Adresse : 97 avenue d’Orléans à Paris (XIVè arrondissement)
Nombre de salles : 1

C’est à l’initiative de Bernard Natan, qui prend la tête de la firme au coq en 1929, qu’un vaste chantier du développement de la branche exploitation de Pathé est engagé. Dans l’ouvrage Pathé, premier empire du cinéma édité en 1997 par le Centre Georges Pompidou, Marc-Antoine Robert revient sur le dynamisme insufflé par l’homme d’affaires d’origine roumaine dans les salles Pathé : « Il crée à cet effet le 12 avril 1929, la société de gérance des cinémas Pathé, société au capital d’un millions de francs et dont l’objet est les affaires de cinématographie en général et spécialement la prise en gérance de salles pour l’exploitation de cinématographie et attractions de toute nature et, d’une manière générale tout ce qui peut être utile à ce genre de spectacle ».

L’auteur dresse un inventaire des salles intégrées au circuit Pathé à la fin des années 1920, à une époque où le cinéma parlant commence à attirer les foules : « le 24 avril 1929, la Société de Gérance des Cinémas Pathé prend en gérance un circuit d’une vingtaine de salle appartenant au groupement Fournier-Lutétia (dont la S.G.C.P. devient propriétaire le 28 juin 1930 pour 92,5 millions de Francs): le Lutétia, le Royal, l’Impérial, le Saint-Michel, le Louxor, le Lyon-Palace, le Sélect, le Capitole, le Métropole, le Lecourbe, le Kursaal de Boulogne-Billancourt, l’Olympia de Clichy, le Belleville, le Féerique, Bobino, le Demours, le Mozart, le Rochechouart, le Casino de Clichy et le Kursaal d’Aubervilliers ».

Différentes personnalités de l’exploitation cinématographique entrent dans le capital de la Société de Gérance des Cinémas Pathé, facilitant l’intégration au circuit Pathé de cinémas comme le Caméo de Lille. Le 20 juin 1929, la S.G.C.P. prend en gérance les douze salles de la société Marivaux parmi lesquelles le prestigieux cinéma des Grands boulevards le Marivaux, le Max Linder situé non loin de là, ainsi que d’importantes salles en province. Durant cette même année 1929, de nouvelles gérances rejoignent le circuit Pathé comme à Paris le Palais des Glaces, le Magic Convention, le Barbès, le Palais Montparnasse, le Moulin Rouge Cinéma, le Sèvres, le Récamier et l’Excelsior, ces trois dernières issues du circuit de Léon Siritzky.

Le point d’orgue de cette incroyable expansion des salles Pathé est l’inauguration de deux luxueux cinémas sur l’avenue des Champs-Elysées : l’Ermitage en novembre 1930 puis le Marignan en mars 1933. En quelques années seulement, Bernard Natan réussit à bâtir un important circuit de près d’une soixantaine de salles – en propre ou en gérance – qui émaillent la capitale, sa banlieue ainsi que les grandes villes de province.

Le Pathé Orléans, un cinéma inauguré sous l’ère Bernard Natan.

C’est durant cette période faste que, dans le quartier parisien de la Porte d’Orléans, un nouveau cinéma Pathé ouvre ses portes le 25 octobre 1929. La production franco-allemande Quartier latin réalisée par Augusto Genina est choisie pour inaugurer la salle de 1.559 fauteuils. Emblématique des Années folles et intégrant des scènes dénudées qui ont fait le bonheur des spectateurs du Marivaux où il est dans un premier temps donné en exclusivité dès le 29 mars 1929, Quartier latin est interprété par les séduisantes Carmen Boni et Gina Manès.

Ci-dessus: Monte-Cristo de Henri Fescourt au Pathé Orléans le 1er novembre 1929.

La nouvelle salle, dont l’enseigne arbore simplement le nom Pathé pour la distinguer de celle de l’Orléans Pathé situé au 100 boulevard Jourdan, ne donne que deux représentations par jour : une matinée à 14h30 et une soirée à 20h30. En 1930, l’Orléans Pathé change de nom pour devenir l’Orléans Palace laissant le nouveau Pathé Orléans drainer les spectateurs pour voir des films encore muets: c’est le cape et d’épée Le Capitaine Fracasse d’Alberto Cavalcanti avec Pierre Blanchar et Charles Boyer la semaine du 13 décembre 1929. Ce sont également La Tentation de René Barberis et René Leprince – une production Pathé Consortium Cinéma – à l’affiche le 3 janvier 1930 ou le film allemand réalisé par Hanns Schwarz Rhapsodie hongroise le 31 janvier 1930.

Les théâtres Pathé-Natan en 1932

Ci-dessus: les théâtres du circuit Pathé-Natan en 1932.

Le visionnaire Bernard Natan choisit en ce début des années 1930 le procédé sonore RCA pour équiper le parc de salles Pathé ainsi que les studios de la société au coq. Le 21 mars de la même année est joué Ombres blanches de W. S. Van Dyke et Robert J. Flaherty: cette production de la Metro-Goldwyn-Mayer, la première qui inaugure le sonore dans la salle du Pathé Orléans, triomphe quelques semaines plus tôt lors de son exclusivité dans la salle du Madeleine et poursuit son succès dans les salles de quartier équipées de la nouvelle technologie.

Au Pathé Orléans, les spectateurs peuvent venir voir et surtout entendre « les films parlés » – qui ne rencontrent cependant pas immédiatement l’unanimité – à un prix de place abordable comparé au prestigieux Madeleine où les billets sont excessivement onéreux.

La Nuit est à nous, un des premiers films parlant français réalisé en double version – allemande et française – par Henry Roussel et Roger Lion et interprété par Marie Bell, rencontre un beau succès dans la salle de l’avenue d’Orléans la semaine du 16 mai 1930 puis lors de sa reprise le 19 septembre de la même année.

En 1930, le complément de programme avant le « grand film » diffère selon les circuits et les salles. Toutefois, un nouveau personnage apparaît sur l’écran du Pathé Orléans comme dans d’autres salles : la souris Mickey imaginée par Walt Disney. Les courts métrages s’enchaînent: Mickey mécano dans le programme du 28 mars 1930, Mickey laboureur dans celui du 11 avril 1930, Mickey imprésario le 26 septembre 1930 – en complément de Prix de beauté, un film d’Augusto Genina interprété par la sublime Louise Brooks -, Mickey galant le 14 novembre 1930 ou encore Mickey marin le 16 janvier 1931.

Marius d’Alexander Korda avec Pierre Fresnay et Raimu, premier volet de la trilogie de Marcel Pagnol, triomphe dans les salles parisiennes comme sur l’écran du Pathé Orléans qui le diffuse la semaine du 21 janvier 1932. A cette époque, de nombreuses coproductions sont tournées en double version dans les studios de Berlin comme Gloria, tourné en allemand par Hans Behrendt et en français par Yvan Noé et interprété par Jean Gabin et Brigitte Helm, qui sort au Pathé Orléans la semaine du 11 février 1932. Ariane, jeune fille russe de Paul Czinner – avec Elisabeth Bergner dans la version allemande et Gaby Morlay dans la française – y est quant à lui joué le 28 avril 1932.

Le 21 octobre 1932, le phénomène M le maudit est proposé au Pathé Orléans dans une version doublée en français. Distribué en France par Pathé-Natan, le film de Fritz Lang est évoqué dans la revue La Cinématographie française dans son édition du 16 avril 1932 avec notamment le commentaire de Roger Goupillières qui vient de réaliser la version française : « J’ai d’abord découpé le film de Fritz Lang en une multitude de petits bout que l’on synchronisait les uns après les autres (…) Chacun apprenait à dire en Français la phrase ou les mots correspondants prononcés en allemand par les interprètes (…) Pour certaines scènes exigeant un rigoureux parallélisme entre le mouvement des lèvres et des paroles, j’ai du retourner à Berlin. Peter Lorre (le vampire) et l’artiste qui incarne son avocat jouèrent la scène finale en parlant français. Mais on n’enregistra que les images. Ensuite à Paris, des artistes français enregistrèrent les paroles que les deux artistes allemands avaient d’abord prononcées ».

M le Maudit de Fritz Lang

Ci-dessus: l’affiche de l’adaptation française de M le maudit de Fritz Lang.

Cette semaine du 21 octobre 1932, M le maudit est à l’affiche des théâtres Pathé-Natan suivants : le Palais des Glaces, le Féerique, le Montparnasse Pathé, le Lecourbe, le Saint-Charles, le Royal Pathé et le Pathé Orléans. Aujourd’hui encore, le film de Fritz Lang est encore et toujours découvert dans les salles par une nouvelle génération de spectateurs.

Le 1er avril 1933, Bernard Natan inaugure sur les Champs-Elysées le luxueux cinéma d’exclusivité le Marignan dont les films à l’affiche prennent par la suite la direction des autres salles du circuit Pathé, dont l’Orléans, avant d’être enfin projetés dans les salles indépendantes. En 1934, la presse professionnelle évoque la difficulté pour les cinémas indépendants, qu’ils soient d’exclusivité ou de quartier, d’obtenir des œuvres à fort potentiel commercial que s’arrogent les circuits. Alors que la crise économique freine la fréquentation des salles d’exclusivité où les prix sont élevés, les salles de quartiers dans le giron des circuits, comme le Montrouge Palace (Gaumont) ou le Pathé Orléans, proposent des films populaires accompagnés d’attractions, le tout à des tarifs très accessibles pour le large public.

Le public se rue ainsi au Pathé Orléans et y découvre les productions maison comme Cette vieille canaille d’Anatole Litvak avec Harry Baur et Pierre Blanchar la semaine du 2 févier 1934, Charlemagne de Pierre Colombier avec Raimu celle du 9 mars 1934, le triptyque Les Misérables de Raymond Bernard avec Harry Baur, Florelle et Charles Vanel les semaines du 6, 13 et 20 avril 1934, La Femme chipée de Pierre Colombier avec Elvire Popesco le 28 décembre 1934 ou encore Le Bonheur de Marcel L’Herbier avec Gaby Morlay et Charles Boyer le 8 novembre 1935, repris le 10 juillet de l’année suivante. Suivent Variétés de Nicolas Farkas, tourné à Berlin en double version, avec Jean Gabin, Annabella et Fernand Gravey pour la version française, à l’affiche le 20 décembre 1935, L’Equipage d’Anatole Litvak le 24 janvier 1936 ou encore Courrier Sud de Pierre Billon le 26 mars 1937.

Ci-dessus: la chanteuse Marie Dubas sur la scène du Pathé Orléans, en complément du film Toni de Jean Renoir le 22 juin 1935.

Courrier sud de Pierre Billon

Ci-dessus: la sortie générale de Courrier Sud de Pierre Billon le 26 mars 1937.

Quelques films étrangers occupent également l’affiche de la salle de l’avenue d’Orléans comme King Kong de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack avec l’exquise Fay Wray le 23 mars 1934, Becky Sharp de Rouben Mamoulian, le premier film en Technicolor trichrome, le 8 mai 1936, le film britannique de René Clair Fantôme à vendre le 22 janvier 1937 ou bien la comédie d’Howard Hawks L’Impossible Monsieur Bébé avec Katharine Hepburn et Cary Grant le 7 septembre 1938. A l’instar des autres salles de quartier, les films n’occupent l’affiche qu’une semaine. En cas de grand succès, une reprise est envisagée quelques semaines ou mois plus tard.

Le Pathé Orléans à l’heure de l’Occupation.

Lorsque la guerre est déclarée le 3 septembre 1939, le Pathé Orléans affiche en reprise Blanche-Neige et les Sept Nains de Walt Disney, précédemment joué la semaine du 22 décembre 1938. Fort de ce succès, le film revient sur l’écran la semaine du 10 janvier 1940. Ce sont essentiellement des reprises ainsi que des films du studio RKO qui sont désormais au programme du Pathé Orléans comme dans d’autres salles de la capitale.

Quand l’armée allemande entre dans Paris le 14 juin 1940, le Pathé Orléans joue l’irrésistible comédie de Sacha Guitry Désiré (1937) interprétée bien sûr par le maître en personne en compagnie de Jacqueline Delubac et d’Arletty. Momentanément fermé à cause de la désorganisation liée aux nouveaux gouvernants, le cinéma rouvre ses portes le 18 septembre 1940 avec la reprise du film Bout de chou (1935) d’Henry Wulschleger interprété par le très populaire Bach, suivi de la trilogie marseillaise de Pagnol – Marius (1931) d’Alexander Korda, Fanny (1932) de Marc Allégret puis César (1936) de Marcel Pagnol – avec un film projeté chaque semaine.

Le 25 septembre 1940, l’extension jusqu’à 23 heures de la limite de fermeture des établissements publics et le prolongement d’une heure du service du métropolitain sont les deux mesures qui permettent de relancer une fréquentation en berne depuis l’entrée des Allemands dans Paris. L’arrivée prochaine du froid laisse penser aux exploitants que la reprise sera rapide : le public parisien, en ces temps de pénurie, vient effectivement se réchauffer dans les salles de cinéma dont 250 d’entre elles restent en activité sous l’Occupation.

En date du 12 octobre 1940, les autorités d’Occupation lancent un communiqué à propos des manifestations au moment des Actualités diffusées dans les salles obscures : « Dernièrement on a pu entendre dans diverses salles de cinémas parisiens des applaudissements au cours de la projection des Actualités. Ces manifestations doivent être considérées comme des provocations à l’égard des troupes d’Occupation. Si de telles manifestations devaient se reproduire, ne fut-ce que dans un cas isolé, cela aurait comme conséquences la fermeture de tous les cinémas parisiens ».

Une note signée du directeur de la Police municipale M. Marchand et soumise aux directeurs de salles spécifie « qu’il conviendra d’éclairer la salle et de faire une annonce au public. Les propriétaires seront personnellement tenus responsables des incidents et leur salle fera l’objet d’une mesure de fermeture ». Les directeurs de salles se voient ainsi dans l’obligation de faire surveiller la projection des Actualités et d’en rendre compte par un rapport à l’Etat-Major.

Ci-dessus: interrompue les premiers mois de l’Occupation, la production Pathé redémarre en 1941.

Parmi les films proposés au Pathé Orléans sous l’Occupation citons Le Président Haudecoeur de Jean Dréville le 4 décembre 1940, L’Homme qui cherche la vérité d’Alexandre Esway avec Raimu le 5 mars 1941, Angélica de Jean Choux avec Viviane Romance le 6 août 1941, la production Pathé Le Briseur de chaînes de Jacques-Daniel Norman le 15 avril 1942, la production Continental Films écrite par Alfred Greven en personne et réalisée par Christian-Jaque La Symphonie fantastique le 28 octobre 1942 ou bien Les Mystères de Paris de Jacques de Baroncelli le 26 janvier 1944.

Quasi oubliés aujourd’hui, deux des plus grands succès publics de l’Occupation y sont à l’affiche : la production CGC (Compagnie Générale Cinématographique) Le Voile bleu de Jean Stelli avec Gaby Morlay le 17 février 1943 et la production Pathé Pontcarral, colonel d’empire de Jean Delannoy avec Pierre Blanchar le 26 mai 1943, reprise le 15 septembre de la même année.

Ci-dessus: le line-up des sorties Pathé en 1944. 

Ci-dessus: Les Enfants du Paradis de Marcel Carné à l’affiche du Pathé Orléans le 6 mars 1946.

A la Libération, le Pathé Orléans affiche un grand nombre de films ayant débuté leurs exclusivités avant-guerre mais n’ayant jamais fait l’objet d’une sortie générale dans les salles de quartier: ce sont par exemple Elle et lui de Leo Mc Carey le 4 juillet 1945, Gunga Din de George Stevens le 8 août 1945 ou De Mayerling à Sarajevo de Max Ophüls le 7 novembre 1945. Quelques nouveautés y sont également programmées comme le chef d’œuvre de Robert Bresson Les Dames du bois de Boulogne le 28 novembre 1945.

Cinéma Pathé Orléans à Paris

Ci-dessus: la salle en 1946.

Le 3 janvier 1946, un conflit éclate entre les firmes des journaux filmés – les fameuses Actualités – et les exploitants; ces derniers refusant de nouvelles conditions. Les spectateurs sont alors étonnés de ne pas voir en salles l’unique source visuelles d’informations de cette époque. Seuls les cinémas Pathé et les établissements de la S.O.G.E.C (Société de Gestion et d’Exploitation du Cinéma, futur U.G.C.) projettent le Pathé-Journal pour les premiers et les Actualités-Françaises pour les seconds.

Le mercredi 6 mars 1946, après son long et triomphal succès au Colisée et au Madeleine, Les Enfants du Paradis – la grande production Pathé réalisée par Marcel Carné sur des dialogues de Jacques Prévert – entame sa sortie générale dans les cinémas parisiens. Le Pathé Orléans la propose le 6 mars pour une semaine, puis la reprend le 14 juillet 1948. Comme lors de son exclusivité, les deux époques sont programmées au cours d’une seule séance avec le tarif des places doublé. En raison de la longueur du film et du programme complet qui durent près de 3 heures et demie, les séances commencent en matinée à 14 heures et en soirée à 20 heures.

D’autres productions Pathé effectuent leur sortie générale dans des combinaisons de salles qui incluent l’établissement de l’avenue du Général-Leclerc – le nouveau nom de l’avenue d’Orléans dès 1948 – comme La Symphonie pastorale de Jean Delannoy le 1er juillet 1947, les deux parties de Bataillon du ciel d’Alexander Esway les 8 et 15 octobre 1947 ou Aux yeux du souvenir de Jean Delannoy le 23 février 1949.

Lors de cette période au cours de laquelle les studios américains envoient en masse leurs productions invisibles en France pendant la guerre, le Pathé Orléans signe un contrat avec la RKO sur le principe du block booking : pour obtenir un film porteur, comme ceux de Walt Disney, un certain nombre de productions mineures du même distributeur doivent être programmées. Citons Fantasia de Walt Disney le 16 avril 1947, Le Triomphe de Tarzan de Wilhelm Thiele le 3 septembre 1947, Les Enchaînés d’Alfred Hitchcock le 9 juin 1948, Bambi de Walt Disney le 17 novembre 1948 ou Boule de feu d’Howard Hawks le 26 janvier 1949.

En 1952, la Cinématographie française lance une grande enquête menée auprès des exploitants dans un contexte de crise du cinéma qui atteint désormais les salles d’exclusivité. Pour le circuit des salles Pathé, le Marignan qui sort ses films en exclusivité avec le Marivaux continue heureusement à remplir sa salle. L’initiative de Pathé d’afficher les heures de début de séance semble satisfaire les spectateurs, à contrario des cinémas permanents. Pathé constate dans cette enquête que les salles d’exclusivité sont désormais prises en compte dans les habitudes du public alors qu’avant-guerre elles bouclaient tout juste leur budget quand elles n’étaient pas déficitaires.

La baisse de la fréquentation des salles de quartier inquiète particulièrement l’exploitant : « A moins d’un changement considérable dans la forme même du spectacle offert, la crise de l’exploitation de quartier va devenir menaçante » conclut la firme au coq. Pour pallier la désaffection du public, les salles d’exclusivité ainsi que certains cinémas de quartier comme le Pathé Orléans s’équipent d’un écran large.

Les années 1950: une salle de quartier rénovée.

Durant l’été 1954, le Pathé Orléans ferme ses portes pour entamer la rénovation de la salle et du hall : les fauteuils sont remplacés et les peintures refaites : « Le bleu pâle des murs s’oppose heureusement aux fauteuils rouges et les luminaires entièrement nouveaux sont d’un élégant modernisme. De même on a modifié l’écran qui, agrandi, mesure à présent 6 X 9 m » commente Le Film français dans son numéro du 27 août.

Cinéma Pathé Orléans à Paris

Cinéma Pathé Orléans à Paris

Cinéma Pathé Orléans à Paris

Ci-dessus: vues de la salle et du hall en 1954.

Cinéma Pathé Orléans à Paris

Ci-dessus: vue de la façade du cinéma en 1954.

Ces mêmes années 1950 voient dans les salles de quartier Pathé une politique inchangée de la programmation : chaque semaine, une nouvelle affiche incluant un nouveau film en sortie générale. C’est ainsi qu’on découvre au Pathé Orléans Jour de fête de Jacques Tati le 18 janvier 1950, le dessin animé de Jean Image Jeannot l’intrépide le 14 mai 1952, l’opérette Violettes impériales de Richard Pottier avec Luis Mariano le 4 mars 1953, Sous le plus grand chapiteau du monde de Cecil B. De Mille le 30 décembre 1953, repris le 8 septembre de l’année suivante, ou Le Port du désir d’Edmond T. Gréville avec Jean Gabin le 25 mai 1955, acteur qu’on retrouve dans le sombre Voici le temps des assassins de Julien Duvivier le 17 octobre 1956.

Suivent En effeuillant la marguerite de Marc Allégret avec Brigitte Bardot le 16 janvier 1957 ou bien Ces Dames préfèrent le mambo de Bernard Borderie avec Eddie Constantine le 2 avril 1958.

Un drôle de paroissien de Jean-Pierre Mocky

Ci-dessus: Un drôle de paroissien de Jean-Pierre Mocky en sortie générale le 6 novembre 1963.

Ci-dessus: Michel Strogoff de Carmine Gallone en sortie générale le 10 mars 1957.

Ci-dessus: Guerre et Paix de King Vidor en sortie générale le 17 septembre 1958.

Cinéma Pathé Orléans à Paris

Ci-dessus: croquis de la façade du cinéma en 1958.

Malgré la fermeture dans les années 1960 de plusieurs de ses salles de quartier afin de compenser le déficit de sa branche production, Pathé maintient son cinéma de l’avenue du Général-Leclerc et y affiche, entre autres, Orfeu negro de Marcel Camus le 11 mai 1960, Zazie dans le métro de Louis Malle le 5 avril 1961, D’où viens-tu Johnny ? de Noël Howard le 3 janvier 1964, Furia à Bahia pour OSS 117 d’André Hunebelle le 1er octobre 1965 ou bien Angélique et le Roy de Bernard Borderie le 30 mars 1966.

La restructuration du circuit mène à la fermeture prochaine du cinéma.

Il est temps pour la salle, qui ferme temporairement ses portes pour cette occasion dès la semaine du 27 avril 1966, de subir de nouvelles transformations relatées dans La Technique cinématographique : « Façade, hall et salle ont pris un cachet entièrement nouveau qui met en valeur une heureuse opposition de pourpre et de pastel. Attrayante le jour, scintillante la nuit, la façade comporte un large panneau illustrant l’annonce des programmes. Le vaste hall est traité en bufflon rouge sur lequel se détachent les hauts du mur jaune de Naples, les plafonds gris tourterelle et qu’agrémente un riant miroir à damiers. La salle aux proportions spacieuses a reçu un cachet d’accueillante intimité souligné par d’élégantes appliques translucides et dorées qui dispensent une lumière chaudement tamisée. Rideau de Sedan cardinal, tapis et fauteuils s’intègrent dans un ensemble où le rouge s’allie agréablement à des gammes plus douces ».

Cinéma Pathé Orléans à Paris

Cinéma Pathé Orléans à Paris

Cinéma Pathé Orléans à Paris

Ci-dessus: vues de la salle et du hall en 1966.

C’est depuis ces mêmes travaux de rénovation que le flambant neuf Pathé Orléans devient enfin un cinéma d’exclusivité, désormais intégré dans la combinaison de salles à succès du Gaumont Ambassade et du Berlitz et accueillant en particulier les films interprétés par Louis de Funès : Le Grand restaurant de Jacques Besnard à partir du 9 septembre 1966, La Grande vadrouille de Gérard Oury le 9 décembre 1966, Les Grandes vacances de Jean Girault le 1er décembre 1967, Le Petit baigneur de Robert Dhéry le 22 mars 1968, Le Tatoué de Denys de la Patellière le 18 septembre 1968, Hibernatus d’Edouard Molinaro le 10 septembre 1969, L’Homme-orchestre de Serge Korber le 18 septembre 1970 ou bien La Folie des grandeurs de Gérard Oury le 8 décembre 1971.

Ci-dessus: Les Grandes vacances de Jean Girault à l’affiche le 1er décembre 1967.

Ci-dessus: reprise de Le Jour le plus long (1962) le 18 juin 1969.

Ci-dessus: Soleil rouge de Terence Young le 17 septembre 1971.

Avec l’arrivée de Pierre Vercel au sein de Pathé, le circuit des salles de la firme au coq connaît une nouvelle ère : parallèlement à la création de nouveaux complexes multisalles, de grands cinémas mono-écrans sont divisés en plusieurs salles : à Marseille au Pathé Palace ou à Paris aux Marignan et Wepler. Ces trois grandes salles uniques sont ainsi divisées et constituent deux cinémas sur chaque site.

Les premiers multisalles Pathé sont développés : le Pathé Belle-Epine à Thiais comporte quatre salles à son ouverture en 1973, l’annexion des trois salles des Mirages à Paris en face du complexe de trois salles du Clichy Pathé constituent un seul et même établissement de six salles qui reprend l’enseigne Clichy Pathé.

La salle unique du Montparnasse Pathé est quant à elle démolie pour constituer un nouveau complexe de cinq puis huit salles inauguré le 24 avril 1974. Le Pathé Orléans n’a pas cette chance d’une seconde vie : il ferme définitivement ses portes le 27 juin 1972, après une ultime projection de la comédie de Jean Yanne Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil qui recueille 3.187 spectateurs pour sa dernière semaine dans la salle de l’avenue du Général-Leclerc.

Un immeuble d’habitation – qui accueille toutefois deux nouvelles salles exploitées par le circuit Siritzky – remplace le bâtiment de l’ancien cinéma Pathé. Propriété de Parafrance, le Paramount Orléans de Jo et Sammy Siritzky ferme lui aussi quelques années plus tard.

Après la fermeture du Mistral du circuit de Joseph Rytmann en 2016, seul le Gaumont Alésia reconstruit subsiste aujourd’hui dans ce quartier du sud parisien.

Texte : Thierry Béné.
Documents : La Cinématographie française, Le Film français, Le Film, La Technique cinématographique, France-Soir et Gallica-BnF.