Adresse: 7 rue Castelnau d’Auros à Bordeaux (Gironde)
Nombre de salles: 1 puis 5 (Ariel)
Aujourd’hui UGC Ciné-Cité Gambetta.
En 1896, un hôtel particulier se situant à l’angle des rues Judaïque et Castelnau-d’Auros est transformé en cirque. Il arbore successivement les enseignes Cirque Olympique, puis Cirque Français. En 1907, l’établissement est transformé en théâtre, l’Apollo-Théâtre.
Greta Garbo dans Mata Hari inaugure l’Apollo.
C’est grâce à Léon Siritzky, important exploitant de cinémas de l’avant-guerre, que le cinéma s’installe à l’Apollo, à l’heure ou le film parlant débarque en Europe.
L’Apollo-Cinéma est ainsi inauguré le 15 octobre 1932. Le journaliste Gérard Coumau évoque ce nouvel établissement dans la revue La Cinématographie Française du 22 octobre 1932 : « L’Apollo est une très belle salle de 1 500 places qui vient d’être complètement refaite par M. Chevenal Architecte. Cette salle, transformée entièrement en salle moderne, est spacieuse avec de nombreux dégagements et promenoirs. »
Ci-dessus: le théâtre Apollo, avant sa transformation.
Ci-dessus: inauguration du cinéma Apollo le 15 octobre 1932.
Le journal poursuit sa visite du cinéma : « La décoration est d’un goût très sûr : conçue dans une tonalité de bleu et d’or auxquels se mélange l’argent, d’une manière très heureuse. Les anciens balcons subsistent, mais ont été aménagés de manière à ce que la visibilité soit parfaite de toutes les places. Les fauteuils sont confortables et dans le ton de la salle. La cabine de projection, complètement indépendante, a été munie de deux appareils « Western Electric ». La scène, parfaitement outillée, a été dotée d’un écran géant comme au Paramount de Paris ; un double rideau de velours bleu et lamé argent le sépare de la salle. Un personnel mixte, parfaitement stylé, assure le service avec beaucoup de correction et de complaisance ».
Ci-dessus: annonce de l’ouverture le 15 octobre 1932.
Ci-dessus: programme de l’Apollo en 1932.
Un grand gala d’inauguration est organisé le 15 octobre 1932 en présence de Léon Siritzky, d’Allan Byre, directeur général de la Metro-Goldwyn-Mayer – dont les productions seront programmées à l’Apollo -, et différents professionnels, dont un certain Émile Couzinet, exploitant local, producteur et réalisateur. Les représentants de la presse régionale sont également invités et relaient l’événement dans leurs quotidiens.
Le programme inaugural, composé des Actualités Françaises Paramount suivies du cartoon La Première leçon de Tennis, intègre le court-métrage Adémaï et la Nation armée (Jean de Marguenat) dans lequel Noël-Noël incarne pour la première fois son célèbre personnage. Après l’entracte, la M.G.M. présente le film d’espionnage Mata Hari (George Fitzmaurice) avec Greta Garbo et Ramon Novarro, projeté dans sa version doublée.
Le spectacle est permanent de 13h30 à minuit, l’ensemble des services est gratuit. Dans son ouvrage Ecrans magiques (Le Festin, 2005), l’auteur Roland Castelnau évoque le personnel de l’Apollo en 1932 : « Les ouvreuses étaient chargées d’accompagner et de placer le spectateur à son fauteuil. Leur uniforme seyant se composait d’une jupe noire serrée très au-dessous du genou. Une jaquette courte bleu tendre à boutons dorés laissait voir un chemisier blanc à col cassé, agrémenté d’un nœud papillon noir. Bas clairs et souliers noirs à talons, leur tenue demeurait la même suivant les saisons… comme leur sourire ! »
Ci-dessus: Les Lumière de la ville (Charlie Chaplin) à partir du 31 octobre 1932.
Ci-dessus: Je suis un évadé (Mervyn LeRoy) le 14 avril 1933 en version originale.
Ci-dessus: décoration du hall pour la sortie de Je suis un évadé (Mervyn LeRoy).
Parmi les premiers films projetés à l’Apollo, citons Les Lumières de la ville (Charlie Chaplin) à partir du 31 octobre 1932, Fanny (Marcel Pagnol) le 11 novembre 1932 pour 4 semaines, Frankenstein (James Whale) la semaine du 3 février 1933, Tarzan, l’homme singe (W. S. Van Dyke) le 3 mars 1933 pour 15 jours, la version sonorisée de Ben-Hur (Fred Niblo, 1925) le 28 avril 1933 ou bien Grand Hotel (Edmund Goulding) le 19 septembre 1933.
Ci-dessus: Kaspa, fils de la brousse (H. Bruce Humberstone et Max Marcin) à partir du 8 septembre 1933.
En septembre 1933, la direction de l’Apollo, du Français et du Capitole – les trois salles bordelaises du circuit Siritzky – informe son public qu’aucun des films programmés dans les trois salles ne pourra être présenté dans un cinéma bordelais et des environs avant de nombreux mois. Une façon de renforcer la notion d’exclusivité des salles Siritzky.
Durant le mois de février 1934, la direction des trois salles conclut un accord avec le circuit Pathé-Natan afin de pouvoir bénéficier des films de la firme au coq. Les productions Pathé sont ainsi proposées en tandem avec le Femina-Pathé : La Bataille (Nicolas Farkas et Victor Tourjansky), l’excellent Ces Messieurs de la Santé (Pierre Colombier) avec Raimu le 28 septembre 1934, Le Bonheur (Marcel L’Herbier) le 1er novembre 1935 ou bien Justin de Marseille (Maurice Tourneur) le 22 novembre 1935.
Ci-dessus: décoration du hall pour la sortie de L’Impératrice rouge (Josef von Sternberg) le 19 octobre 1934.
Alors que pour l’année 1935 enregistre à Bordeaux une baisse importante des recettes d’exploitation, Le Français et l’Apollo obtiennent des gains records. Cette hausse provient essentiellement des grandes productions qui bénéficient d’un lancement exceptionnel et d’une programmation sur deux ou trois semaines consécutives, à l’instar des Trois Lanciers du Bengale (Henry Hathaway) en exclusivité à l’Apollo à partir du 29 mars 1935 pour 3 semaines.
La seconde partie des années 1930 connaît l’essor du circuit de Léon Siritzky grâce aux rachats de fonds de commerce ou aux gérances de grandes salles. En 1934, le réseau possède 11 salles en province. Deux ans plus tard, 18 salles provinciales font partie des établissements Siritzky. L’Apollo de Bordeaux devient l’une des salles françaises les plus rentables avec Les Variétés à Toulouse.
En 1936, Léon Siritzky prend en gérance sa première salle d’exclusivité parisienne, le Max Linder suivie, dans la foulée, du Marivaux, une des grandes salles d’exclusivité de la capitale. Suivent l’acquisition sur les Champs-Élysées du Biarritz et des Portiques. Et tant d’autres.
Ci-dessus: Les Temps modernes (Charlie Chaplin) à partir du 21 mars 1936.
Ci-dessus: Capitaine Blood (Michael Curtiz) le 26 mars 1936
Le dynamisme et la modernité du circuit Siritzky permettent d’accéder à de grands films porteurs. Ainsi, l’Apollo permet au bordelais de découvrir César (Marcel Pagnol) à partir du 25 décembre 1936 pour 4 semaines, Pépé le Moko (Julien Duvivier) le 9 avril 1937, Regain (Marcel Pagnol) le 3 décembre 1937, Les Rois du sport (Pierre Colombier) le 31 décembre 1937, La Femme du Boulanger (Marcel Pagnol) le 26 octobre 1938 ou bien La Bête humaine (Jean Renoir) le 24 mai 1939.
Ci-dessus: César (Marcel Pagnol) à partir du 24 décembre 1936 pour un mois.
Ci-dessus: Pépé le Moko (Julien Duvivier) à partir du 9 avril 1937.
Ci-dessus: démonstration de films en relief à l’Apollo en 1936.
Ci-dessus: décoration du hall pour la sortie de Regain (Marcel Pagnol) le 3 décembre 1937.
Ci-dessus: décoration du hall pour la sortie du Schpountz (Marcel Pagnol) le 27 avril 1938.
Ci-dessus: Barnabé (Alexander Esway) le 5 octobre 1938.
Ci-dessus: façade Les Nouveaux riches (André Berthomieu) la semaine du 19 octobre 1938.
Quand la guerre éclate, Vous seule que j’aime (Henri Frescourt) avec Reda Caire est à l’affiche de l’Apollo. Son exploitation ne s’interrompt pas pour autant, l’Apollo proposant principalement des double-programmes en attendant que de nouvelles productions soient distribuées comme Fric-Frac (Maurice Lehmann) à partir du 27 décembre 1939 ou bien l’énorme succès Narcisse (Ayres d’Aguiar) le 6 mars 1940.
L’Apollo sous l’Occupation.
Alfred Greven organise une véritable spoliation des salles de cinémas détenus par des Juifs. Serge Siritzky dans son ouvrage Le cinéma était leur pays (Éditions Vérone, 2024), revient sur la spoliation dont fut victime son grand-père Léon. Les salles de Bordeaux – l’Apollo, Le Français et le Capitole – sont intégrées à la Société de Gestion et d’Exploitation de Cinéma (S.O.G.E.C.), une société aux capitaux allemands
Réquisitionné par les Allemands le 24 juillet 1940, Le Français présente ses excuses auprès du public et l’invite à se rendre à l’Apollo. Cette dernière devient provisoirement Le Français-Apollo, ses programmes étant composés de reprises de films déjà diffusés en première vision à Bordeaux.
Ci-dessus: Narcisse (Ayres d’Aguiar) à partir du 10 avril 1940.
Ci-dessus: programme commun des deux salles du circuit Siritzky (1938).
Après la semaine du 16 octobre 1940 au cours de laquelle est programmé le film de propagande Campagne de Pologne, l’Apollo est à son tour réquisitionné et fonctionne jusqu’au 27 juin 1941 en Soldatenkino, exclusivement réservé aux soldats allemands et leurs invités. Durant cette période, la salle présente ponctuellement le dimanche matin des spectacles cinématographiques sur L’Allemagne d’aujourd’hui qui, selon le corporatif de propagande Le Film, rencontrerait un grand succès.
L’exploitation traditionnelle reprend le samedi 28 juin 1941, sous la direction de Pierre Coulon avec notamment le film de propagande antisémite Le Juif Süss (Veit Harlan). Une projection privée y est organisée le jeudi précédent, à 17 heures, « représentation à laquelle assistait MM Alype, Préfet de la Gironde, M. Caussade, représentant M. Marquet, Maire de Bordeaux, de nombreuses personnalités de la ville et des autorités d’Occupation, ainsi que les membres de la presse » comme le relate Le Film. La projection est suivie d’une réception au bar du cinéma.
Ci-dessus: annonce de la nouvelle enseigne Le Français-Apollo le 24 juillet 1940.
Ci-dessus: Le Juif Süss (Veit Harlan) à l’affiche le 28 juin 1941.
Le lancement bordelais du Juif Süss est assuré à grand renfort de publicité, la direction de son distributeur A.C.E. (Alliance Cinématographique Européenne) s’y déplaçant pour l’événement. Si l’Apollo est rendu à l’exploitation traditionnelle, le Femina et le Luxor le remplacent en Soldatenkino.
En août 1941, suite au départ de Pierre Coulon, M. Danlanc, qui a dirigé le Femina-Pathé de Bordeaux, le remplace. L’Apollo affiche des productions françaises – dont celles de la Continental Films – ou allemandes, distribuées par l’A.C.E. ou par la Tobis. Parmi celles-ci, Premier rendez-vous (Henri Decoin) à partir du 1er octobre 1941 pour 15 jours, L’Assassinat du Père-Noël (Christian-Jaque) avec Harry Baur le 5 novembre 1941 ou Marie Stuart (Carl Froelich) le 18 mars 1942.
Suivent L’Assassin habite au 21 (Henri-Georges Clouzot) le 2 septembre 1942 pour 4 semaines, La Main du Diable (Maurice Tourneur) le 26 mai 1943 pour 3 semaines ou encore Le Corbeau (Clouzot) le 29 septembre 1943 pour 3 semaines.
René Terrisse, dans son ouvrage Bordeaux 1940-1944 (Éditions Perrin, 1993), rappelle que « le 17 janvier 1943, mille deux cents personnes assistent au cinéma Apollo à la projection de deux films : La Marche du Führer et Les Dieux du Stade, avec une courte allocution de Jean Brau, chef national adjoint des Jeunes de l’Europe nouvelle ». Il précise : « Devant le succès de cette manifestation, la même représentation est effectuée, quinze jours plus tard, au cinéma Rialto de Libourne, devant quatre cents personnes ».
Dès début du mois de novembre 1943, les trois grandes salles de première vision de Bordeaux, l’Olympia (S.N.E.G.), l’Apollo et le Capitole (toutes deux salles de la S.O.G.E.C.) concluent un accord de publicité qui prévoit une seule affiche-annonce pour leurs programmes respectifs ainsi que des panneaux publicitaires communs. Un mois plus tard, M. Maillet, auparavant directeur du prestigieux Normandie les Champs-Élysées, est nommé à la direction des trois salles bordelaises de la S.O.G.E.C., l’Apollo, le Français et le Capitole.
Les Aventures fantastiques du baron Münchhausen, réalisé par Josef Von Baky, arrive sur les écrans bordelais le 24 mai 1944, soit quatre mois après son exclusivité au Normandie de Paris. La S.O.G.E.C. programme ce film tourné en Agfacolor dans deux de ses cinémas : l’Apollo et la Capitole. Il y reste respectivement trois et une semaine à l’affiche. Malgré des conditions d’exploitations compliquées – restrictions de l’électricité, couvre-feu à 22 heures, séances en soirées deux ou trois jours par semaine – le film connaît un triomphe.
La période de l’Occupation est marquée par la conduite héroïque du directeur du Capitole, Pierre Carton, et du jeune sous-directeur de l’Apollo, Charles Lalanne, résistant au sein du réseau Mithridate Alouette.
La revue La Voix du cinéma, organe corporatif de la Cinématographie du Sud-Ouest, rend hommage à ses deux valeureux résistants dans leur première édition, le 20 décembre 1945 : « Lalanne, à la suite d’une dénonciation, fut livré à la police Allemande (…) Sous les tortures de la Gestapo, il fut stoïque : jamais le nom d’un Camarade ne s’échappa de ses lèvres ». Charles Lalanne et Pierre Carton furent déportés. Charles Lalanne mourut du typhus en Suède, « après avoir connu la délivrance grâce à une évasion sensationnelle ». Pierre Carton mourut au camp de camp de concentration Neuengamme en avril 1945. Le Comité du cinéma Français leur rend hommage le 22 juin 1945.
Les lendemains de guerre.
Au lendemain de la Libération, les salles de la S.O.G.EC. rentrent dans le giron de l’État, constituant ainsi un important circuit nationalisé. En 1945, l’Apollo offre au public en intermède un spectacle de scène se composant de deux attractions. L’orchestre de Guy Destanque s’y produit à chaque séance ; cette formule rencontrant un très important succès si bien que les spectateurs peinent à trouver des places pour la reprise des Aventures de Robin des Bois que l’Apollo propose en tandem avec le Français.
De nombreuses restrictions d’électricité entravent l’exploitation en ce mois décembre 1945. Les matinées permanentes sont supprimées, sauf le dimanche, laissant la place à seulement deux séances quotidiennes : 14 heures et 20h 30. Par ailleurs, l’exploitation en tandem pose question aux professionnels. Ainsi, Les Caves du Majestic (Richard Pottier) sort pour les fêtes de Noël 1945 à la fois à l’Apollo et au Capitole. Si l’Apollo ne s’en sort pas trop mal avec 12 886 entrées, le Capitole peine à réunir 5 000 spectateurs pour cette adaptation de Simenon.
Le 20 février 1946, un accord est signé entre la S.O.G.E.C. et Émile Couzinet, propriétaire d’un important circuit de salles dans le sud-ouest, qui prévoit la programmation centralisée des salles du circuit Couzinet – à Bordeaux : le Rex, le Gallia, le Luxor, l’Intendance et le Coméac – avec celles de la S.O.G.E.C : Le Français, l’Apollo et le Capitole.
L’Apollo propose ainsi des films en tandem avec Le Français dont, parmi eux : Sergent York (Howard Hawks) la semaine du 2 janvier 1946, Le Capitan (Robert Vernay) à partir du 20 mars 1946 ou bien Les Chouans (Henri Calef), le 2 avril 1947.
L’année 1946, l’Apollo enregistre 608 948 spectateurs. S’il est devant le Capitole (411 719 entrées la même année), il se positionne à la quatrième place derrière l’Olympia (Gaumont) qui comptabilise 941 481 spectateurs, Le Français (743 478) et le Femina (641 725).
Le plus gros succès d’après-guerre à l’Apollo est la comédie de Pierre Chenal, Clochemerle, qui tient l’affiche quatre semaines en juin 1948 et dépasse les 57 000 entrées. L’Apollo n’avait pas connu une telle affluence depuis Fanny et César, sortis avant guerre.
L’Union Générale Cinématographique (U.G.C.) nouvelle dénomination de la S.O.G.E.C. dès le 25 septembre 1946, reste un circuit d’État. Ce sont surtout des productions américaines qui sont programmées à l’Apollo comme Assurance sur la mort (Billy Wilder) le 16 octobre 1946, L’Intrigante de Saratoga (Sam Wood) le 26 février 1947, Les Tueurs (Robert Siodmak) le 21 janvier 1948, Le Massacre de Fort Apache (John Ford) le 1er septembre 1948, Les Naufrageurs des mers du Sud (Cecil B. DeMille) le 30 mars 1949 ou bien Les Conquérants d’un nouveau monde, du même réalisateur, le 20 septembre 1950.
Ci-dessus: façade avec Les Conquérants d’un nouveau monde (Cecil B. DeMille) le 20 septembre 1950.
Claude Bonnard, qui dirigeait jusqu’en 1949 le cinéma Intendance de Bordeaux, est nommé directeur de l’Apollo en 1950. Au même moment, la capitale girondine connaît une baisse considérable de la fréquentation. Du fait d’une augmentation régulière du prix des places, la chute des recettes est moins prononcée que celle des entrées. En 1946, l’Apollo enregistre 608 948 entrées, en 1949 il tombe à 385 639 entrées. Deux ans plus tard, en 1951, il atteint 307 770 entrées.
Dans ce contexte d’érosion de la fréquentation de la première moitié des années 1950, les circuits réagissent en entreprenant la rénovation de leur parc de salles. À Bordeaux, l’Olympia est restructuré, tandis qu’à Paris, ce sont le Colisée, le Gaumont Palace ou bien de l’Olympia qui subissent des transformations.
Constatant que l’Apollo ne répond plus aux attentes des spectateurs, comme sa quadruple galerie circulaire qui donne un aspect suranné à la salle, la S.O.G.E.C. décide de le transformer : sa destruction et sa reconstruction sont ainsi décidées. Quatre mois de travaux seront nécessaires pour que la salle reconstruite devienne un des fleurons de la S.O.G.E.C.
Fanfan la Tulipe (Christian-Jaque), qui y sort le 23 avril 1952 et qui enregistre 35 671 entrées en 3 semaines, est le dernier film programmé dans l’ancienne version de la salle.
L’Apollo devient le Rio.
Le 28 octobre 1952, le nouveau cinéma construit à la place de l’Apollo est inauguré. Il arbore désormais l’enseigne le Rio et peut accueillir 1 750 spectateurs. Sa conception est l’œuvre d’un duo d’architectes, le prolifique Georges Peynet dont le cabinet est à Paris et le bordelais Raoul Jourde.
Ci-dessus: démolition de l’ancien Apollo.
Ci-dessus: la salle du Rio en octobre 1952.
La Cinématographe française dans son édition du 17 janvier 1953 évoque le nouveau cinéma : « La salle épouse une forme trapézoïdale avec un seul balcon reposant sur une ossature en ciment d’une seule portée de 22 mètres. Un foyer a été aménagé au premier étage. Le hall d’entrée sur la rue Judaïque a été remarquablement aménagé sur 5 mètres de large. L’ensemble formé par les sols, les murs, le balcon et les plafonds est d’un tracé homogène, ne comportant que des lignes courbes à grands rayons. La suspension souple du plafond, ainsi que la pose du staff, ont été résolues par un procédé d’haubannage d’une conception hardie en une suite de larges ondulations, appuyées sur une corniche lumineuse qui rejoint le cadre de scène, garni d’un haut et large rideau en soie de verre plissée de teinte jaune or ».
Ci-dessus: le foyer de l’orchestre avec au fond l’escalier menant au balcon.
Ci-dessus: foyer au niveau du balcon.
Ci-dessus: foyer au niveau du balcon.
Ci-dessus: la salle en 1952.
Ci-dessus: la salle en 1952.
Ci-dessus: plans de coupe en 1952.
La revue poursuit sur l’aménagement du Rio : « Les parois verticales, en saillis légères, donnent, grâce au jeu d’éclairage, une impression d’ondulation. Elles sont en tissu d’amiante en deux tons orange et rouille ; reposant sur un soubassement de moquette feuille morte appliquée sur tout le pourtour, y compris les portes. La totalité du sol (salle, escaliers et dégagements) est recouverte de moquette ou d’un tapis en matière plastique. Les sièges sont recouverts de velours rose foncé, aux dossiers et accoudoirs vert lumière ».
C’est le film d’André Cayatte Nous sommes tous des assassins qui inaugure le Rio qui accueille 18 164 spectateurs lors de sa première semaine.
Constituant désormais une salle moderne et confortable, le Rio accède à des films plus porteurs à l’instar de La Minute de vérité (Jean Delannoy) le 5 novembre 1952, L’Homme au masque de cire (André de Toth) présenté en relief à partir du 28 octobre 1953, la superproduction Metro-Goldwyn-Mayer Quo Vadis (Mervyn LeRoy) le 27 janvier 1954, Touchez pas au grisbi (Jean Becker) le 21 avril 1954, Sur les quais (Elia Kazan) le 2 février 1955 ou bien Don Juan (John Berry) avec Fernandel le 16 mai 1956.
Ci-dessus : la façade en 1953 avec L’Affaire de Trinidad (Vincent Sherman).
Ci-dessus: Sous le plus grand chapiteau du monde (Cecil B. DeMille) à partir du 1er avril 1953.
Ci-dessus: Hélène de Troie (Robert Wise) le 8 février 1956.
La semaine du 10 octobre 1956, avec la première semaine de Gervaise (René Clément), le Rio atteint la recette record de plus de 4 millions de Francs pour 13 335 entrées, somme qui n’avait pas été atteinte depuis longtemps par un film à Bordeaux. En trois semaines au Rio, Gervaise enregistre 24 516 entrées.
A partir du 8 octobre 1957, en réponse aux attentes des exploitants, une hausse du prix est mise en place dans tous les cinémas de Bordeaux. Le spectateur doit alors débourser au Rio la somme de 330 frs en mezzanine (200 frs à l’orchestre et 250 frs au balcon). Si les spectateurs manifestent leur mécontentement, les recettes des exploitants augmentent.
Mais les salles de première vision de Bordeaux connaissent à cette époque des difficultés : les spectateurs fréquentent davantage les salles de quartier qui sont de mieux en mieux équipées et qui proposent les films deux mois seulement après leurs premières visions. Le tout au tarif de 120 frs.
Les exploitants des salles d’exclusivité tentent désormais de ne sélectionner que des films de qualité et d’assurer leur lancement. C’est le film d’André Cayatte Œil pour œil qui inaugure au Rio ces nouveaux tarifs.
Le Tour du monde en quatre-vingts jours (Michael Anderson) sort en tandem au Rio et au Club le 25 décembre 1957. Le Rio est retenu – avec le Mondial – pour la sortie bordelaise du film de la Columbia Le Pont de la rivière Kwaï (David Lean) le 19 février 1958. La Paramount choisit également le Rio pour la sortie de la superproduction de Cecil B. DeMille, Les Dix Commandements le 24 septembre 1958.
Ci-dessus: vue de la salle en 1959.
Ci-dessus: vue de la salle en 1959.
Ci-dessus: le foyer en mezzanine en 1959.
Ci-dessus: La Fille Rosemarie (Rolf Thiele) en 1959.
Les succès s’enchainent au Rio : Les Grandes familles (Denys de la Patellière) le 31 décembre 1958 (31 965 entrées en 3 semaines), Babette s’en va en guerre (Christian-Jaque) le 21 octobre 1959 ou bien Plein Soleil (René Clément) le 27 avril 1960.
Le 16 mars 1960, les principales salles d’exclusivité de Bordeaux (Rio, Français, Club, Olympia, Mondial, Marivaux, Femina et Trianon) adoptent une nouvelle formule d’exploitation : le permanent de 14 heures à minuit, là où auparavant les séances étaient distinctes.
Le film passe désormais quatre fois par jour et 28 fois par semaine. Ce changement a pour objectif de contenir la baisse drastique de fréquentation en proposant au spectateur d’entrer quand il le veut dans ces cinémas, même lorsque le film est commencé. Au Rio, c’est Une Fille pour l’été réalisé par Édouard Molinaro avec Pascale Petit et Micheline Presle qui inaugure cette formule.
Le vendredi 1er décembre 1961, le Rio accueille en première mondiale le film de Léonide Moguy, Les Hommes veulent vivre. Un cocktail est organisé dans le bar de la salle en compagnie du réalisateur ainsi que des acteurs Yves Massard et Jacqueline Huet – future speakerine à l’ORTF. La soirée de gala au Rio a lieu en présence des personnalités civiles et militaires de la ville. Le Film français commente l’événement : « cette soirée fut agrémentée de charmants mannequins parés de fourrures et de bijoux, œuvres d’artisans Bordelais ».
La projection est précédée de la présentation du film par son réalisateur et ses interprètes qui répondent aux questions du public, en particulier sur les conditions de tournage à Bordeaux. D’autres grands films sont à l’affiche : Spartacus (Stanley Kubrick) y est exploité en 70 mm à partir du 10 janvier 1962 tout comme La Fayette (Jean Dréville) à partir du 14 mars 1962.
La 20th Century Fox choisit le Rio – ainsi que le Mondial – pour la sortie bordelaise du très attendu Le Jour le plus long, une production de Darryl F. Zanuck réalisée par Ken Annakin, Andrew Marton et Bernhard Wicki, à l’affiche à partir du 31 octobre 1962.
Après une grande première parisienne à Chaillot, au cours de laquelle Édith Piaf chanta depuis le premier étage de la tour Eiffel, la Fox organise des premières à travers les grandes villes de province et en présence des autorités locales. À Bordeaux, c’est sous le patronage de la Société Mutualiste des Journalistes Girondins et de son président Henri Amouroux et aux côtés du directeur du Rio René Godail, que la première a lieu, en présence du Préfet, M. Marc Fonade, représentant M. Chaban-Delmas, le président du Conseil Général et de diverses autorités militaires, religieuses et civiles.
Pour accéder à la salle, comme le relate Le Film français du 9 novembre 1962, le public, « devait passer sous une voûte de drapeaux Américains, Anglais, Hollandais, Français, Canadiens, Norvégiens, Danois, Belges dans un couloir dont les coins étaient ornés de fortins, de sacs de sable, pour accéder au vestibule sur lequel s’étalaient les corolles blanches des parachutes. Des soldats en tenue de combat, occupaient les casemates et un détachement des trois armes, en tenue de parade, faisait une haie d’honneur ». Ce gala, largement relayé par la presse locale constitue un lancement efficace. 49 193 Bordelais se ruent au Rio durant cinq semaines, pour découvrir Le Jour le plus long.
Ci-dessus: Le Diable et les Dix Commandements (Julien Duvivier) le 16 Janvier 1963.
Dès 1963, les salles de quartier de Bordeaux, situées sur les barrières principalement, perdent leur public au profit des salles d’exclusivité du centre-ville. L’année 1965 connaît ainsi la fermeture de neuf salles : le Nansouty, l’Odéon, le Vox, le Rialto, le Tivoli, le Royal, le Lido ainsi que les salles municipales de Claveau et de Saint-Augustin.
Le Rio reste un cinéma très attractif comme en témoignent les 51 565 entrées enregistrées pour La Grande Évasion (John Sturges) à partir 9 octobre 1963. D’autres succès sont au rendez-vous : L’Homme de Rio (Philippe de Broca) le 8 avril 1964, Cent Mille Dollars au soleil (Henri Verneuil) le 29 avril 1964 ou bien Goldfinger (Guy Hamilton) le 3 mars 1965.
L’ère des complexes puis des multiplexes.
Les cinémas de grande capacité connaissent, dès le milieu des années 1960, un taux d’occupation des fauteuils à la baisse, remettant en question leur modèle économique. Grâce à des sorties exclusives, le Rio se distingue avec des films comme Opération Tonnerre (Terence Young) le 22 décembre 1965, Un Homme et une femme (Claude Lelouch) le 15 juin 1966, Paris brûle-t-il ? (René Clément) le 9 novembre 1966 – en tandem avec le Femina -, Le Gendarme se marie (Jean Girault) le 18 décembre 1968, Il était une fois dans l’Ouest (Sergio Leone) le 8 octobre 1969 ou bien Borsalino (Jacques Deray) le 1er avril 1970 en tandem avec Le Français.
Ci-dessus: Paris brûle-t-il ? (René Clément) à partir du 9 novembre 1966.
Ci-dessus: La Nuit des généraux (Anatole Litvak) à partir du 10 mai 1967.
Ci-dessus: L’Assassinat de Trotsky (Joseph Losey) le dernier film projeté au Rio.
Dans un contexte de baisse de fréquentation et de mutation du parc des salles en complexes, le Rio n’est plus adapté. Roger Larriaga, représentant le groupe UGC pour le Sud-Ouest annonce dans la presse professionnelle la fermeture du Rio le 25 avril 1972, après une ultime projection du film de Joseph Losey, L’Assassinat de Trotsky.
L’espace occupé par le Rio reste cependant un cinéma puisqu’après démolition, UGC ouvre sur le même emplacement Les 5 Ariel. L’architecte Pierre Thévenon créé un complexe de cinq salles de 700, 400, 200, 200 et 100 fauteuils.
Sur le site, une galerie marchande accueille des magasins, une cafétéria et un pub. Une sixième salle de 100 places est inaugurée le 20 septembre 1973.
En acquérant un immeuble mitoyen en 1994, le circuit UGC installe à l’adresse de l’Apollo le multiplexe UGC Ciné-Cité Bordeaux.
Texte: Thierry Béné.
Documents: Le Film français, La Cinématographie française, Le Film, Gallica-BnF, Archives départementales 33.
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