Adresse: 50, avenue des Champs-Elysées à Paris (8e arrondissement)
Nombre de salles: 7
Inauguration: 1959
Fermeture définitive en 2016
Le 22 septembre 1959, à l’angle de l’avenue des Champs-Elysées et de la rue du Colisée, une salle de prestige vouée aux grandes exclusivités cinématographiques est inaugurée par la Gaumont: l’Ambassade.
On doit la réalisation de l’immeuble qui abrite le cinéma au promoteur immobilier Mario Molho de Almosnino. La façade du cinéma est alors habillée de larges panneaux de verres qui sont ensuite obstrués par les panneaux dédiés aux affiches. Dès la construction de l’immeuble en 1959, le rez-de-chaussée est prévu pour abriter une salle de cinéma: c’est la Gaumont qui rachète les murs dès son achèvement et confie l’aménagement du cinéma à l’architecte Georges Peynet. On doit à ce dernier de nombreux aménagements et transformations de salles de cinéma (le Max Linder Panorama en 1957, le Gaumont Palace rénové à Paris en 1954, celui rénové de Toulouse…)
L’arrière de l’immeuble accueille le show-room O’Kennedy appartenant à Mario Molho de Almosnino qui a également une activité dans la confection et la parfumerie. Ce show-room servi notamment de décor de magasin de jouets pour le premier film de Francis Veber Le Jouet avec Pierre Richard et Michael Lonsdale dont il a habillé les acteurs. En 1978, le show-room est racheté par l’Ambassade en vue de son agrandissement.
La revue La Cinématographie française revient sur cette ouverture: « Sous une marquise métallique de ton or, la façade de verre, toute en glaces de Saint-Gobain en quart de cercle, s’ouvre directement sur le hall habillé de marbre de Marathon et de marbre noir Saint-Laurent. Au centre du hall, le dessous de la corbeille d’une courbure élégante, piqué de centaines de points lumineux de verre éclaté, recouvre l’escalier de marbre qui conduit à l’orchestre. »
Ci-dessus: Le Chemin des écoliers de Michel Boisrond est le film inaugural du Gaumont Ambassade en 1959.
Ci-dessus: le plan original du cinéma pour sa construction en 1959.
L’affiche inaugurale de l’Ambassade, Le Chemin des écoliers réalisé par Michel Boisrond avec pour interprètes Bourvil, Lino Ventura, Alain Delon et Françoise Arnoul, est une production Gaumont. Ce film de lancement donne le ton de ce qui fera la réputation de l’Ambassade: une affiche de productions, souvent hexagonales, destinées au grand public.
Entrons dans la vaste salle de 1100 fauteuils, 800 à l’orchestre et 300 dans le balcon, grâce aux commentaires de La Cinématographie française. « La dominante de la salle est le rouge corail à grandes appliques d’or. Le cadre d’écran est habillé de velours rouge et les fauteuils des établissements Gallay revêtus de jersey de nylon rouge corail. De 18 mètres de large sous des poutres portant 9 étages d’immeuble, l’immense plafond, fait d’éléments de plastique translucides peut diffuser quatre mille feux de toutes couleurs et un sélecteur peut les faire varier, des blancs purs aux bleus profonds. Innovation sensationnelle qui agit totalement sur les ambiances colorées, les tentures, les décors métalliques, la dentelle de la balustrade ».
L’écran de ce nouveau cinéma mesure 12 mètres sur 6 mètres. « Son cadre apparaît isolé du fond. Le rideau de l’écran s’escamote derrière son immense châssis et permet de passer instantanément du format standard au Cinémascope ». La cabine de la salle est encastrée dans la mezzanine et permet une projection sans aucun angle. La salle est équipée pour la projection en 70 mm, plusieurs chaînes de haut-parleurs sont réparties dans toute la salle et au plafond. Comble de la modernité, une cabine téléphonique est aménagée dans le cinéma pour sa clientèle.
Ci-dessus: vues de la salle d’origine du Gaumont Ambassade en 1959. Le balcon et son prolongement seront transformés en une deuxième salle en 1987.
Ci-dessus: le hall du cinéma en 1959.
Les grands succès commerciaux de ce début des années 1960 se succèdent, l’Ambassade étant associé au Richelieu pour un duo d’exclusivités prestigieuses. Avec cette combinaison sont proposés, entre autres, La Jument verte (Claude-Autant-Lara) le 28 octobre 1959, Le Bossu (André Hunnebelle) le 13 janvier 1960, Le Dialogue des carmélites (Pierre Agostini et Raymond Léopold Bruckberger) le 10 juin 1960.
La salle propose également, toujours avec le Richelieu, de grandes productions américaines en 70 mm comme Alamo (John Wayne) le 21 décembre 1960, Exodus (Otto Preminger) le 18 mai 1961, Le Jour le plus long (Ken Annakin) le 10 octobre 1962 ou Les 55 jours de Pékin (Nicholas Ray) le 9 mai 1963. Ces films restent à l’affiche pendant de nombreux mois.
La salle est avant tout le lieu de sortie des grandes productions Gaumont comme Fantômas (André Hunnebelle) le 4 novembre 1964, Le Gentleman de Cocody (Christian-Jaque) le 2 avril 1965, Ne nous fâchons pas (Georges Lautner) le 21 avril 1966. De grandes premières sont organisées dans la salle de l’Ambassade, la presse s’en fait l’écho et assure ainsi la promotion des films à l’affiche.
Ci-dessus: la façade de l’Ambassade en 1959. Les grandes baies vitrées ont peu à peu laissé la place aux affiches de films.
Ci-dessus: Arsène Lupin contre Arsène Lupin (Edouard Molinaro) avec Jean-Claude Brialy et Jean-Pierre Cassel à l’affiche de l’Ambassade en 1962.
Ci-dessus: Bébert et l’omnibus (Yves Robert) à l’affiche de l’Ambassade en 1962.
Ci-dessus: Les 55 jours de Pékin (Nicholas Ray) à l’affiche de l’Ambassade en 1963.
Ci-dessus: Lamiel (Jean Aurel) avec Anna Karina, Michel Bouquet à l’affiche de l’Ambassade en 1967.
Ci-dessus: pavé de presse du Chemin des écoliers.
Ci-dessus: pavé de presse de La Jument verte, film interdit au moins de 18 ans.
Ci-dessus: pavé de presse du Grand restaurant à l’affiche des cinémas parisiens Berlitz, Les Images, Montparnasse Pathé et Pathé Orléans.
Ci-dessus: pavé de presse du Jour le plus long projeté au Richelieu et à l’Ambassade.
Ci-dessus: pavé de presse des 55 jours de Pékin, projeté au Richelieu et à l’Ambassade.
C’est le 9 décembre 1966 que le film-phénomène de Gérard Oury La Grande vadrouille s’installe à l’Ambassade, qui est depuis plusieurs mois associé aux cinémas Berlitz, Bosquet, Les Images, Montparnasse Pathé et Pathé Orléans.
La comédie produite par Robert Dorfmann et distribuée par Valoria reste vingt semaines à l’Ambassade. Par la suite, cette combinaison s’assure l’exclusivité de bons nombres de films avec Louis De Funès comme Les Grandes vacances (Jean Girault) le 1 décembre 1967, Le Petit baigneur (Robert Dhery) le 22 mars 1968, Le Tatoué (Denys de la Patellière) le 18 septembre 1968 et bien sûr les films de Gérard Oury, produit par Alain Poiré de la Gaumont, comme La Folie des grandeurs le 8 décembre 1971 et Les Aventures de Rabbi Jacob le 18 octobre 1973.
Alors que les salles mono-écrans sont petit à petit transformées en multisalles, la salle de l’Ambassade reste longtemps inchangée. Le cinéma assure l’affiche de grands films populaires ce qui permet de maintenir la fréquentation de ce grand vaisseau de plus de 1000 fauteuils. L’incendie qui survient la nuit du 19 au 20 novembre 1980 entraîne la fermeture temporaire de l’Ambassade alors qu’est programmé Le Coup du parapluie. Le film de Gérard Oury poursuit son exclusivité dans la salle du Colisée voisin.
Ci-dessus: le Gaumont Ambassade en 1981, fermé temporairement à la suite d’un incendie. Le film de Pierre Richard Le Coup du parapluie, alors à l’affiche de la salle de l’Ambassade, est déplacé au Gaumont Colisée.
Ci-dessus: la salle rénovée du Gaumont Ambassade en 1981.
Ci-dessus: pavé de presse de Outland de Peter Hyams avec Sean Connery.
La salle désormais rénovée conserve sa tonalité rouge mais le plafond original est détruit. C’est dans cette nouvelle salle qu’est proposée la copie 70 mm du film de Michael Cimino Les Portes du paradis le 22 mai 1981. Deux autres productions sont projetées en 70 mm en 1981: Rencontres du 3ème type de Steven Spielberg le 2 mars et Outland de Peter Hyams le 2 septembre.
C’est cette même année 1981 que Gaumont rachète le Paramount-Elysées logé dans le bâtiment voisin de la rue du Colisée. Un hall commun avec l’Ambassade est créé, cinq salles sont ainsi proposées dans ce nouveau complexe cinématographique. Une sixième salle voit le jour en 1982 à la place d’un restaurant.
Ci-dessus: la salle GaumontRama de l’Ambassade en 1987.
Ci-dessus: la salle GaumontRama de l’Ambassade en 1996.
En 1987, la grande salle originale de l’Ambassade est scindée en deux: une salle occupe l’orchestre tandis que l’autre est construite à partir de l’ancien balcon; les deux nouvelles salles de 440 et 400 fauteuils, dotées d’écrans courbes et équipées en 70 mm sont labélisées GaumontRama. En ces années, le grand cinéma à l’écran panoramique Kinopanorama est une véritable réussite en termes de fréquentation et de renommée.
Le nouvel opus de la saga 007 réalisé par John Glenn Tuer n’est pas jouer inaugure le nouveau complexe le 16 septembre 1987. L’Ambassade est ensuite associé au proche cinéma Marignan, repris par Gaumont. Les deux complexes Ambassade et Marignan constituent le futur Gaumont Champs-Elysées.
La fin progressive du concept de films projetés en exclusivité dans un cercle restreint de salles, notamment sur les Champs-Elysées, entraîne la banalisation des cinémas installés sur « la plus belle avenue du monde ». La fréquentation des salles de cinémas dans ce quartier prestigieux chute et entraîne progressivement la fermeture des salles soumises à des loyers exorbitants.
L’aventure prend fin pour le Gaumont Ambassade le soir du 31 juillet 2016.
Portfolio:
Ci-dessus: Jean-Paul Belmondo à l’affiche en 1981 dans Le Professionnel.
Ci-dessus: Jean-Paul Belmondo à l’affiche en 1982 dans L’As des as.
Ci-dessus: La salle 2 du Gaumont Ambassade en 1981.
Ci-dessus: La salle 3 du Gaumont Ambassade en 1981.
Ci-dessus: La salle 4 du Gaumont Ambassade en 1981.
Ci-dessus: la façade du Gaumont Ambassade en 1996.
Ci-dessus: la façade du Gaumont Ambassade en 1991 avec Van Gogh (Maurice Pialat) dans la salle GaumontRama. Photo: Christophe Stoltz.
Ci-dessus: la façade du Gaumont Champs-Elysées Ambassade en 2008.
Ci-dessus: les enseignes Gaumont et la célèbre marguerite.
Ci-dessus: série de photos prises en 2016, au lendemain de la fermeture définitive du Gaumont Ambassade.
Bonjour Guillaume,
voici un lien vers le site GAUMONT-PATHE ARCHIVES, où l’on voit la façade de l’AMBASSADE avec à l’affiche LE SOLEIL DES VOYOUS. C’est un photogramme des actualités Gaumont de 1967 donc la qualité est médiocre mais ceci donne une idée de cette façade. Lien: http://www.gaumontpathearchives.com/index.php?urlaction=doc&id_doc=331768
Cordialement,
Bonjour,
Je cherche des photos sur la sortie du SOLEIL DES VOYOUS (de Jean Delannoy avec Jean Gabin et Robert Stack) en mai 1967 au Gaumont Ambassade.
Je voudrais trouver des photos de la devanture du cinéma (probablement une toile ou un panneau peint pur l’occasion).
Merci d’avance.
guillaume
Quelle honte la fermeture de l’Ambassade! Les Champs Elysées deviennent progressivement un grand centre commercial semblable aux duty-free des aéroports.
Ou est la culture? Ou est la spécificité française?
L’immeuble du 50 avenue des Champs Élysées a été construit par mon Grand-Père Mario Molho de Almosnino. Le cinéma occupait le rez-de-chaussée depuis son achèvement en 1959.
Un seul bémol à ces beaux souvenirs: Gaumont s’obstinait à projeter le 70mm 2,20:1 sur l’écran au ratio 35mm cinémascope 2,35:1 ! Donc image large certes, mais tronquée en hauteur; et quand il s’agissait de VO S-T le haut des visages était carrément coupé.
Il m’avait été répondu que les copies en 70 étaient trop peu nombreuses pour avoir à demeure un jeu d’objectifs adéquat. Un détail quoi, car parait-il personne ne réclamait…
Mais mon regret le plus vif et amer reste la fermeture du Gaumont Grand écran Italie, une salle à la pointe du progrès dans tous les domaines comme on n’en reverra jamais.
J’ai eu la chance de travailler chez Gaumont de 1973 a 1979 comme contrôleur a l’époque et j’ai le souvenir de la grande salle unique du Gaumont Ambassade (1000 places) avec son balcon et équipée en 70 m/m pour une projection extra !
Il y a même eu le procédé SensSurround pour le film « Tremblement de terre » et c’était fabuleux !
Très bel écran de mur à mur !
J’ai également travaillé au Gaumont Champs-Elysées au 66 avenue des Champs-Elysées, une salle de 500 places, la plus belle et la mieux équipée a l’époque!
Que de souvenirs ! La salle a été démolie pour faire un magasin moche !
Cette époque était géniale !