Adresse: 3 rue d’Odessa et 74 boulevard du Montparnasse à Paris (XIVè arrondissement)
Nombre de salles: 1 puis 6
Aujourd’hui Pathé Parnasse
Au début du siècle dernier, de nombreux lieux de spectacles ouvrent à proximité de la gare Montparnasse, notamment dans la bien-nommée rue de la Gaîté. Proche de là, le Palais Montparnasse est édifié en 1913 dans la rue d’Odessa.
Dans son ouvrage Architecture des salles obscures. Paris, 1907-1939, Shahram Abadie évoque le Palais Montparnasse, « un exemple de type métis, grand établissement de 900 places, appartenant à une société relativement modeste, Ratel et Heidet avec un capital de 120 000 francs. Ses architectes Orlhac et Duron, confrontés à une parcelle évasée vers l’intérieur n’hésitent pas à installer l’écran sur le mur du fond bien que cela interdise la disposition optimale des places quant à la visibilité de l’écran».
Le Palais Montparnasse sous l’ère du muet.
L’auteur poursuit en soulignant un rapprochement avec le Palais Rochechouart quant à la décoration : « Pilastres, moulures, corniche, frise et médaillons, même si une entrée en hémicycle couverture d’une demi-coupole singularise la salle parnassienne ». La particularité du système d’aération du Palais-Montparnasse est également évoquée : « Les architectes Orlhac et Duron conçoivent le fameux lanterneau d’aération en deux parties mobiles sur rail pour créer une salle à toit ouvrant. Ce dispositif singulier a peut-être une visée davantage « esthétique » que d’aération, mais symbolise néanmoins les expérimentations « technicistes » à la veille de la Grande Guerre ».
Shahram Abadie revient enfin sur une innovation technologique : « L’usage précoce des tubes au néon, technique mise au point par Georges Claude en 1910, pour illuminer la façade du Palais-Montparnasse en 1913 (…) Il s’agirait d’un éclair « appliqué » et discret agrémentant la façade par sa teinte rouge orangé ».
Ci-dessus: vue de la rue d’Odessa avec sur la gauche le Palais Montparnasse.
Ci-dessus: programme du Palais Montparnasse du 4 février 1921.
Dans son ouvrage Paris-Palaces ou le temps des cinémas (1894-1918) aux éditions CNRS, l’historien Jean-Jacques Meusy évoque de son côté le grand cinéma de la rue d’Odessa : « Ce n’est pas tout à fait un cinéma de quartier, bien qu’il soit loin de bénéficier d’une notoriété et de recettes comparables à celles du Lutétia-Wagram. Ses tarifs sont bas (0,55 F à 1,10 F en semaine, 1,70 F à 1,25 F les dimanches et fêtes) (…) Il s’ouvre sur la rue par un large porche surmonté d’un cartouche qui en est le principal ornement architectural (…) Un bar et un café occupent la gauche de l’entrée. A l’origine, la salle est dépourvue de balcon et le premier étage est occupé par la cabine, des bureaux, chambres et débarras. La construction du balcon en 1919 porte la capacité de l’établissent à 1100 places ».
Durant ses premières années d’exploitation, le Palais Montparnasse propose un programme incluant des prestations sur scène suivies de courts métrages. Durant les années 1920, la vogue est aux cinéromans – films à épisodes – ; chaque épisode est accompagné de films documentaires, d’attractions sur scène suivis du grand film. Le public plébiscitant ces sérials plutôt que les longs métrages, le Palais Montparnasse multiplie les affiches: à partir du 13 octobre 1922 Les Mystères de Paris (douze épisodes) de Charles Burguet d’après le roman d’Eugène Sue, à partir du 29 décembre de la même année Vingt ans après (dix épisodes) de Henri Diamant-Berger d’après Alexandre Dumas, à partir du 16 mars 1923 L’Affaire du courrier de Lyon (trois épisodes) de Léon Poirier, à partir du 30 mars 1923 La Maison du mystère (dix épisodes) de Jules Mary produit par le Studio Albatros et interprété par Ivan Mosjoukine et Charles Vanel, à partir du 26 décembre 1924 Les Fils du soleil (huit épisodes) de René Le Somptier pour Pathé Consortium Cinéma, à partir du 27 mars 1925 Surcouf (huit épisodes) de Luitz-Morat avec Jean Angelo, à partir du 23 octobre 1925 Fanfan la Tulipe (huit épisodes) de René Leprince et produit par Pathé, à partir du 11 décembre 1925 le long métrage produit par Jacques Haïk et réalisé par Jean Kemm Le Bossu, à partir du 29 janvier 1926 Jean Chouan (huit épisodes) de Luitz-Morat, à partir du 31 décembre 1926 Le Juif errant (cinq épisodes) produit par Pathé et réalisé par Luitz-Mora et enfin à partir du 18 février 1927 Belphégor (quatre épisodes) de Henri Desfontaines pour Pathé et interprété par René Navarre.
Pour fidéliser le public friand des cinéromans – ancêtre des séries actuelles -, un nouvel épisode est proposé chaque semaine ; quand le dernier épisode est à l’affiche, le programme inclut le premier épisode du serial suivant. Les années 1920 sont également celles des personnages comiques de courts métrages – Zigoto (Larry Semon), Dudule (Clyde Cook), Zéphirin ou Beaucitron (Snub Pollard) – qui reviennent régulièrement à l’affiche de nouvelles aventures proposées au Palais Montparnasse.
Sur l’écran du cinéma, de nombreux longs métrages – aujourd’hui oubliés voire perdus – font la joie des spectateurs à une époque où le cinéma est encore muet : la production Pathé L’Arlésienne d’André Antoine à l’affiche la semaine du 1er décembre 1922, Les Deux orphelines de D. W. Griffith la semaine du 26 janvier 1923, L’Étroit Mousquetaire réalisé aux Etats-Unis par Max Linder la semaine du 16 février 1923, Violettes impériales de Henry Roussel le 1er janvier 1924 et repris le 10 octobre, L’Éventail de Lady Windermere de Ernst Lubitsch le 1er octobre 1926, Kœnigsmark de Léonce Perret le 27 mai 1927, Casanova d’Alexandre Volkoff avec Ivan Mosjoukine le 30 décembre 1927, Metropolis de Fritz Lang avec Brigitte Helm le 9 mars 1928, Verdun, visions d’histoire de Léon Poirier avec Albert Préjean le 12 avril 1929 ou encore Le Caméraman d’Edward Sedgwick et Buster Keaton le 24 mai 1929.
Le Montparnasse Pathé renouvelé par Bernard Natan.
En cette année 1929, les foules se ruent sur la Rive droite, du côté des Grands boulevards, pour découvrir le cinéma sonore dans la salle de l’Aubert-Palace qui affiche en exclusivité Le Chanteur de jazz d’Alan Crosland. Malgré les nombreuses critiques des spectateurs, le cinéma sonorisé envahit rapidement et définitivement les salles obscures. Au Palais Montparnasse, Bernard Natan, alors administrateur délégué de Pathé, choisit d’équiper la salle avec le procédé RCA Photophone qui affiche pour la réouverture le 3 octobre 1930 après les travaux d’installation le « film parlé » de Raoul Walsh Têtes brûlées.
Dès lors, tandis que les compléments de programmes sont encore muets, le grand film à l’affiche chaque semaine est parlant à l’instar de Parade d’amour d’Ernst Lubitsch parlé et chanté par Maurice Chevalier et Jeanette MacDonald la semaine du 10 octobre 1930 ou du policier Le Mystère de la villa rose de Louis Mercanton et René Hervil, premier film français parlant du Palais Montparnasse qui sort le 24 octobre 1930.
Alors que Pathé, sous l’impulsion de son nouveau propriétaire depuis 1929 Bernard Natan, ouvre ou reprend des salles de cinéma – l’Ermitage sur les Champs-Elysées ou le Moulin Rouge Cinéma à Pigalle, le Palais Montparnasse tombe dans le giron de la firme au coq. La semaine du 21 novembre 1930, le Montparnasse Pathé, sa nouvelle enseigne, joue la production Paramount Le Vagabond roi de Ludwig Berger avec Jeanette MacDonald et Dennis King.
Le Montparnasse Pathé propose essentiellement des films maison en sortie générale comme Accusée, levez-vous de Maurice Tourneur avec Gaby Morlay la semaine du 26 décembre 1930, Cendrillon de Paris de Jean Hémard avec Colette Darfeuil la semaine du 6 février 1931 ou bien Monsieur le duc de Jean de Limur avec Henry Defreyn celle du 20 mars 1931.
La salle de Montparnasse est intégrée au circuit de sortie générale de Pathé-Natan qui regroupe les salles parisiennes Royal-Pathé, Lutétia-Pathé, Victor-Hugo, Demours, Mozart, Sélect, Métropole, Louxor, Capitole, Rochechouart, Lyon-Pathé, Saint-Marcel, Belleville, Pathé Orléans, Maine-Pathé, Lecourbe et Magic.
Durant l’été 1931, alors que l’Exposition coloniale internationale quorlei se tient à la Porte Dorée et dans le Bois de Vincennes attire quotidiennement près de cent à cent cinquante mille personnes, les théâtres font relâche et les cinémas ne proposent que des reprises. Alors que la plupart des distributeurs gardent leurs films pour l’automne, seuls Les Films Osso présentent au Marivaux des Grands boulevards une nouveauté, Un soir de rafle de Carmine Gallone avec Albert Préjean et Annabella.
Ci-dessus: publicité Pathé-Natan en 1934.
A partir du 19 février 1932, on peut découvrir en complément de programme du Montparnasse Pathé le documentaire La Vie au grand air pour l’enfance malheureuse qui accompagne le film Un Bon petit diable. Au fil des années, les salles de sorties générales du circuit Pathé-Natan écoulent les nombreuses productions maison comme Ariane, jeune fille russe de Paul Czinner avec Gaby Morlay à l’affiche du Montparnasse Pathé le 28 avril 1932, La Croix du sud d’André Hugon le 15 juillet 1932, Au nom de la loi de Maurice Tourneur avec Marcelle Chantal, Gabriel Gabrio et Charles Vanel le 14 octobre 1932, Mélo de Paul Czinner avec Gaby Morlay, Pierre Blanchar et Victor Francen le 6 janvier 1933, l’adaptation d’un Maigret de Georges Simenon La Tête d’un homme de Julien Duvivier avec Harry Baur le 7 avril 1933, Tartarin de Tarascon de Raymond Bernard avec Raimu et Fernand Charpin le 1er février 1935, Le Bonheur de Marcel L’Herbier avec Gaby Morlay le 8 novembre 1935, Justin de Marseille de Maurice Tourneur avec Antonin Berval et Pierre Larquey le 29 novembre 1935 ou encore L’Équipage d’Anatole Litvak avec Annabella, Jean Murat, Jean-Pierre Aumont et Charles Vanel 24 janvier 1936.
En mars 1934, alors que les directeurs des théâtres et cinémas parisiens interpellent les autorités face à une grève des taxis qui menace leurs entreprises, le Montparnasse Pathé subit des recettes médiocres avec la double programmation de Ce cochon de Morin de Georges Lacombe et Le Mari garçon d’Alberto Cavalcanti présentés dès le 30 mars 1934.
Pathé-Natan subit une crise financière majeure durant l’année 1935 qui aboutit à la destitution de son directeur Bernard Natan. L’homme d’affaire d’origine roumaine et de confession juive, qui a pourtant redonner tout son lustre à la firme au coq en lançant de grandes productions et en ouvrant de prestigieuses salles, est finalement jugé puis incarcéré. Déchu de la nationalité française durant les années d’Occupation, déporté au camp d’Auschwitz, Bernard Natan y meurt assassiné. L’ouvrage de Philippe Durant Le Fantôme du cinéma français. Gloire et chute de Bernard Natan (Editions La Manufacture de Livres, janvier 2021) ainsi que le film documentaire de Francis Gendron Bernard Natan, le fantôme de la rue Francoeur reviennent sur cette figure oubliée de l’industrie cinématographique française.
Le Journal Officiel publie le 27 mai 1935 le décret émanant du Ministère du commerce qui réglemente pour une nouvelle période d’un an l’importation et la représentation des films étrangers. En ce qui concerne le département de la Seine, le décret impose une restriction de cinq salles pour l’exploitation en version originale. A l’instar des cinémas de quartier, la programmation du Montparnasse Pathé reste essentiellement composée de productions françaises comme Lac aux dames de Marc Allégret la semaine du 10 mai 1935, Toni de Jean Renoir celle du 14 juin 1935, la superproduction Golgotha de Julien Duvivier le 13 septembre 1935, La Kermesse héroïque de Jacques Feyder le 21 février 1936, Samson de Maurice Tourneur le 24 avril 1936, Les Perles de la couronne de Sacha Guitry et Christian-Jaque le 29 octobre 1937, Désiré de Sacha Guitry le 2 mars 1938 ou bien Mollenard de Robert Siodmak avec Harry Baur et Albert Préjean le 23 mars 1938. Le double programme est souvent constitué d’un film porteur et d’une oeuvre moins connue.
Ci-dessus: Êtes-vous jalouse ? de Henri Chomette à l’affiche le 7 mai 1938.
Ci-dessus: L’Ange Gardien de Jacques de Casembroot à l’affiche le 18 novembre 1942.
Concernant les films étrangers à l’affiche des salles Pathé et en particulier au Montparnasse, citons New York-Miami de Frank Capra avec Clark Gable et Claudette Colbert le 11 janvier 1935, Les Trois lanciers du Bengale de Henry Hathaway le 19 avril 1935, le musical La Joyeuse divorcée de Mark Sandrich le 30 août 1935, les versions tournées en français du diptyque Le Tigre du Bengale et Le Tombeau hindou de Richard Eichberg les semaines des 24 et 31 août 1938, repris en une seule séance la semaine du 28 juin 1939, ou bien Blanche-Neige et les Sept Nains de Walt Disney le 22 décembre 1938. Quand la guerre éclate, le Montparnasse Pathé affiche en double programmation L’Étrange Nuit de Noël d’Yvan Noé avec Sylvia Bataille, André Brulé et Jean Servais ainsi que Le Club des fadas d’Émile Couzinet avec Fernand Charpin et Alida Rouffe.
Le Montparnasse Pathé dans les années 1940-1960.
Durant l’Occupation, alors que le cinéma voisin Miramar ouvert par Joseph Rytmann en 1938 propose les Actualités allemandes, le Montparnasse Pathé poursuit son activité et affiche les sorties générales à l’instar du film de Jean Dréville Le Président Haudecœur avec Harry Baur le 20 novembre 1940, Ils étaient neuf célibataires de Sacha Guitry le 18 décembre 1940, la production allemande La Fugue de Monsieur Patterson de Herbert Selpin le 12 février 1941, Bécassine produit et réalisé par Pierre Caron avec Paulette Dubost dans le rôle-titre le 17 septembre 1941, Annette et la dame blonde de Jean Dréville avec Louise Carletti le 27 mai 1942 ou la production Sirius Films Le Mariage de Chiffon de Claude Autant-Lara avec Odette Joyeux le 30 décembre 1942.
Suivent les deux immenses succès de l’Occupation: Le Voile bleu de Jean Stelli avec Gaby Morlay, Pierre Larquey et Elvire Popesco le 17 février 1943 et la production Pathé Pontcarral, colonel d’Empire de Jean Delannoy avec Pierre Blanchar le 26 mai 1943. Viennent ensuite Le Corbeau de Henri-Georges Clouzot, produit par Continental-Films, avec Pierre Fresnay le 15 mars 1944 et enfin La Nuit fantastique de Marcel L’Herbier avec Micheline Presle et Fernand Gravey le 21 juin 1944.
A la Libération, les cinémas de quartier programment des productions françaises, souvent des reprises, ainsi que des films américains ayant effectué leur exclusivité juste avant le conflit. La mise en place des accords Blum-Byrnes le 1er juillet 1946 permet enfin la sortie sur les écrans parisiens de films américains réalisés depuis le début du conflit mais restés inédits en France.
A compter de cette même date, les salles de cinéma appliquent le « quota », c’est-à-dire l’obligation de projeter un minimum de quatre films français par trimestre. Cette règle s’applique aussi bien aux salles de première vision qu’aux salles de quartier comme le Montparnasse Pathé. Ainsi, les spectateurs peuvent voir sur son écran de nombreuses production Pathé comme les deux époques des Enfants du paradis de Marcel Carné sur un scénario de Jacques Prévert le 13 février 1946, Les Portes de la nuit également du duo Carné-Prévert le 12 mars 1947, Le Bataillon du ciel d’Alexandre Esway le 17 septembre 1947 pour la première époque et le 24 septembre pour la seconde et Le Silence est d’or de René Clair le 19 novembre 1947.
Pour les films étrangers, les Parisiens viennent au Montparnasse Pathé applaudir Pinocchio de Walt Disney le 2 octobre 1946, Les Plus belles années de notre vie de William Wyler avec Mirna Loy le 31 décembre 1947, Rebecca et Les Enchaînés d’Alfred Hitchcock les 4 février et 19 mai 1948, Bambi de Walt Disney le 27 octobre 1948 ou bien le western Duel au soleil de King Vidor le 2 mars 1949.
Durant les années 1950, le circuit des salles Pathé est essentiellement implanté à Paris et dans sa périphérie. En province, la firme au coq y possède peu de salles : Marseille, Lyon, Nancy, Lille et Grenoble. Dans la capitale, elle contrôle en 1952 seize écrans répartis en salles de première vision et salles de quartier. Concernant sa salle de Montparnasse, Pathé maintient la formule de sorties générales en privilégiant les productions françaises.
C’est ainsi que les années 1950 voient défiler sur l’écran du Montparnasse Pathé des œuvres comme L’Escadron blanc de René Chanas la semaine du 22 février 1950, l’adaptation de Simenon La Marie du port de Marcel Carné avec Jean Gabin celle du 10 mai 1950, Méfiez-vous, mesdames… d’André Hunebelle avec Michèle Morgan, Danielle Darrieux, Sandra Milo et Paul Meurisse le 7 mars 1951, Knock de Guy Lefranc avec Louis Jouvet bien sûr le 26 décembre 1951, La Maison Bonnadieu de Carlo Rim avec Danielle Darrieux et Bernard Blier le 8 octobre 1952, Le Fruit défendu d’Henri Verneuil d’après Simenon avec Fernandel et le nouveau sex-symbol Françoise Arnoul le 25 mars 1953, Avant le déluge d’André Cayatte avec Bernard Blier et Marina Vlady, la comédie L’impossible Monsieur Pipelet d’André Hunebelle avec Michel Simon le 21 décembre 1955, le très noir Voici le temps des assassins de Julien Duvivier avec Jean Gabin et Danièle Delorme le 3 octobre 1956, Obsession de Jean Delannoy avec Raf Vallone et Michèle Morgan le 26 mai 1957, La Bonne tisane d’Hervé Bromberger avec Madeleine Robinson et Raymond Pellegrin le 14 mai 1958 ou bien l’excellent 125, rue Montmartre de Gilles Grangier avec Lino Ventura le 30 décembre 1959.
Ci-dessus: Michel Strogoff d’Emile Natan à l’affiche le 20 février 1957.
En ce qui concerne les films étrangers, ils sont essentiellement constitués de productions Paramount comme Samson et Dalila et Sous le plus grand chapiteau du monde de Cecil B. DeMille respectivement les semaines du 2 janvier 1952 et 23 décembre 1953, Strategic Air Command d’Anthony Mann le 29 février 1955 ou Drôle de frimousse de Stanley Donen avec l’irrésistible Audrey Hepburn le 2 avril 1958.
Dans l’ouvrage collectif Pathé, premier empire du cinéma (Editions du Centre Georges Pompidou, 1998) sous la direction de Jacques Kermabon, Aurélie Chateau pointe le début d’une mutation de la répartition territoriale des salles : « Pendant les années 1960, beaucoup de petites salles de quartier sont vendues. Ces opérations immobilières permettent à la société Pathé de compenser le déficit de la branche production. En 1968, la société n’est plus propriétaire que de seize salles dans toutes la France ». Ainsi, durant cette décennie, la firme au coq ferme à Paris les cinémas Capitole, Saint-Marcel, Féerique et Métropole.
Le quartier Montparnasse est en pleine mutation dans les années 1960 avec les nombreux projets d’aménagement à la suite à la destruction de l’ancienne gare. L’arrivée sur la Rive gauche le 26 juin 1959 du premier cinéma d’exclusivité La Rotonde initié par Jean Hellmann puis le 27 septembre 1961 du très populaire cinéma Le Bretagne de Joseph Rytmann changent la donne de l’exclusivité parisienne.
A l’instar des Champs-Elysées et des Grands boulevards, le quartier du Montparnasse devient dès lors un quartier de salles d’exclusivité. Et comme son voisin le Miramar du circuit Rytmann, le Montparnasse Pathé accède au statut de cinéma de première vision. Intégré dans la combinaison des salles de l’Ermitage, du Caméo et du Méry, le Montparnasse sort le 24 juin 1964 Le Mari de la femme à barbe de Marco Ferreri avec Ugo Tognazzi et Annie Girardot. Avec L’Âge ingrat de Gilles Grangier qui sort le 23 décembre 1964, la salle Pathé de Montparnasse est intégrée à la prestigieuse combinaison des cinémas Marignan, Wepler et Berlitz.
Du 6 au 17 mai 1966, la salle ferme ses portes pour être rénovée. La revue La Technique Cinématographique revient sur les transformations subies : « La salle a pris un caractère nouveau grâce à une décoration dans les tons gris ardoise et vieux rose. Conservant son architecture de style ionique, assortie de panneaux ornés de plissés en Héliover, elle revêt un cachet de modernisme distingué enrichi par un luminaire spécialement conçu et équipé de lampes « globe » dont l’utilisation dans une salle de spectacle constitue une innovation. Les anciennes loges de balcon ont fait place à de spacieux fauteuils Pullmann en skaï noir de très grand confort. Une ventilation par air normalisé pulsé ajoute un élément supplémentaire au bien-être du spectateur ».
Ci-dessus: la salle du Montparnasse Pathé en 1966.
Ci-dessus: La Grande vadrouille de Gérard Oury à l’affiche du Montparnasse Pathé du 9 décembre 1966 au 25 avril 1967 ainsi qu’aux cinémas Ambassade Gaumont, Berlitz, Les Images et Pathé Orléans.
Ci-dessus: Les Grandes vacances à l’affiche du Montparnasse Pathé le 1er décembre 1967 ainsi qu’aux cinémas Ambassade Gaumont, Berlitz, Les Images et Pathé Orléans.
Ci-dessus: La Folie des grandeurs de Gérard Oury à l’affiche le 8 décembre 1971 ainsi qu’aux cinémas Ambassade Gaumont, Berlitz, Bosquet, Les Images, Pathé Orléans et Les 3 Luxembourg.
Le flambant neuf Montparnasse Pathé est intégré à la très populaire combinaison des cinémas Ambassade Gaumont, Berlitz, Les Images et Pathé Orléans pour des films champions au box-office comme La Grande vadrouille de Gérard Oury à partir du 9 décembre 1966 pour vingt semaines, Alexandre le bienheureux d’Yves Robert le 9 février 1968, Le Petit baigneur de Robert Dhéry le 20 mars 1968, Le Cerveau de Gérard Oury le 7 mars 1969, Le Clan des Siciliens d’Henri Verneuil le 5 décembre 1969, La Folie des grandeurs de Gérard Oury le 8 décembre 1971 ou bien Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil de Jean Yanne le 5 mai 1972.
La transformation de la salle mono-écran en complexe multisalles.
Alors que beaucoup de salles de quartier disparaissent et que les premiers cinémas multisalles sont créés à Paris par le précurseur Boris Gourevitch, l’arrivée de Pierre Vercel chez Pathé permet l’accélération d’une politique de restructuration avec la création de complexes multisalles.
En 1972, la presse corporative souligne la spectaculaire progression de la fréquentation des cinémas de Montparnasse grâce à la transformation des cinémas mono-écran en complexes multisalles. Cette année-là, le Montparnasse Pathé enregistre 221.600 entrées contre 286.800 au Miramar qui a pourtant été fermé durant un mois pour des travaux, 287.100 entrées dans la salle du Bretagne, 178.200 au Maine Rive-Gauche et 161.500 dans la salle unique de la Rotonde.
Face à l’érosion des entrées au Montparnasse Pathé et malgré son emplacement, le circuit décide de transformer la salle unique par un complexe moderne de cinq salles. Après des mois de travaux, le nouveau cinéma d’une capacité totale de 1.600 fauteuils est inauguré le 24 avril 1974. Le Film français revient dans son édition du 28 juin 1974 sur le multisalles : « Lorsque Pathé décida de remplacer l’ancienne salle par cet ensemble, la forme du terrain et sa situation exceptionnelle ont orienté la mise au point du programme et des études. C’est ainsi qu’une façade monumentale et très publicitaire (18 mètres de haut), à l’échelle du complexe Maine-Montparnasse, suivie d’un très vaste hall attractif (Le hall occupe le volume de l’ancienne salle), accueille le spectateur côté rue d’Odessa ».
Ci-dessus: la façade du Montparnasse Pathé côté rue d’Odessa en 1974.
Ci-dessus: la façade du Montparnasse Pathé côté boulevard du Montparnasse en 1974.
Ci-dessus: plan de coupe du multisalles en 1974.
Le Film français poursuit sa visite dans le nouveau complexe: « Une deuxième façade et un hall ont été implantés également sur le boulevard du Montparnasse. Servi à volonté par les caisses situées de l’un et de l’autre côté, le spectateur accède aisément par des dégagements animés et des foyers largement conçus, à celle des cinq salles qu’il a choisies. Pour affirmer le caractère monumental de l’ensemble, ces cinq salles ont été voulues semblables dans leurs proportions, similaires dans leur décoration, elles sont cependant chacune personnalisées par leur couleur : bleu, jaune, vert, châtaigne, capucine. Les fauteuils sont tous blancs. Les locaux de projection reliés entre eux par un ascenseur et un circuit vidéo, sont en position centrale ».
Ci-dessus: le nouveau complexe multisalles en 1974.
L’auteur de l’article poursuit la description du cinéma transformé : « Pour la façade Odessa : il a été jugé préférable de faire complètement abstraction de l’ancienne façade et de plaquer dessus un ensemble moderne conçu en acier inoxydable poli et anodisé, les claustras entre les éléments verticaux permettant de maintenir l’aération de certaines ouvertures. Cette conception a parmi de placer facilement les enseignes ainsi que les panneaux d’affichage lumineux. Le hall Odessa est largement ouvert sur la rue : sans portes, mais un voile de chaleur pour l’hiver et une grille à enroulement à manœuvre électrique pour clore l’établissement, la nuit. Le volume ainsi conçu ne manquera pas de devenir un lieu de rencontre où l’on circulera librement : marbre blanc de Carrare au sol, sculpture centrale, dix panneaux sertis de lumière annonçant les programmes en cours ou à venir (…) Moins haute, mais aussi large, la façade Montparnasse comporte un auvent et les mêmes éléments lumineux d’annonce des programmes ».
Enfin, les éléments décoratifs et leurs auteurs sont mentionnés : « Pour la décoration, il a été fait appel à des nombreux artistes : Robert Pansart, A. Malcles, M. André, Vincent Guignebert, Michel Deverne pour orner les dégagements et les foyers, au moyen de panneaux décoratifs en Glasal gravé. Un mur de lumière de François Chapuis assure la transition entre les deux accès Odessa et Montparnasse, composition abstraite, très souple, aux teintes fondues. Le motif vertical central du hall Odessa est l’œuvre du sculpteur Jean-Louis Roy. »
Ci-dessus: les nouvelles salles et l’accès à la salle 3 avec la vue sur la cabine de projection en 1974.
Une des innovations du nouveau cinéma est que le spectateur peut voir la cabine de projection du foyer : « Une des cabines entièrement automatique est en effet ouverte sur les foyers. Un système de glaces de sécurité permet d’examiner à loisir le fonctionnement des appareils, qui sont ainsi présentés et mis en valeur comme dans une vitrine ».
Ainsi, le Montparnasse Pathé devient un des cinémas les plus modernes de la capitale et attire de nouveau les spectateurs à un moment où la concurrence est accrue dans le quartier par l’ouverture des deux salles du Bienvenüe-Montparnasse de Joseph Rytmann, du complexe Montparnasse 83 (futur UGC Montparnasse) et du Paramount Montparnasse du circuit Siritzky.
Le public découvre le mercredi 24 mars 1974 les cinq nouvelles salles avec à l’affiche Deux grandes filles dans un pyjama de Jean Girault, Le Hasard et la violence de Philippe Labro, Les Aventures de Rabbi Jacob de Gérard Oury, L’Escapade de Michel Soutter et enfin Le Piège de John Huston.
Ci-dessus: la construction du Gaumont Parnasse en 1995.
Une sixième salle de 100 fauteuils, installée dans la partie arrière du grand hall, est créée en 1979 par l’architecte Jean Touraine. En 1992, le complexe Montparnasse est repris par Gaumont qui le transforme en 1995, avec l’intégration du Paramount-Montparnasse, en un multiplexe de 12 puis 19 salles en annexant en 2010 le Miramar et les Montparnos du circuit Rytmann.
Le Gaumont Parnasse est né. 27 ans plus tard, le complexe devient le Pathé Parnasse.
Textes: Thierry Béné.
Documents: Le Film français, La Technique cinématographique, Cinémas de France, Gallica-BnF, France-Soir et Collection particulière.
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