Adresse: 28 rue de la République à Rouen (Seine-Maritime)
Nombre de salles: 8
Carte d’abonnement CinéPass Pathé-Gaumont acceptée
Au sortir de la dernière guerre, à l’heure de la reconstruction de Rouen, une nouvelle salle de cinéma sort de terre. Déclenché par les troupes allemandes qui interdisent l’intervention des pompiers, le grand incendie du 9 juin 1940 au cours duquel la ville brûle durant une semaine et les différentes vagues de bombardements ravagent considérablement la cité normande. La luxueuse salle de l’Alhambra avec son style Art nouveau, reprise en 1910 par la société Omnia et exploitée sous l’enseigne Omnia-Pathé, est détruite par les obus. Ce qui reste de la salle de cinéma est entièrement rasé.
Jean Dalloz, président directeur général de la société Omnia, confie aux architectes Maurice Gridaine et André Robinne le soin d’édifier, quasiment au même endroit, un nouveau cinéma avec comme vocation de devenir le plus grand et le plus luxueux de la région. Maurice Gridaine est, entre autres, connu pour ses réalisations de l’ancien Palais des Festivals à Cannes ainsi que des cinémas parisiens Scala et Berlitz.
L’Omnia, le grand cinéma de Rouen avec une salle de 1 600 fauteuils.
La Cinématographie française du 17 janvier 1953 commente l’ouverture de ce nouveau palace : « L’Omnia s’ouvre sur une magnifique verrière de douze mètres carrés de façade, devant un hall de conception architecturale et esthétique impressionnante avec sa constellation lumineuse de hublots animant un groupe de fresques attrayantes ». La revue détaille ensuite les caractéristiques de la salle : « La salle, aux proportions harmonieuses, renferme 1600 fauteuils Ciné-Sièges, type Pullman à doubles accoudoirs et dont la distribution rationnelle assure une vision totale à toutes les places ». La climatisation de la salle, commodité peu courante pour le public des années 1950, est un des éléments appréciés des spectateurs.
Ci-dessus: la salle de l’Omnia en 1952 (Collection particulière).
Ci-dessus: vue depuis le balcon.
Ci-dessus: vue depuis la scène.
Ci-dessus: cabine de projection.
L’accent est également mis sur la décoration intérieure, évoquée dans ce même article : « La richesse des coloris, dont les gammes s’étendent avec bonheur du grenat au rose sur un fond de décor gris, est discrètement soulignée par de savants jeux de lumière. Ceux-ci renforcent l’effet artistique des oppositions de teintes entre les verts et gris alternés des fauteuils et l’ampleur du cadre aux dominantes violines. Le saisissant rideau de scène gris tourterelle, avec ses déploiements latéraux enveloppants, apporte une note d’une rare élégance à cet ensemble si bien équilibré. Le sol est recouvert de tapis-moquette Chevallier, aux tons assortis et le plafond, orné d’une immense fresque, exécutée par le décorateur Robert Lecoq, évoque les Muses de la Musique et de la Danse ».
Enfin la revue détaille les caractéristiques techniques de la salle : « L’acoustique a été étudiée par M. Gridaine qui a repris les données ayant fait le succès de ses réalisations du Palais du Festival de Cannes. Afin de garder aux sons, paroles et musiques, toutes leurs valeurs, disons « brillance », la correction par absorption a été évitée et l’épure acoustique déterminée par la forme des parois et leur orientation. De plus le plafond plat a été incliné vers l’écran d’un certain angle assurant une audition parfaite à tous les spectateurs ».
Une des particularités de l’Omnia est l’emplacement de la cabine de projection : incorporée dans le balcon de la salle et développée dans la seconde moitié des années 1950 afin de « satisfaire ainsi aux conditions idéales de projection, dont l’axe rigoureusement horizontal permet d’éliminer toutes distorsions optiques et donne aux images le maximum d’éclat et de nuances ». Equipée par Philips, la cabine est conçue pour la mise en œuvre de diverses technologies à venir, telles que la projection sur grand écran – qui va progressivement s’imposer en France – ainsi qu’un système de télévision projetée.
Grâce à l’importance de sa scène – 12 mètres de large sur 10 de profondeur – l’Omnia accueille les tournées d’artistes, ce qui participera à la renommée de la salle. La scène est ainsi équipée « d’une machinerie perfectionnée qui permet toutes représentations théâtrale, musicale, récitals de musique, de danse, etc. Pour ces spectacles Philips a installé un système de renforcing de scène comprenant plusieurs microphones « Hypercardioïde », amplificateur « Haute-Fidélité » alimentant un nouveau système de haut-parleurs faisant l’objet d’une technique toute récente. Un rideau de fer articulé de 12 tonnes, isole totalement la scène ».
Pour son lancement en 1952, Micheline Presle inaugure l’Omnia.
A partir du 18 décembre 1952, sous la direction de Mme et M. Fauroux, l’Omnia entame son prestigieux règne. Lors des galas d’ouverture, les spectateurs découvrent La Minute de vérité de Jean Delannoy avec Jean Gabin et Michèle Morgan ainsi que la superproduction en couleurs Violettes impériales de Richard Pottier avec Luis Mariano et Carmen Sevilla. La presse relate les témoignages des personnalités présentes qui vantent la qualité de la projection et du son. L’actrice Micheline Presle en personne inaugure ce nouveau temple du cinéma.
Parmi ses premiers programmes, l’Omnia affiche la semaine du 13 octobre 1953 Le Boulanger de Valorgues d’Henri Verneuil avec Fernandel qui attire 14 567 spectateurs, suivi des Compagnes de la nuit de Ralph Habib avec l’envoutante Françoise Arnoul et, pour les fêtes de fin d’année 1953, Quo vadis de Mervyn LeRoy avec Robert Taylor et Deborah Kerr (25 974 entrées).
Ci-dessus: La Minute de vérité de Jean Delannoy, le film d’ouverture de l’Omnia le 18 décembre 1952.
Ci-dessus: l’Omnia en 1953.
Ci-dessus: Quo vadis de Mervyn LeRoy pour les fêtes de fin d’année 1953.
1953, le CinemaScope débarque à l’Omnia.
A la pointe des nouvelles technologies, l’Omnia s’équipe rapidement du format CinemaScope avec un son stéréophonique à quatre pistes magnétiques. Le Film français, dans son numéro 500, commente l’événement : « Les proportions harmonieuses de cette salle de 1 600 places et ses caractéristiques acoustique ont été spécialement étudiées par l’architecte M. Gridaine, en vue d’appliquer les procédés de projection de standard large international 2,55 X 1 et la stéréophonie dans les meilleures conditions. La forme des parois, leur orientation, le plafond incliné et la cabine encastrée dans le balcon donnant une projection horizontale, sont autant d’élément qui concourent à une réussite totale d’exploitation. La scène de l’Omnia, conçue également pour les représentations théâtrales, s’est prêtée remarquablement bien à l’adoption du grand écran 2,55 x 1 dont les dimensions de 17,75 x 7,60 m sont supérieures à celles du Rex à Paris ».
La Tunique d’Henry Koster, présenté à partir du mardi 29 décembre 1953, attire 31 936 spectateurs en 17 jours d’exploitation. L’événement de l’année 1955 est le retour d’Autant en emporte le vent : alors que la première sortie fixée à des prix exorbitants a lieu deux ans plus tôt au Normandy de Rouen, l’Omnia s’assure la première vision de cette reprise à « prix normal des places », tout de même majorée de 50% du fait de la longueur du film. Le 28 septembre, l’Omnia programme ainsi le film de Victor Fleming au format panoramique comme l’impose contractuellement la Metro-Goldwyn-Mayer. 19 292 spectateurs viennent découvrir – ou redécouvrir – la fresque romanesque à l’Omnia.
Ci-dessus: La Tunique d’Henry Koster inaugure le CinemaScope à l’Omnia à partir du 29 décembre 1953.
Ci-dessus: Les Misérables de Jean-Paul Le Chanois le 5 mars 1958 pour la première époque et le 12 mars 1958 pour la seconde.
En 1955, la revue La Cinématographie française commente, région par région, les données relatives à l’exploitation cinématographique nationale. En ce qui concerne Rouen, la revue spécifie que « la ville reste sous-équipée, malgré une amélioration (7 grandes salles en 1952 : 6 500 fauteuils) et 1 500 000 spectateurs ». Grâce à son emplacement idéal, l’Omnia connait de nombreux succès, comme le film de Jean-Paul Le Chanois Les Misérables proposé en deux parties. Notons que pour sa sortie parisienne, Les Misérables était présenté en une seule séance avec un prix des places doublé. La première partie est proposée à l’Omnia la semaine du 5 mars 1958 et la seconde celle du 12 mars : 26 303 spectateurs viendront voir à l’Omnia les aventures de Cosette, Gavroche et Jean Valjean, incarné par Jean Gabin.
Six semaines après Paris, le film à scandale de l’année 1958 débarque à Rouen : réalisé par Louis Malle et interprété par Jeanne Moreau, Les Amants reçoit en cinq jours à l’Omnia 10 643 spectateurs qui se feront leur propre opinion sur la polémique. Suivent La Mort aux trousses d’Alfred Hitchcock le 18 novembre 1959 (9 285 entrées) et La Belle au bois dormant de Walt Disney le 23 décembre 1959 (10 193 entrées).
Durant les dix premières années de son activité, l’Omnia accueille sur sa scène les tournées de récitals ainsi que des représentations théâtrales et divers événements locaux. En 1960, alors que le cinéma Normandy de Rouen s’équipe du procédé Todd-AO, l’événement de cette année reste la soirée de gala de Normandie-Niémen donnée à l’Omnia le 30 mars en raison de la visite officielle à Rouen du dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev à Rouen.
En 1961, une étude de la revue Le Film français révèle les chiffres de fréquentation à Rouen : 1 637 000 spectateurs fréquentent les salles obscures cette année-là. La cité normande, avec une population de 123 474 habitants, compte dix cinémas en exploitation ce qui représente 7 355 fauteuils. L’Omnia s’assure la sortie rouennaise de Ben-Hur de William Wyler qui triomphe depuis un an à Paris au Gaumont Palace. Pour bénéficier du « plus grand film de toute l’histoire du cinéma », le contrat signé avec la Metro-Goldwyn-Mayer prévoit la sortie à l’Omnia de films à venir du studio, souvent des films mineurs aux recettes médiocres. En sortie exclusive à Rouen le 28 septembre 1961, Ben-Hur réunit 59 986 spectateurs en 9 semaines.
Ci-dessus: Ben-Hur de William Wyler à partir du 28 septembre 1961.
Dès 1962, la profession s’inquiète de la disparition de salles-clé de province. Jean-Charles Edeline, alors, président de la Fédération Nationale des Cinémas Français (F.N.C.F.) souligne que « ce ne sont plus les salles « marginales » de la petite exploitation qui sont en péril, mais les cinémas de la moyenne et de la grande Exploitation ». Ainsi, le Marivaux à Amiens, cinéma de première vision de 1 170 places est transformé en grande surface. De même un Prisunic est construit dans le volume du Majestic de Nevers (850 places). M. Albert Courtines fait part de son intention de reconvertir le Lilliac et le Bellevue, salles de première vision à Lille, et s’explique : « La raison, c’est la charge de 43% sur mes recettes ; 8,5% de taxe locale ; 22% de taxe sur les spectacles, droit de timbre et taxe additionnelle ». La rentabilité de ces cinémas devient alors de plus en plus aléatoire.
Dans ce contexte difficile pour les grandes salles de province, l’Omnia affiche néanmoins de beaux succès comme Le Comte de Monte-Cristo de Claude Autant-Lara avec Louis Jourdan présenté en province en deux époques (21 632 entrées), Le Cid d’Anthony Mann avec Charlton Heston le 19 mars 1962 (8 8505 entrées), Les Mystères de Paris d’André Hunebelle avec Jean Marais le 1er novembre 1962 (19 023 entrées), West Side Story de Jerome Robbins et Robert Wise le 31 janvier 1963 (28 440 entrées en 5 semaines), Le Glaive et la Balance d’André Cayatte le 16 avril 1963 (10 436 entrées), Mélodie en sous-sol d’Henri Verneuil le 30 mai 1963 (10 372 entrées), La Grande évasion de John Sturges avec Steve McQueen le 15 octobre 1963 (42 973 entrées en 4 semaines), Lawrence d’Arabie de David Lean le 4 décembre 1963 (24 221 entrées en 3 semaines) ; La Conquête de l’Ouest de Henry Hathaway, John Ford et George Marshall le 4 novembre 1964 (16 002 entrées en 3 semaines) ou encore Le Corniaud de Gérard Oury le 7 avril 1965 (72 537 entrées en 7 semaines).
Ci-dessus: La Ciociara de Mauro Bologni le 11 septembre 1961.
Ci-dessus: Le Corniaud de Gérard Oury le 31 mars 1965.
Ci-dessus: Johnny Halliday sur la scène de l’Omnia le 12 novembre 1963.
Durant cette première moitié des années 1960, l’Omnia accueille sur sa scène de nombreux spectacles comme le récital de Georges Brassens le 1er mars 1960, celui de Gloria Lasso le 14 octobre 1960, La 10ème Féérie des bâtons blancs pour la Police avec Annie Cordy et Les Compagnons de la Chanson le 29 novembre 1960, les galas Johnny Hallyday le 12 novembre 1963, d’Alain Barrière et les Surfs le 19 février 1965 ou bien encore celui de Gilbert Bécaud le 25 mars 1965.
Les années Gaumont.
En 1966, au moment où est signé l’accord entre Gaumont et Pathé pour une programmation commune de leurs salles d’exclusivité, l’Omnia est cédé à la Société Nouvelle des Etablissements Gaumont (S.N.E.G.). Grâce à ce groupement, les deux sociétés forment un circuit de 150 salles représentant plus de 120 000 fauteuils et réalisant annuellement une recette globale de 150 millions de francs.
Durant cette première période Gaumont, les succès sont nombreux dans la salle de l’Omnia : La Grande vadrouille de Gérard Oury le 15 décembre 1966 – le duo Bourvil-de Funès réunit 109 822 spectateurs en 10 semaines – suivi du Docteur Jivago de David Lean le 8 mars 1967 (72 389 spectateurs en 12 semaines). Le film de Stanley Kubrick 2001, l’Odyssée de l’espace y est donné à partir du 1er janvier 1969. Les grandes productions maison de la Gaumont y sont également l’affiche de l’Omnia. Après deux soirées de gala avec un spectacle de variétés sur scène, l’Omnia ferme ses portes au début de l’année 1973 pour subir un grand chantier de transformations.
Au début des années 1970, les grandes salles ne sont plus au goût du public et les rendements ne sont pas à la hauteur des emplacements, très prisés alors, de centre-ville. La S.N.E.G. se penche sur sa salle de Rouen et confie l’étude et la réalisation de sa transformation à Georges Peynet. L’architecte de la maison Gaumont planche sur la création de quatre salles – les Gaumont I, II, III et IV pour une capacité de 1 710 fauteuils – qui permettent d’accueillir le public pour quatre films présentés en même temps en exclusivité.
Ci-dessus: façade du Gaumont en 1973.
Ci-dessus: hall du complexe en 1973.
Ci-dessus: la salle 1 (l’ancien balcon prolongé) en 1973.
Le 14 juin 1973, le nouveau complexe multisalles, qui porte désormais l’enseigne Gaumont, ouvre ses portes. La revue Le Film français en date du 1er juin 1973 revient sur les caractéristiques du complexe flambant neuf : « La grande verrière de façade a disparu pour faire place à un ensemble d’aluminium dont les dessins géométriques s’insèrent dans les structures existantes. Sur cet ensemble sont fixés des panneaux publicitaires lumineux annonçant les quatre programmes. Une chenille lumineuse anime cet ensemble ». La revue s’intéresse ensuite à l’intérieur du cinéma : « Après avoir franchi les portes en verre, le spectateur se trouve dans un hall accueillant. Son sol en marbre beige clair et ses murs latéraux tendus de blanc s’opposent aux couleurs vives des cloisons du foyer. Deux caisses desservent les quatre salles (…) Le prolongement du hall forme l’accès aux salles Gaumont II et Gaumont III tandis que deux escaliers latéraux conduit au foyer qui dessert les deux autres salles Gaumont I et Gaumont IV ».
Le circuit Pathé, le premier à diviser ses grandes salles historiques comme le Pathé Palace à Marseille ou le Pathé Marignan-Concorde à Paris, est suivi par Gaumont qui, à Paris, scinde en deux salles le Convention et en quatre salles le Montrouge Palace. Les anciens noms des cinémas, Empire, Palace, Eldorado, Alhambra ou Eden, disparaissent au profit du nom du circuit. L’Omnia devient naturellement le Gaumont Rouen.
Depuis la guerre, la société à la marguerite fait appel au cabinet de l’architecte Georges Peynet pour la rénovation de ses cinémas. Le Film français évoque les quatre salles créées par Georges Peynet à Rouen : « Le Gaumont I a une capacité de 900 places et occupe le volume de l’ancien balcon prolongé. Les murs latéraux sont tendus de tissus orange aux tons dégradés. Les fauteuils de couleurs Gold sont posés sur une moquette orange. L’ancien orchestre scindé en deux a donné naissance aux deux salles Gaumont II et Gaumont III. La salle 2 d’une capacité de 400 places est traitée dans les tonalités châtaigne et abricot. Les murs latéraux, sont d’un côté tendu de tissu châtaigne, et de l’autre orné d’une fresque d’enduit coloré dont les ondes croissantes sont comme le symbole du renouveau du 7ème Art. La moquette est châtaigne foncé et les fauteuils très confortables sont de couleur abricot. Le Gaumont III d’une capacité de 250 places, est traité dans des tonalités plus vibrantes. Le sol et le mur bleu électrique s’opposent aux cloisons grèges et aux fauteuils noirs. Enfin, le Gaumont IV, la plus petite salle d’une capacité de 160 places a ses murs recouverts d’une tenture écossaise vert et bleu, tandis que les fauteuils de couleurs grège se dégagent sur une moquette brun foncé ». Le nouveau complexe est équipé de l’air conditionné, encore peu répandu dans les cinémas.
Ci-dessus: une salle en 1973.
Ci-dessus: la salle IV en 1973.
Pour l’ouverture du Gaumont le 14 juin, les quatre films à l’affiche sont le « scandaleux » La Grande bouffe de Marco Ferreri, le polar rural Les Grandes brûlées de Jean Chapot, Na ! de Jacques Martin et Le Rite d’Ingmar Bergman. Une diversité rendue possible grâce au multisalles. Viennent ensuite les exclusivités des Aventures de Rabbi Jacob de Gérard Oury avec l’incontournable Louis de Funès, Le Meilleur des mondes possibles de Lindsay Anderson avec Malcolm McDowell, un acteur qui sort du triomphe d’Orange mécanique de Stanley Kubrick.
Alors que Gaumont lance la création de nouveaux établissements comme celui à Evry, Le Film français souligne que « les quatre salles Gaumont de Rouen, sont un pas important dans le domaine de la décentralisation culturelle et le plus grand centre cinématographique de la Normandie ». Parmi les très nombreux films présentés au Gaumont rouennais, citons L’Emmerdeur d’Edouard Molinaro le 26 septembre 1973, L’Horloger de Saint-Paul du jeune Bertrand Tavernier le 27 février 1974, l’érotique Histoire d’O de Just Jaeckin avec Corinne Cléry le 3 septembre 1975, La Course à l’échalote de Claude Zidi avec Pierre Richard et Jane Birkin le 15 octobre 1975, le polar Police Python 357 d’Alain Corneau avec Yves Montand le 7 avril 1976, la comédie On aura tout vu de Georges Lautner avec Pierre Richard le 23 juin 1976 ou bien La Guerre des étoiles de George Lucas le 26 octobre 1977.
Ci-dessus: les trois nouvelles salles en 1978.
En 1978, Gaumont augmente la capacité de son complexe rouennais en ajoutant trois nouvelles salles créées dans le volume de la cage de scène de l’ancien Omnia. Sept salles sont désormais proposées aux spectateurs, ce qui permet de maintenir plus longtemps les films à l’affiche et de faire se côtoyer des films aussi différents que La Carapate de Gérard Oury et Sonate d’automne d’Ingmar Bergman. Le complexe affiche, entre autres, Vas-y maman de Nicole de Buron avec Annie Girardot le 16 août 1978, Grease de Randal Kleiser le 13 septembre 1978, Indiana Jones et le Temple maudit de Steven Spielberg le 12 septembre 1984 ou bien La Forêt d’émeraude de John Boorman le 26 juin 1985.
En 1986, Gaumont rénove son complexe rouennais et y intègre une salle GaumontRama. Conçues pour des films à grand spectacle avec un confort particulier et une qualité de l’image et du son, les salles haut de gamme GaumontRama sont également créées dans les complexes de Bordeaux, de Reims, de Toulouse ainsi que dans les prestigieux cinémas parisiens (Ambassade, Opéra, Alésia). Le 8 septembre de la même année a lieu la soirée inaugurale de la salle GaumontRama de Rouen que dirige alors Marc Pineau avec la présence au gala de Nicolas Seydoux, le PDG de Gaumont, et de Jean Lecanuet, député maire de la ville ainsi que tout le conseil municipal et quelques distributeurs.
Mission de Roland Joffé est présenté en avant-première pour l’inauguration de la salle premium de Rouen. Le Film français du 19 septembre 1986 revient sur les caractéristiques de la salle GaumontRama : « Des étoiles, un somptueux rideau écarlate d’une inhabituelle ampleur, 610 élégants fauteuils Gallay disposés en arc de cercle, une cabine de projection discrètement incluse dans la salle (…) La projection se fait sur un écran panoramique de 140 M² (18 mètres de base) (…) la salle IV, la façade et le hall d’accueil ont été rénovés ». Le matin de cette journée inaugurale est présenté le film Les Mille et une marguerites de Pierre Philippe qui retrace, avec un commentaire lu par Aurelle Doazan et Jean-Hughes Anglade, les 90 ans de l’historique société.
Ci-dessus: Nikita (1990) de Luc Besson à l’affiche de la salle GaumontRama.
Ci-dessus: la façade en 1993.
Ci-dessus: la façade du Gaumont en 2000.
Les films de Luc Besson, de Steven Spielberg ou encore les grandes productions Gaumont se succèdent sur l’écran de la salle GaumontRama. En 1994, le Gaumont de Rouen accueille 624 529 spectateurs sur les 1,08 millions comptabilisés sur toute l’agglomération. Un chiffre qui atteint 651 945 spectateurs en 1997. Dans les années 2000, dans quelques salles du complexe, le Gaumont héberge le Melville et sa programmation Art & Essai.
Depuis le mitan des années 1990, les multiplexes implantés en dehors des centres-villes sont en plein essor. A quelques kilomètres de Rouen, Nicolas Seydoux ouvre le 7 avril 1999 le Gaumont Grand Quevilly qui comporte 16 salles.
La reprise de l’Omnia et la consécration de l’Art & Essai.
Dix ans plus tard, au printemps 2009, Europalaces, la nouvelle entité qui regroupe les cinémas Gaumont et Pathé, ouvre à Rouen le multiplexe Pathé Docks 76. L’historique complexe Gaumont du centre-ville est alors mis en vente. Soucieuse que l’activité cinématographique perdure dans le centre de Rouen, la municipalité se porte acquéreur des murs de l’ancien Omnia. Une délégation de service public est par la suite attribuée à Nord-Ouest Exploitation, une société créée en 1987 par Richard Patry. Le journaliste Anthony Bobeau dans un article du Film français en date du 23 juillet 2010 commente la reprise par NOE Cinémas : « Le Gaumont qui reprendra son nom d’origine, Omnia, est appelé à devenir le vaisseau amiral de la société de Richard Patry qui exploite déjà plusieurs salles à travers toute la Normandie, d’Elbeuf (le superbe Grand Mercure) à Yvetot, en passant à Fécamp, Houlgate et Les Andelys ».
Dans ce même article, Richard Patry précise que le projet de l’Omnia représente un investissement de 2 millions d’euros pour NOE Cinémas et que la programmation s’organisera autour de trois grands axes : l’Art & Essai le plus pointu, les continuations ainsi que la version originale de films porteurs. Sont nommés à la tête de l’Omnia Hervé Aguillard, qui dirigeait l’UGC Ciné-Cité de Rouen, et Marc Delacruz qui vient du cinéma Jour de Fête de Gisors.
Ci-dessus: l’Omnia République en 2013.
Une année après sa reprise, l’Omnia République obtient les trois labels Art & Essai (Patrimoine & Répertoire, Jeune Public, Recherche et Découverte). Le label Europa Cinémas, réservé aux salles programmant un nombre significatif de film européens, est également décerné à l’Omnia. Avec la disparition du Melville dirigé par Galeshka Moravioff, l’Omnia devient l’unique cinéma d’Art & Essai de Rouen.
Marraine de l’Omnia depuis son ouverture en 1952, Micheline Presle revient à Rouen le 23 janvier 2011 pour présenter en avant-première le film de Frédéric Sojcher HH, Hitler à Hollywood dans lequel elle participe. De très nombreuses personnalités se déplacent à l’Omnia République pour présenter leurs films aux spectateurs rouennais. Parmi elles, citons Bertrand Tavernier, Gaspard Ulliel et Mélanie Thierry pour La Princesse de Montpensier (2010), Claude Lelouch pour son documentaire D’un film à l’autre (2009), Alain Cavalier pour Pater (2011), Michel Hazanavicius et Bérénice Bejo pour The Artist (2011), Cédric Kahn pour Une Vie meilleure (2012), Bruno Dumont pour Hors Satan (2011), Virginie Despentes pour Bye Bye Blondie (2012), Fanny Cottençon pour Le Jour de la grenouille et tant d’autres…
Des rétrospectives de films de patrimoine se déroulent autour, entre autres, des œuvres de Stanley Kubrick, Jean Eustache, Alfred Hitchcock, David Lynch, John Cassavetes, Marcel Carné, Jacques Demy, Marilyn Monroe ou bien Apichatpong Weerasethakul. Des événements culturels, parfois à la demande de partenaires locaux et illustrés par des grands films classiques, y sont également organisés : cycle sur l’adaptation littéraire au cinéma, soirée Cinéma et Justice, colloque universitaire de la Fabrique de Normandie, ciné-concert Fantomus (présentations des épisodes de Fantômas de Louis Feuillade), etc.
Des débats accompagnent certaines séances et quelques festivals cinématographiques élisent domicile à l’Omnia : Regards sur le Cinéma du Monde, l’Agora du Cinéma Coréen, A l’Est du nouveau (le festival du cinéma d’Europe Centrale & Orientale), le festival du Film Judiciaire, This is England (le festival du court métrage Anglais de Rouen)… Enfin, l’Omnia met régulièrement à disposition ses salles pour être le lieu central d’échanges et de travaux en lien avec des structures, des écoles, des associations ou directement avec des manifestations culturelles et artistiques se déroulant sur l’agglomération rouennaise.
Tous ces événements et la qualité de sa programmation font de l’Omnia un des cinémas Art & Essai les plus dynamiques de France, à l’instar de l’Arvor de Rennes ou bien du Comoedia de Lyon.
Ci-dessus: la nouvelle façade en 2022.
En mai 2020, l’Omnia entame des travaux de restructuration et reconstruction. Pendant cette période, quatre salles éphémères de 185, 56, 35 et 30 places sont créées dans le bâtiment historique voisin, la Halle aux Toiles, mis gracieusement à disposition par la commune de Rouen. Les spectateurs ont ainsi la possibilité, en attendant la renaissance de l’Omnia, de découvrir une programmation Art & Essai toujours assurée par Jean-Marc Delacruz.
La crise sanitaire retarde les travaux comme le confie Hervé Aguillard à Kévin Bertrand dans Le Film français du 3 juillet 2020 : « Lancé en 2020, ce chantier débouchera in fine sur une transformation radicale de l’Omnia devenu « obsolète ». Le bâtiment est inaccessible aux personnes à mobilité réduite (PMR), les toilettes sont vétustes, les petites salles pas gradinées… (…) Sur l’avant, la façade et le hall vont être démolis puis reconstruits. Nous allons créer une nouvelle façade vitrée et détruire la salle qui se situe derrière pour créer un Ciné-Café. Les trois grandes salles seront conservées, mais totalement remise à neuf. A l’arrière, tout va être démoli, pour y reconstruire cinq salles, dont une huitième d’une quinzaine de places. Au terme de cette transformation à plus de 7 millions d’euros supervisée par l’architecte Gilbert Long, l’Omnia affichera une capacité de huit écrans et 1 280 places environ ».
Pour célébrer la réouverture de l’Omnia, à quelques jours du 100è anniversaire de la marraine Micheline Presle, le réalisateur Emmanuel Mouret présente le mardi 6 septembre 2022 son nouveau film Chronique d’une liaison passagère. Avec sa splendeur d’antan retrouvée, l’historique cinéma rouennais – qui fête ses 70 ans en 2022 – reconquiert dès les séances publiques du lendemain son fidèle public dans un tout nouvel nouvel écrin.
Textes: Thierry Béné.
Documents: Le Film Français, La Cinématographie française, Gaumont, Collection personnelle.
Merci Rey pour vos encouragements!
Superbe article d’un cinéma ou j’ai travaillé dans les années 90, et une mission remplacement chef d’équipe cabine en 2004. Bravo, et merci.