou de Roger Vadim et Jean Aurel avec Brigitte Bardot le 3 mai 1961 ou Le Comte de Monte-Cristo de Claude Autant-Lara avec Louis Jourdan dans le rôle d’Edmond Dantès le 7 février 1962.

Le 16 mai 1962, le réalisateur Yves Robert se déplace à Lille pour présenter au Familia son film La Guerre des boutons. Comme dans le reste du pays, les spectateurs font un triomphe au film qui comptabilise à Lille 42.884 spectateurs en quatre semaines. Il est repris au Familia le 13 février 1963 où 15.046 spectateurs supplémentaires le voit ou le revoit. Les succès commerciaux s’enchaînent comme avec Madame Sans-Gêne de Christian-​Jaque interprété par la belle Sophia Loren le 29 août 1962, Le Repos du guerrier de Roger Vadim avec Brigitte Bardot le 24 octobre 1962 ou Le Masque de fer de Henri Decoin avec Jean Marais le 14 novembre 1962.

A l’occasion de la sortie lilloise du film Fort du fou de Léo Joannon, un gala est organisé au Familia le mardi 26 février 1963 à 21 heures. Cette soirée est donnée au profit de l’Association pour le développement des œuvres d’entraides de l’Armée et placée sous la présidence de personnalités civiles et militaires de la ville. Empêché pour des raisons de santé, le réalisateur délègue à deux de ses interprètes, Jacques Harden et M. Van Quynh, les frères ennemis du film, le soin d’assister au cocktail presse organisé dans l’après-midi dans le bar du cinéma.

Le Familia-Gaumont poursuit sa politique de programmation de films populaires comme Maigret voit rouge de Gilles Grangier avec Jean Gabin annoncé le 11 septembre 1963, la production Disney Les Enfants du capitaine Grant de Robert Stevenson le 30 octobre 1963, Le Mépris de Jean-Luc Godard le 15 janvier 1964, Le Gendarme de Saint-Tropez de Jean Girault le 23 septembre 1964 qui enregistre 48.087 entrées en six semaines, Fantômas d’André Hunebelle le 11 novembre 1964, Les Barbouzes de Georges Lautner le 23 décembre 1964, Le Corniaud de Gérard Oury le 7 avril 1965 ou Les Grandes gueules de Robert Enrico le 10 novembre 1965. Ces films sortant à Lille exclusivement au Gaumont-Familia, la salle de la rue de Béthune enregistre à cette époque des recettes inégalées.

En 1966, le circuit Gaumont-Pathé programme ou dirige sept établissements à Lille : les trois salles Gaumont  – le Familia, le Ritz et le Régent, la salle Pathé le Caméo et le circuit Cinéson avec le Bellevue, le Capitole et le Faidherbe. Le Familia poursuit sa programmation avec des productions populaires comme Trois enfants dans le désordre de Léo Joannon avec Bourvil le 31 août 1966, Le Grand Restaurant de Jacques Besnard avec Louis de Funès le 12 octobre 1966, Les Aventuriers de Robert Enrico le 5 avril 1967, Les Arnaud de Léo Joannon avec la craquante Christine Delaroche le 4 octobre 1967, Alexandre le Bienheureux d’Yves Robert le 25 février 1968, La Planète des singes de Franklin Schaffner le 15 mai 1968, More de Barbet Schroeder le 19 novembre 1969, Le Mur de l’Atlantique de Marcel Camus – l’avant-dernier rôle de Bourvil – le 28 octobre 1970, Le Distrait de et avec Pierre Richard le 23 décembre 1970, La Veuve Couderc de Pierre Granier-Deferre le 3 novembre 1971, Il était une fois la révolution de Sergio Leone le 29 mars 1972, L’Emmerdeur d’Édouard Molinaro le 3 octobre 1973 ou bien Mon nom est Personne de Tonino Valerii et Sergio Leone avec Henry Fonda et Terence Hill le 14 décembre 1973.

Ci-dessus: Les Jouisseuses de Lucien Hustaix à l’affiche le 2 octobre 1974 pour 21 semaines.

Signe de la libération des mœurs du début de la décennie, c’est à cette époque que le Familia propose quelques films érotiques programmés en alternance avec des films traditionnels. Citons Couple marié cherche couple marié de Franz Josef Gottlieb le 1er décembre 1971, Les Amours clandestines d’une aristochatte de Hans Billian le 13 février 1973 ou Les 69 Dalmatiennes de Franz Antel le 6 mars 1974. Un film créé l’événement à partir du 2 octobre 1974 en restant six mois en exclusivité au Familia et réunissant 115.596 spectateurs : Les Jouisseuses de Lucien Hustaix avec Claudine Beccarie. Fort de ce succès, le Familia annonce la sortie prochaine d’un autre film du réalisateur, Les Tripoteuses.

En 1978, le Familia devient le multisalles Gaumont-Lille.

Durant ces mêmes années 1970, l’exploitation cinématographique connaît une mutation majeure avec la création de complexes multisalles qui rencontrent un succès considérable avec pour l’exploitant la possibilité de diffuser plus de films et de les maintenir plus longtemps les films à l’affiche. Situé sur la rue de Béthune, le complexe UGC Ariel est érigé à l’emplacement de l’ancien Rexy. Le Pathé-Caméo compte quant à lui trois salles.

Le 17 avril 1977, « les feux de la rampe de l’ancêtre Familia s’éteignent et font place aux trépidations bruyantes des compresseurs et des piqueurs » comme le relate la revue Cinémas de France. La transformation du Familia nécessite 173 jours de travaux « dont 90 jours d’une démolition surprenante de dureté et de difficultés diverses au milieu d’un nuage de poussière mais dans la bonne humeur de l’environnement et de la foule de la rue de Béthune ». Après huit mois de fermeture, le Gaumont-Lille créé par l’architecte Guy Bisch est inauguré le 21 décembre 1977. Les deux grandes salles du complexe comptent 500 places chacune et disposent d’un écran de 11 mètres de base. La revue note « une harmonie tête de nègre, châtaigne, gold, cannelle et brique, judicieusement mélangée et inversée avec des tissus muraux spécialement dessinés et créés pour ce complexe plonge les spectateurs dans une atmosphère chaude et détendue rehaussée de plus par le confort des fauteuils semi-club ».

Cinéma Gaumont à Lille

Cinéma Gaumont à Lille

Cinéma Gaumont à Lille

Cinéma Gaumont à Lille

Cinéma Gaumont à Lille

Cinéma Gaumont à Lille

Cinéma Gaumont à Lille

Cinéma Gaumont à Lille

Cinéma Gaumont à Lille

Ci-dessus: le hall et les salles du nouveau Gaumont-Lille en 1978.

Le Gaumont-Lille reste un cinéma de référence et accueille les équipes pour promouvoir leurs films comme en février 1979, Jean-Jacques Annaud qui vient présenter au public lillois son film Coup de tête. La Gaumont organise une réception en son honneur dans les salons de l’hôtel Bellevue au cours de laquelle le réalisateur s’explique auprès des journalistes sur le sens de son film : « Il s’agit d’un homme qui au départ n’est rien et se retrouve finalement en position de force vis-à-vis de ceux qui l’ont humilié ». Jean-Jacques Annaud monte sur la scène du Gaumont à l’issue de la dernière séance et, selon la revue Le Film français, engage avec le public un débat très animé.

Avec l’implantation du Kinepolis de Lomme, l’un des premiers multiplexes de France avec ses 21 salles, les habitudes des spectateurs sont bouleversées qui délaissent peu à peu le centre-ville et plus particulièrement la rue de Béthune. Le circuit UGC choisit malgré tout de se maintenir en ville en inaugurant son complexe de 14 salles UGC Ciné-Cité créé à partir des volumes de son cinéma et du complexe mitoyen Pathé.

Gaumont fait le choix de quitter le centre-ville de Lille comme il le fait plus tard à Bordeaux en sacrifiant le Gaumont. Le complexe ferme définitivement ses portes le 31 décembre 1997 après 72 années d’activité cinématographique commencée sous l’ère du muet.

Cinéma Gaumont à Lille

Cinéma Gaumont à Lille

Cinéma Gaumont à Lille

Ci-dessus: le dernier jour d’exploitation du Gaumont-Lille, le 31 décembre 1997.

Textes: Thierry Béné
Documents: La Cinématographie française, Le Film français, Cinémas de France, Les Spectacles, Gallica-BnF, Collection particulière.