Adresse: 118 avenue des Champs-Elysées à Paris (8ème arrondissement)
Nombre de salles: 1

Cette salle de cinéma est le vestige d’une salle de conférences appartenant au quotidien Le Petit Parisien. En 1931, le propriétaire associé au quotidien Excelsior demande à l’architecte Lacourrège de transformer la salle en un cinéma d’une capacité de 350 fauteuils. Le Cinéma des Champs-Elysées ouvre ses portes le 17 janvier 1931 avec une production de la Metro-Goldwyn-Mayer, « Monsieur Le Fox » avec André Luguet.

Le journal L’Intransigeant du 17 janvier 1931 évoque ce jour-là la nouvelle salle de cinéma: « cette salle créée par nos confrères Le Petit Parisien et l’Excelsior a été inaugurée jeudi 15 janvier en présence de la presse cinématographique. Elle est fort jolie et très agréablement installée. Cet établissement de style moderne compte 400 places. La salle est entièrement décorée en gris. Une galerie disposée autour du parterre donne à ce cinéma un aspect très original. Le film d’ouverture est un film parlant français réalisé en Amérique et interprété par André Luguet. Un dessin animé complète le programme ».

Ci-dessus: le film inaugural du Cinéma des Champs-Elysées.

Le film « Monsieur Le Fox » est critiqué du fait de scènes « parlées » trop longues. D’ailleurs, le quotidien Comoedia précise à propos de ce film: « n’oublions pas qu’à l’écran une simple image vaut mieux qu’un long discours » Le cinéma parlant balbutiant déconcerte le public et les critiques car les contraintes y étant rattachées rigidifient la mise en scène.

C’est dans cette nouvelle salle que la M.G.M. décide de sortir le 14 mars 1931 « Anna Christie » de Clarence Brown qui est le premier film parlant de Greta Garbo. Il est probable que le succès n’est pas au rendez-vous, le film ne reste que quatre semaines à l’affiche. Au cours des années 1930, de nombreux films de la M.G.M. sortent en exclusivité dans cette salle. « La Petite chocolatière » de Marc Allegret avec l’immense Raimu est le premier véritable succès du Cinéma des Champs-Elysées, seul cinéma à le programmer le 12 février 1932.

La salle propose également quelques productions de la Paramount qui sortent en version originale avant que la version française ne soit exploitée dans la salle homonyme des grands boulevards: « Shanghaï Express » de Joseph Von Sternberg avec Marlène Dietrich y est projeté dès le 21 avril 1932 ainsi que « L’Homme que j’ai tué » d’Ernst Lubitsch le 21 juillet 1932 ou encore le génial « Haute pègre » du même Lubitsch le 13 juillet qui sort sous son titre original « Trouble in paradise ». Mais un film connaît un triomphe dans cette salle dès le 22 mars 1934: « La Croisière jaune » d’André Sauvage et Léon Poirier et produit par Pathé-Natan.

Ci-dessus: « Shanghai Express » réalisé par Josef von Sternberg avec Marlene Dietrich à l’affiche du Cinéma des Champs-Elysées, 

Toujours dans les années 1930, la salle sort également et en exclusivité de nombreux titres de la UFA (Universum Film AG). Annoncé comme un grand film en couleurs naturelles, « Becky Sharp » réalisé par Rouben Mamoulian fait découvrir le Technicolor au public français. Le procédé a cependant des difficultés à s’imposer en France, plusieurs critiques parlent de « films ripolinés » pour souligner ce qu’ils considèrent comme un mauvais goût absolu.

Au milieu des années 1930, la salle est le lieu d’exclusivité de plusieurs productions hollywoodiennes majeures comme « Anna Karenine » de Clarence Brown à l’affiche le 30 janvier 1936 ou encore deux films de Frank Capra « L’Extravagant mister Deeds » le 4 juin 1936 et « Les Horizons perdus » le 8 avril 1937.

Ci-dessus: « L’Étrange Monsieur Victor » de Jean Gremillon avec Raimu sort le 6 mai 1938 au Madeleine et au Cinéma des Champs-Elysées.

Pendant l’Occupation, la salle accueille en majorité les programmes de documentaires sous le titre « Arts, sciences & voyages ». D’une durée d’environ deux heures, des actualités et sept films, dont aucun ne dépasse les trois bobines, composent ce programme dont le  premier sort le mercredi 12 mars 1941.

La revue corporative en ces temps d’Occupation Le Film donne la liste du premier: « Chartres, d’André VIGNEAU (primé à la Biennale de Venise, « La Vie des abeilles » film UFA, « Voyage dans le ciel » de Jean Painlevé et Dufour, « Trente-six chandelles » d’Ichac et Ruffin (Film comique sur la vie des champions de sports d’hiver), « Rayon X » de la UFA, « Le vol à voiles », « Karakoram » film sur l’expédition française de l’Himalaya et enfin deux chansons de Fred Adison filmées par Maurice Cloche ». La même revue commente les motivations de la direction du Cinéma des Champs-Elysées: « à une heure où l’on prend réellement conscience du rôle du cinéma dans la vie sociale de la France, il a paru opportun de montrer de quels éléments dispose le film comme moyen d’information du public, aussi bien pour la diffusion des connaissances les plus récemment acquises par la Science, que pour faire connaître les beautés diverses de la nature ».

Ci-dessus: le film de propagande « Forces occultes » est programmé au Cinéma des Champs-Elysées sous l’Occupation.

Divers programmes « Arts, sciences et voyages » sont à l’affiche du Cinéma des Champs-Elysées, le 29 mai 1941, le 6 août 1941, le 5 novembre 1941, le 22 juillet. Enfin, le Cinéma des Champs Elysées sort le 10 mars 1943 le film de propagande antimaçonnique « Forces occultes » réalisé par Jean Mamy.

A la Libération, la salle devient une salle de reprises avec des périodes, notamment en 1947, consacrées à la projection d’un programme d’actualités. La salle, programmée par Roger Regent, commence à s’imposer avec des ressorties de films français d’avant-guerre et devient la salle la moins chère des Champs-Elysées. Feyder, Renoir, Duvivier, Clouzot, Carné, Guitry… voient leurs œuvres régulièrement à l’affiche de la salle. Au cours des années 1950, les films étrangers, principalement américains, sont programmés au Cinéma des Champs-Elysées: Capra, Hitchock, Wilder, Cukor, Ford, Mankiewicz sont ainsi découverts par les cinéphiles bien avant la création du cinéma spécialisé l’Action Lafayette.

 

Ci-dessus: le Cinéma des Champs-Elysées en 1956 avec « Fanfan la tulipe » à l’affiche.

Ci-dessus: le programme du Cinéma des Champs-Elysées en mai 1960.

Ci-dessus: le Cinéma des Champs-Elysées (à gauche) et le Normandie en 1955.

Ci-dessus: le Cinéma des Champs-Elysées (à gauche) et le Normandie en 1967.

Le prix des places reste un atout majeur de la salle qui propose un prix réduit pour les séances avant 13 heures. Comparons le prix des places du Cinéma des Champs-Elysées avec celui du prestigieux Colisée au fil des années: en 1937, 15 et 20 frs (12 et 15 frs en matinée) contre 12 et 15 frs au Colisée. En 1948, 60 frs et 40 frs avant 13 heures pour 125 frs au Colisée, en 1950, 80 frs et 65 avant 13 heures pour 200 frs au Colisée, en 1955, 130 frs et 100 frs contre 370 au Colisée, en 1962, 200 frs et 130 frs contre 500 frs au Colisée, en 1967, 3,50 et 2,30 (nouveaux) frs contre 10,30 frs au Colisée, en 1970, 4 fres et 2,80 frs pour 12 frs au Colisée.

Ci-dessus: la salle rénovée en 1962.

En 1962, la salle est rénovée par l’architecte Paul Dubreuil. Le Film français évoque cette rénovation dans son numéro 936: « Il s’agissait de moderniser par une transformation complète et de porter à 500 fauteuils (au lieu de 350) la capacité de cette salle à l’origine consacrée aux conférences du journal « le Petit Parisien » et devenu cinéma en 1931 ». Pour obtenir l’autorisation d’accroître le nombre de fauteuils « il a fallu concevoir, puis réaliser un nouveaux dispositif des entrées et améliorer les sorties de secours… Pour la réalisation des solutions adoptées, le choix s’est porté en tant que matériaux : pour le faux plafond, sur le staff, et pour le sol, sur le parquet de chêne (revêtu de tapis de laine). En ce qui concerne les parois murales, c’est un tissu nouveau pour la première fois utilisé à Paris : combiné de fils de verre et de Rhovil qui a été tendu dans les panneaux encadrés par les pilastres et par une frise haute en pierre marbrière provenant de l’emploi des anciens éléments retaillés. Le soubassement de ces parois a été revêtu de tapis mural, mais le plafond au lieu d’être entièrement peint, a reçu dans sa plus grande partie, un flockage de ton rouge vif, rappelant celui des tapis, les côtés seuls recevant une peinture grise, s’harmonisant avec la couleur des tissus qui habillent les panneaux des murs et aussi ceux qui revêtent les fauteuils. La visibilité de l’écran est devenue totale pour les 500 places que comporte maintenant la salle du fait de la disparition du promenoir latéral, mais aussi de l’approfondissement du sol… L’éclairage de la salle est assuré par des groupes tiercés de rampes luminescentes, dissimulées dans des gorges transversales qui divisent la salle dans le sens de sa longueur et permettent, par un jeu de plans inclinés, de supprimer le caractère banal de la grande plage blanche que constitue le plus souvent un plafond de salle de cinéma. Notons en passant une petite astuce réalisée pour dissimuler les orifices d’évacuation de fumée réglementaires : ceux-ci sont placés dans les redans horizontaux du plafond et dissimulés par des inscriptions en lettres dorées rappelant les noms portés au cours de trois siècles d’existence par les Champs-Elysées qui donnent leur nom au cinéma : la Grande Allée du Roule, Le grand Cours ».

Ainsi rénovée, la salle dont la capacité atteint les 500 fauteuils garde sa spécificité de salle de reprises de qualité avec des places bon marché. Précisons que les copies sont alors souvent abîmées car de nombreuses fois exploitées. Le Cinéma des Champs-Elysées est l’une des premières salles à proposer à ses spectateurs un programme couvrant la programmation du mois. Elle garde cette vocation jusqu’à sa fermeture définitive et la démolition du bâtiment à la fin des années 1970.

L’immeuble reconstruit abrite un concessionnaire automobile et une salle de 290 places intégrée au cinéma Normandie.

Ci-dessus: la salle aujourd’hui intégrée au cinéma UGC Normandie.

Ci-dessus: la salle de l’UGC Normandie, à l’emplacement du Cinéma des Champs-Elysées.

Voir les salles de cinéma de l’avenue des Champs-Elysées.

Remerciements: M. Thierry Béné.
Documents: La Cinématographie française, Le Film français, Gallica BnF et collection particulière.