Adresse: 4 rue de la Chaussée d’Antin à Paris (9ème arrondissement)
Nombre de salles: 1
A l’heure où nous évoquons la fermeture du cinéma Le Français, il nous paraît opportun de revenir sur la salle du Cinémonde-Opéra qui a été annexée au Français pour composer ce qui deviendra le complexe Gaumont Opéra Français.
La salle du Cinémonde, ouverte au public le 22 avril 1939, compte 400 fauteuils répartis dans l’orchestre et le balcon. Le film Marajo, la lutte sans merci d’Eduard Von Borsody tient la première affiche de cette nouvelle salle située rue de la Chaussée d’Antin face au Paramount-Opéra. Ce même film avait tenu l’affiche avec succès au Rex puis au Gaumont-Palace.
Deux jours avant l’ouverture officielle, l’inauguration de la salle a lieu sous les auspices de la revue Cinémonde. La formule du cinéma propose des journaux filmés, documentaires, dessins animés et un grand film en reprise. Pour la soirée de gala, le film réalisé par Jacques Séverac La Boutique aux illusions est projeté au Cinémonde alors qu’il sortira dans la foulée et en exclusivité à l’Edouard VII, alors salle de théâtre et de cinéma.
De nombreuses salles de cinéma, dont une grande partie de salles d’exclusivités, sont installées sur les grands boulevards parisiens. Le Cinémonde se positionne d’emblée comme une salle de quartier programmant un film chaque semaine en sortie générale, c’est-à-dire une fois la période d’exclusivité terminée.
Se succèdent les premières semaines des son exploitation de grands productions françaises comme L’Inconnue de Monte-Carlo d’André Berthomieu le 28 avril 1939, Hôtel du Nord de Marcel Carné le 5 mai 1939 et Remontons les Champs-Elysées de Sacha Guitry le 12 mai 1939.
Pendant la période de l’Occupation et après une longue période de fermeture, le Cinémonde-Opéra reprend sa programmation de films en sortie générale. Avec La Loi du printemps de Jacques-Daniel Norman, la salle garde son positionnement de salle de seconde exclusivité en programmant ce film dès le lendemain de la fin de l’exclusivité au Paramount voisin.
Le cinéma devient bientôt une salle de première exclusivité avec des films comme Le Mistral de Jacques Houssin à l’affiche au seul Cinémonde le 7 avril 1943 ou bien La Cavalcade des heures d’Yvan Noë avec Fernandel dès le 10 novembre 1943, cette fois en duo avec le cinéma des Champs-Elysées Les Portiques (qui deviendra le cinéma UGC George-V).
A la Libération, le Cinémonde maintient son statut de salle de première exclusivité avec des productions programmées conjointement avec les cinémas Triomphe (sur les Champs-Elysées) et La Royale (boulevard de la Madeleine). Cette combinaison de salles accueille dans un premier temps des productions dont la carrière s’est interrompue durant les hostilités, à l’instar du film de Marcel L’Herbier Entente cordiale à l’affiche le 3 décembre 1944 ou de La Veuve Joyeuse d’Ernst Lubitsch le 29 novembre 1945. Les productions américaines, invisibles pendant l’Occupation, sortent dans ces trois salles: le 25 octobre 1944, La Péniche de l’amour de Archie Mayo signe le retour sur les écrans de Jean Gabin dans cette production de la Twenty Century Fox tandis que le 4 janvier de l’année suivante Victoire dans la nuit d’Edmund Goulding offre le premier rôle à Bette Davis.
Ci-dessus: le Cinémonde-Opéra accueille le public en masse lors de la projection du Signe de Zorro en 1946.
Les années d’après-guerre voient de grandes exclusivités à l’affiche des cinémas Triomphe/Cinémonde/Royale comme Le Signe de Zorro de Rouben Mamoulian le 27 novembre 1946 alors que la plupart des superproductions de la Fox sortent simultanément au Gaumont-Palace et au Rex.
Dans les années 1950, le Cinémonde alterne des sorties en exclusivité pour des films mineurs comme Deux nigauds chez les tueurs le 9 février 1950, Le Cercle infernal le 21 juillet 1955 ou bien Safari le 1er novembre 1956.
Ci-dessus: vues de la salle du Cinémonde-Opéra en 1960
Des films de seconde exclusivité sortis précédemment sur les écrans du Rex et du Gaumont-Palace arrivent dans la salle du Cinémonde: Caroline chérie le 10 mai 1951, Les Diaboliques le 8 avril 1955, Et Dieu créa la femme le 3 janvier 1957 et Notre-Dame de Paris le 21 mars 1957.
Dans les années 1960, cette formule se poursuit avec des secondes exclusivités qui tiennent longtemps l’affiche comme La Belle américaine le 8 février 1962, Le Jour le plus long le 12 septembre 1963 ou bien L’Homme de Rio le 15 juillet 1964. La fin de cette décennie est marquée par les longues prolongations du Docteur Jivago dès le 9 novembre 1967 et du succès Autant en emporte le vent le 10 octobre 1969.
Ci-dessus: Et Dieu créa la femme à l’affiche du Cinémonde en 1957.
C’est au cours de la décennie suivante que le Cinémonde devient une salle de première exclusivité. La programmation change et, grâce à l’intégration du cinéma de la Chaussée d’Antin au circuit des cinémas Marbeuf et Biarritz, l’Art et Essai s’installe dans ce quartier de l’Opéra.
Se succèdent ainsi Théorème de Pier Paolo Pasolini le 29 janvier 1969, Les Diables de Ken Russel le 29 octobre 1971, Un été 42 de Robert Mulligan en décembre 1971, Flesh de Paul Morrissey le 8 février 1973 ou bien La Planète sauvage de René Laloux le 6 décembre 1973. Le Cinémonde-Opéra est alors un cinéma très fréquenté, apprécié par son confort et, depuis son intégration aux sorties des films UGC du Biarritz ou de l’Ermitage, doté d’une affiche de premières exclusivités de qualité.
Ci-dessus: à l’affiche du Cinémonde-Opéra Le Bon, la brute et le truand en 1973.
Ci-dessus: le luminaires en 1970.
Ci-dessus: Théorème de Pasolini à l’affiche du Cinémonde-Opéra.
De beaux succès commerciaux font le succès du Cinémonde comme Les Galettes de Pont-Aven de Joël Seria, programmé dès le 20 août 1975, et Une Journée particulière d’Ettore Scola le 7 septembre 1977. Une programmation résolument commerciale est menée dès la fin des années 1970, certains films comme La Trappe à nanas de Sam Grossman le 5 avril 1978 ou bien Le Pot de vin de Sergio Corbucci le 10 janvier 1979 ne laissent pas de souvenirs impérissables.
Ci-dessus: L’ancienne façade du Cinémonde en 1996 alors que le cinéma voisin Les Français (qui deviendra le Gaumont Opéra Français) est repris par Gaumont.
La salle est reprise à la fin de l’année 1979 par Pathé qui entreprend une restructuration du cinéma: la salle du Cinémonde est divisée en deux et s’intègre au cinéma voisin Le Français. L’accès au nouveau complexe Les Français, désormais équipé de cinq salles, se fait sur le boulevard des Italiens. L’ancienne entrée du Cinémonde devient l’issue de secours du multisalles Pathé.
En 1996, le cinéma Les Français est repris par Gaumont.
Ci-dessus: L’Inconnue de Monte-Carlo en 1939 est joué au Cinémonde-Opéra..
Ci-dessus: Avec Le Mistral en 1943, le cinéma devient une salle de première exclusivité.
Ci-dessus: Jack l’éventreur à l’affiche du Cinémonde-Opéra en 1947.
Ci-dessus: Le Jour le plus long en seconde exclusivité à l’affiche du Cinémonde-Opéra en 1963.
Remerciements: M. Thierry Béné.
Bonjour,
Je voulais revenir sur votre superbe article (d’ailleurs, un grand bravo à vous et à Thierry Béné) concernant le « Cinémonde-Opéra », en apportant une petite rectification sur ce qui est écrit dans votre commentaire. Pendant l’occupation, le Cinémonde-Opéra n’a connu aucune fermeture, hormis celle de seulement quelques jours en juin 1940, à l’arrivée des troupes allemandes dans Paris. La seule « longue » interruption qu’ait connu la salle, est commune à toutes les autres salles parisiennes. C’est à dire au moment de la Libération où, par pénurie de charbon/électricité, tous les cinémas parisiens ont été fermés du 23 juillet à mi-octobre 1944.