Adresse: centre commercial Foch – 8 avenue Foch à Paris (XVIè arrondissement)
Nombre de salles: 1
Moins de six années: c’est la courte durée d’exploitation d’un cinéma parisien atypique, le Terminal Foch intégré au centre commercial construit sous l’une des célèbres avenues du quartier de l’Etoile. En ce début des années 1970, la création du Réseau Express Régional (R.E.R.), événement majeur pour les Parisiens et les banlieusards, fait dire à plusieurs journalistes que « Paris devient de plus en plus une termitière ». Dans les sous-sols de la capitale, alors que la ligne du nouveau métro express est progressivement mise en exploitation, divers aménagements sont créés à proximité ou dans les gares. C’est le cas de celle, immense, de La Défense qui accueille en avril 1970 deux salles de cinéma: le Publicis-Défense. A la surface, des expériences de cinéma en plain air fleurissent comme le Drive-in de Rungis.
Après l’ouverture des Studios dans le centre commercial Parly 2, Jean-Charles et Pierre Edeline inaugurent le 18 septembre 1970 un nouveau cinéma underground à l’Etoile, le Terminal Foch. Le centre commercial Air Inter Foch Shopping dans lequel est intégré le cinéma de 200 fauteuils comprend 35 boutiques de luxe ainsi que le restaurant Relais Air Inter qui gravitent autour de l’aérogare Air Inter Terminal.
La revue La Technique cinématographique commente l’ouverture du nouveau cinéma : « Le Terminal Foch, dû à l’atelier Créveaux-Tessier, attirera par sa sobre élégance, un public choisi, heureux de trouver là, ambiance intime, confort-relaxe grâce aux fauteuils « Club » en cuir marron, spécialement conçus par les établissement Quinette, et programmes particulièrement étudiés pour permettre à une clientèle de qualité de goûter une détente paisible à proximité du domicile ou du lieu de travail ». Plusieurs accès – par le centre commercial, par le parking, par le R.E.R. ou par l’avenue Foch – mènent aux caisses du nouveau cinéma.
«Sous des dehors paisibles, le Terminal Foch est le royaume du gadget et de la nouveauté». La revue corporatiste évoque la modernité du nouveau cinéma: « Climatisé à 100% et insonorisé, le Terminal-Foch où la machinerie électrique sera reine, sera de plus entièrement électronique: une caissière-projectionniste surveillera les entrées, animera le programme vers la cabine automatique réalisée par Cinémeccanica, et pourra de même contrôler son bon déroulement grâce à un circuit vidéo dont les récepteurs seront installés à la caisse, dans la cabine et dans la salle. En passant, les spectateurs pourront jeter un coup d’œil sur l’étonnant et audacieux petit escalier en métal montant à la cabine et qui a valu à M. Talin, son créateur, le prix du Design Européen 1969 ».
La direction du Terminal Foch est confiée à Jacques Ertaud, réalisateur de cinéma et de télévision dont on retient notamment les feuilletons L’Homme du Picardie (1968), Sans famille (1981) ou Les Allumettes suédoises (1996). Jacques Ertaud assure l’exploitation du cinéma jusqu’à sa fermeture.
Le programme inaugural du 18 septembre 1970 est composé du western Cache ta femme, prends ton fusil, voici les Scavengers de Lee Frost. Les semaine suivantes, la programmation propose des films distribués par Alpha France, la société du producteur Francis Mischkind – un des nababs français du film érotique -, comme les comédies « interdites aux moins de 18 ans » Les Brebis du révérend de Torgny Wickman le 21 octobre 1970, Les Aventures amoureuses de Robin des Bois de Richard Kanter et Erwin C. Dietrich ou Les Anges nus de Bruce Clark. Mais ces productions coquines et comiques, pourtant rentables dans les autres salles parisiennes qui les programment, ne rencontrent pas leur public au Terminal Foch.
Ci-dessus: la comédie érotique Les Brebis du révérend de Torgny Wickman à l’affiche le 21 octobre 1970 au Terminal Foch ainsi qu’aux cinémas Lord Byron, Les Vedettes, Le Latin, l’Atlas, Cinévog Saint-Lazare et Capitole.
Ci-dessus: Les Aristochats de Walt Disney à l’affiche le 5 décembre 1971 au Terminal Foch ainsi qu’aux cinémas Rex, Ermitage, Miramar, Mistral, Telstar, Magic Convention, Kinopanorama, Cyrano, Le Français, Artel Nogent,C2L Saint-Germain et Artel Villeneuve.
Face au désamour du public pour cette salle pourtant moderne, la programmation change de cap: le Terminal Foch est intégré à la combinaison de salles rattachées au Rex, comme pour Les Cavaliers de John Frankenheimer avec Omar Sharif le 11 août 1971, Le Casse de Henri Verneuil avec Jean-Paul Belmondo et Omar Sharif le 27 octobre 1971, la production Disney Les Aristochats de Wolfgang Reitherman le 5 décembre 1971 pour 14 semaines ou bien pour le nouveau Lelouch L’Aventure, c’est l’aventure avec Lino Ventura, Jacques Brel, Aldo Maccione et Charles Denner le 4 mai 1972. Mais ces films sont également projetés dans les salles voisines de l’avenue des Champs-Elysées, au Normandie ou à l’Ermitage, ce qui ne favorise pas l’attractivité du Terminal Foch.
Ci-dessus: Le Casse d’Henri Verneuil avec Jean-Paul Belmondo à l’affiche le 27 octobre 1971.
Le cinéma continue de chercher sa ligne éditoriale et se tourne bientôt vers des œuvres plus ambitieuse comme Le Charme discret de la bourgeoisie de Luis Buñuel avec Stéphane Audran, Jean-Pierre Cassel, Fernando Rey et Bulle Ogier le 15 septembre 1972, La Femme en bleu de Michel Deville avec Michel Piccoli et Léa Massari le 17 janvier 1973, le chef d’oeuvre d’Ingmar Bergman Cris et Chuchotements avec Harriett Andersson, Liv Ullmann et Ingrid Thulin le 20 septembre 1973 ou Turkish Délices, le deuxième film d’un jeune cinéaste néerlandais, Paul Verhoeven, le 8 novembre 1973. Malgré la qualité de la programmation, la fréquentation reste en deçà du potentiel de ces œuvres cinématographiques.
Un nouveau tournant est pris le 6 décembre 1973 avec l’intégration du cinéma, pour la réédition de Blanche-Neige et les Sept Nains de Walt Disney, dans la combinaison de sorties au Grand Rex. Le Terminal Foch se consacre progressivement à l’exploitation des productions issues des studios Disney, parfois en exclusivité mais la plupart du temps en différé après la salle de l’Ermitage sur les Champs-Elysées. Les jeunes spectateurs peuvent découvrir ou redécouvrir Mélodie du Sud (1946) de Wilfred Jackson et Harve Foster à partir du 20 mars 1974, Les 101 Dalmatiens (1961) le 25 septembre 1974, Robin des Bois le 20 novembre 1974, Pinocchio (1940) le 10 décembre 1975 ou Merlin l’Enchanteur (1963) le 17 mars 1976. Les entrées ne décollent pas, les spectateurs préférant se rendre au cinéma La Royale qui affiche également les prolongations du studio d’animation.
Ci-dessus: le documentaire animalier Merveilles de la nature (1975) des studios Disney.
Déserté par un public qui ne se déplace pas voir un film dans les souterrains de l’Etoile, le Terminal Foch baisse son rideau le dimanche 14 juin 1976 après une ultime projection du western produit par Disney Un petit Indien de Bernard McEveety avec, parmi ses jeunes interprètes, Jodie Foster. L’expérience cinématographique de la salle intégrée à un centre commercial et à une station de métro n’aura duré que six petites années.
Texte: Thierry Béné.
Documents: La Technique cinématographique, Le Film français, Cinémonde et France-Soir.
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