Adresse: 79 rue de la République à Lyon (1er arrondissement)
Nombre de salles: 1, 4 puis 10
Aujourd’hui Pathé Bellecour

A l’heure où le Pathé Palace parisien (ancien Paramount) est inauguré sur les Grands bouleevards, revenons sur un autre Palace du circuit Pathé, à Lyon, aujourd’hui connu sous l’enseigne Pathé Bellecour.

Le Pathé-Palace, une des grandes réalisations de Bernard Natan.

Lorsqu’il prend le contrôle de Pathé-Cinéma en 1929, l’industriel Bernard Natan (1886-1942) décide de développer la branche exploitation de la société créée par Charles Pathé en lançant la Société de Gérance des Cinémas Pathé (S.G.C.P.) le 12 avril de la même année.

Ainsi, pour se constituer rapidement un circuit de salles, Pathé prend en gérance une vingtaine de salles appartenant au circuit Fournier-Lutétia. Ces cinémas sont finalement vendus à Pathé un an plus tard, le 28 juin 1930. La firme au coq prend également la gérance des salles du circuit Marivaux et du groupe Weill qui comportent de nombreux cinémas dans de grandes villes de province.

Au début des années 1930, Bernard Natan à travers la S.G.C.P. fait construire deux salles emblématiques sur les Champs-Elysées: l’Ermitage puis le Marignan. Cette dynamique d’expansion se poursuit dans de grandes villes de province comme à Marseille et à Lyon. C’est dans ce contexte qu’est lancé le projet du Pathé-Natan de Lyon.

Sur l’artère lyonnaise la plus fréquentée – la rue de la République – Pathé prévoit la construction de son nouveau cinéma à l’emplacement du cinéma Casino-Kursaal, dont le maître des lieux Édouard Rasimi est déjà très affaibli par la maladie. La S.G.C.P. rachète le Casino-Kursaal en vue de le reconstruire entièrement.

Bernard Natan confie à Eugène Chirié (1902-1984), un architecte spécialisé dans les salles de spectacles à qui on doit les récents Pathé-Palace et Rex à Marseille, la réalisation du futur cinéma. On doit également à Eugène Chirié le Ciné-Madeleine à Marseille, beau bâtiment à l’esthétique paquebot édifié en 1939 et aujourd’hui connu sous l’enseigne Pathé Madeleine.

La Cinématographie française dans son édition du 24 juin 1933 évoque dans un article signé Saint-Maffre, les caractéristiques de ce nouveau Palace : « La façade a spécialement été réalisée pour attirer tous les regards, grâce à ses vives lumières. Mais le dessinateur des lieux a rendu là, très délicate, la tâche de l’Architecte. Il a dû se résoudre à une dissymétrie des lignes qu’il aurait certainement été le premier à vouloir éviter s’il avait pu. Tout en haut de l’édifice, perché sur une mappemonde en verre, un coq d’or, Chanteclair, domine l’établissement et peut être aperçu de différents quartiers de la ville ».

Si la presse reproche le manque de symétrie de la façade, elle mentionne par ailleurs les qualités architecturales du bâtiment. Le large hall d’entrée de 8 mètres de haut « est entièrement ajouré, grâce à ses cloisons de verre, communiquant avec l’atrium par 7 portes à deux vantaux garnis de métal chromé ». Le public est impressionné par le vaste atrium qui précède la salle et qui « donne une impression de luxe et de grandeur incomparable. A gauche et à droite, deux escaliers, encadrés de marbre noir, montent à la corbeille et se réunissent en un large pont au-dessus de l’atrium. Au rez-de-chaussée, au fond, trois portes en palissandre, à double vantaux, permettent l’accès de l’orchestre et du parterre. Et deux escaliers conduisent au balcon ou seconde corbeille ».

Eugène Chirié a recours à d’immenses miroirs qui décuplent l’impression spacieuse de cet atrium. La salle mesure 30 mètres de long sur 22 de large pour une hauteur de 18. Elle possède plus de 1800 fauteuils.

La Cinématographie française poursuit le compte-rendu de la visite du nouvel établissement lyonnais : « Un soubassement de marbre noir court tout autour de la salle. La corbeille surplombe l’orchestre avec une portée de 22 mètres, sans aucun point d’appui. Les murs latéraux sont recouverts d’un enduit monochrome tango, poché d’or, et coupés à intervalles réguliers, par des pilastres dorés, montant jusqu’au plafond. Ce dernier est orné par une double coupole que met en valeur tout un jeu de combinaisons lumineuses ».

Cinéma Pathé Natan à Lyon

Cinéma Pathé Natan à Lyon

Cinéma Pathé Natan à Lyon

Cinéma Pathé Natan à Lyon

Ci-dessus: le hall et la salle en 1933.

Comme tous les grands cinémas de l’époque, une scène est conçue pour accueillir des spectacles qui composent encore la première partie des programmes. Celle du Pathé-Natan de Lyon est « encadrée d’une décoration dorée à la feuille, formée de deux groupes de larges cannelures. Le rideau est du même velours rouge que celui des fauteuils. Les robes des ouvreuses et le tapis de la salle sont de la même teinte. Le cadre de scène est surmonté d’une admirable sculpture de W Renucci, représentant l’enlèvement d’une nymphe par des centaures ».

Équipée avec trois postes sonores RCA, la cabine de projection est installée au-dessus de la seconde corbeille et mesure 6 mètres de long et 5 de large. Eugène Chirié a conçu ce cinéma pour que la vision soit excellente quelle que soit la place occupée par le spectateur.

Ce ciné-palace possède des atouts qui le démarquent des autres établissements lyonnais : la présence de la climatisation (équipement rare à l’époque), un personnel nombreux et « stylé » comme le souligne la publicité, des vestiaires, des toilettes et un bar à chaque étage.

Eleonore Marantz-Jaen, dans son article Architecture de Cinémas, l’expérience et les réalisations d’Eugène Chirié 1930-1939 (Rives Méditerranéennes) s’interroge sur le choix de Pathé de confier à un jeune architecte provincial et peu expérimenté un chantier d’une telle envergure. Elle constate néanmoins que le Pathé-Palace lyonnais permettra à Eugène Chirié de s’imposer définitivement auprès des exploitants de salles du sud de la France.

Ci-dessus: Paris-Méditerranée (Joe May), le film inaugural le 10 mars 1933.

L’inauguration du Pathé-Natan a lieu le vendredi 10 mars 1933 au moment où la ville de Lyon accueille sa 18ème Foire du Printemps. La Première du cinéma est fastueuse comme le souligne le quotidien Le Lyon Républicain. Le programme d’ouverture comporte les Actualités Pathé, un cartoon en couleurs de Walt Disney, un reportage sur les moines de la trappe nommé Monastère. La seconde partie est composée de la production Pathé-Natan Paris-Méditerranée (Joe May) avec Annabella et Jean Murat.

Généralement peu prolixe en critique, La Cinématographie française commente dans son édition du 18 mars 1933 : « Nous aurions souhaité, quant à nous, un film d’un intérêt plus accusé » pour l’inauguration du cinéma. À l’entracte, les différentes vedettes qui assistent à cette soirée sont présentées.

Parmi elles Annabella, Jean Murat, Mona Goya et Marie Glory. La presse souligne la présence d’Émile Natan, le frère de Bernard également à la direction de Pathé, ainsi que de nombreuses personnalités de la firme au coq. Ces vedettes vendent pendant l’entracte le programme du gala d’inauguration dont les bénéfices sont reversés à la Maison des Mères.

La revue corporative Sud-Ouest-Spectacles fait déjà le constat à propos du Pathé de Lyon de l’attente toujours très actuelle des spectateurs : « Le public ne se contente plus d’un bon spectacle ; il veut au cinéma trouver de plus en plus tout le confort possible. Il devient très difficile sur ce point et a raison ». De son côté, Le Lyon Républicain écrit des éloges flatteurs sur les frères Natan en les félicitant de « doter notre ville d’une salle magnifique qui ne manquera pas d’apaiser les vifs et sincères regrets laissés par la disparition de notre vieux et cher Casino ».

Ci-dessus: L’Étoile de Valencia (Serge de Poligny) le 28 juillet 1933.

Ci-dessus: Grand Hotel (Edmund Goulding) le 22 septembre 1933;

Les programmes sont principalement composés des productions maison comme Les Croix de bois de Raymond Bernard à partir du 7 avril 1933, La Tête d’un Homme de Julien Duvivier le 23 juin 1933 ou Théodore & Cie de Pierre Colombier à partir du 29 septembre 1933.

L’adaptation à succès de Victor Hugo Les Misérables par Raymond Bernard est projetée à partir du 16 février 1934 pour la première partie et les semaines du 23 février et du 2 mars pour les deuxième et troisième parties. Suivent Ces Messieurs de la Santé de Pierre Colombier avec Raimu le 5 octobre 1934 ou bien Le Bonheur de Marcel l’Herbier le 27 septembre 1935.

Cinéma Pathé Natan à Lyon

Ci-dessus: Le Paquebot Tenacity (Julien Duvivier) la semaine du 31 août 1934.

Ci-dessus: Le Bonheur (Marcel L’Herbier) à partir du 27 septembre 1935 (collection Fondation Jérôme Seydoux-Pathé)

Ci-dessus: La Kermesse héroïque (Jacques Feyder) le 14 février 1936.

La Pathé Palace sans Bernard Natan.

Après le départ de Bernard Natan de Pathé, le cinéma lyonnais occulte le nom de son initiateur et prend celui de Pathé-Palace.

Le Front Populaire et l’arrivée des 40 heures de travail hebdomadaire ainsi que la mise en place des deux jours de repos des travailleurs par semaine affectent l’exploitation cinématographique, peu regardante jusque-là sur les conditions de travail de ses employés.

Les cinémas lyonnais d’exclusivité sont frappés par ces nouvelles mesures qui les obligent à revoir à la baisse leurs dépenses. Comme le souligne La Cinématographie française en date du 25 juin 1937 « Seul le Pathé-Palace a gardé son standing, il faut convenir qu’il est aujourd’hui le seul grand établissement qui, à Lyon, tienne une place digne d’attention ».

Le prix des places étant bloqué, l’exploitation doit affronter la hausse des salaires et de diverses charges. Les salles lyonnaises d’exclusivité maintiennent leurs recettes en 1938 et de nouvelles pratiques s’instaurent à l’instar du circuit de Léon Siritzky qui programme des films à succès en pleine période d’été.

Les Lyonnais se précipitent au Pathé-Palace voir, entre autres, deux films de Julien Duvivier : La Belle équipe la semaine du 27 novembre 1936 et Pépé le Moko celle du 19 mars 1937. La Grande illusion (Jean Renoir) est programmé dès le 29 octobre 1937 pour 15 jours, Regain (Marcel Pagnol) le 12 janvier 1938, également pour 15 jours.

Cinéma Pathé Natan à Lyon

Ci-dessus: La Grande illusion (Jean Renoir) à partir du 29 octobre 1937.

Cinéma Pathé Natan à Lyon

Ci-dessus: L’Habit vert (Roger Richebé) à partir du 26 novembre 1937.

Cinéma Pathé Natan à Lyon

Ci-dessus: Regain (Marcel Pagnol) à partir du 12 janvier 1938.

Ci-dessus: La Reine Victoria (Herbert Wilcox) à partir du 22 juin 1938.

Ci-dessus: Les Dieux du stade (Leni Riefenstahl) le 23 novembre 1938.

Le grand succès du Marignan sur les Champs-Élysées, Blanche-Neige et les Sept Nains (Walt Disney) débarque au Pathé à partir du 19 octobre 1938 pour quatre semaines. Suit Entente cordiale (Marcel L’herbier) le 26 avril 1939 qui bénéficie d’un gala de première où toutes les autorités sont invitées par M. Damblans, le directeur du lieu. En cette veille de guerre, le Pathé-Palace se distingue de ses concurrents par ses grandes soirées mondaines.

Le Pathé-Palace en temps de guerre.

Avec la mobilisation générale, toutes les salles se trouvent désorganisées par le départ des employés et aussi des cadres dirigeants. La commission de défense passive reste seule juge du nombre de places à faire occuper en fonction des abris voisins. La reprise d’exploitation est complexe mais le Pathé-Palace parvient à donner en première vision dès le 20 décembre 1939 Ils étaient neuf célibataires de Sacha Guitry. Le public revient fréquenter les salles grâce au rétablissement de l’éclairage des rues. Le Chasseur de chez Maxim’s (Maurice Cammage) avec pour interprète le comique Bach y est à l’affiche dès le 27 décembre 1939.

L’exploitation lyonnaise connaît d’importantes difficultés liées au conflit. Cependant, l’activité des salles retrouve des couleurs dès janvier 1940. Ainsi, le Pathé-Palace organise une grande première le 17 janvier 1940, pour le film Le Plancher des vaches réalisé par Pierre-Jean Ducis. L’Aéro Club organise cette soirée de gala au profit des œuvres d’entraide et l’acteur principal du film Noël-Noël présente son film sur scène, habillé en aviateur.

M. Demblans, toujours à la tête du Pathé-Palace, souligne alors les excellentes recettes enfin enregistrées par sa salle depuis le début du conflit. M Demblans organise également un grand gala pour le lancement du film Le Chemin de l’honneur au profit des combattants nord-africains. La musique de la 142ème D.I. prête son concours à cette séance et un détachement de spahis forment dans le hall du Pathé une magnifique haie.

En ces temps troublés, Lyon et Marseille forment les deux grands centres cinématographiques de la zone libre.

À partir du 30 octobre 1940, le Pathé-Palace donne en exclusivité pour toute la France Paradis perdu (Abel Gance), l’exclusivité parisienne débutant le 12 novembre 1940 au Marivaux. Le 30 octobre 1940 est aussi la date où le public lyonnais peut découvrir les premières actualités projetées en zone libre.

Une autre sortie exclusive en France, La Fille du Puisatier (Marcel Pagnol) est jouée au Pathé-Palace le 20 décembre 1940 alors que sa sortie parisienne au Madeleine n’intervient qu’à partir du 23 avril 1941. Pendant trois semaines, le Pathé-Palace encaisse des recettes supérieures à Blanche-Neige et les Sept Nains, le film de Pagnol revenant au Pathé le 26 février 1941 pour 15 jours.

Le 21 mai 1941, le Comité des Fêtes de la Ville organise une soirée de gala au profit du Secours National dans trois salles de Lyon : l’Opéra-Grand-Théâtre, le Théâtre des Célestins et le Pathé-Palace. De nombreuses vedettes du cinéma et du music-hall prêtent leur concours dans les trois salles pour la vente aux enchères d’un tableau de maître, d’une robe magnifique en soierie lyonnaise et d’une photo dédicacée du Maréchal Pétain (!). Le Pathé-Palace arrive en tête des ventes avec une somme de 186 000 francs. Ce gala correspond à la sortie lyonnaise du film de Léonide Moguy L’Empreinte du Dieu qui tient 3 semaines à l’affiche du Pathé et enregistre de très importantes recettes.

Ci-dessus: Remorques (Jean Grémillon) à partir du 4 février 1942.

Au début de l’année 1942, d’importantes restrictions d’électricité sont imposées. Dès le 12 janvier, le Comité d’Organisation de l’Industrie Cinématographique (C.O.I.C.), un organisme mis en place par le régime de Vichy pour contrôler l’industrie cinématographique, impose un jour de fermeture hebdomadaire de toutes les salles. À Lyon, la fermeture est décidée pour le mardi pour les salles d’exclusivité – le Pathé-Palace, le Tivoli, la Scala et le Royal – et le mercredi pour les cinémas de quartier.

Malgré ces restrictions, l’exploitation lyonnaise connaît une prospérité sans précédent. Au Pathé-Palace, Boléro réalisé pour Pathé par Jean Boyer avec Arletty et André Luguet (pour 15 jours à partir du 30 septembre 1942) et Le Destin fabuleux de Désirée Clary de Sacha Guitry (pour 15 jours à partir du 14 octobre 1942) enregistrent des recettes record.

En novembre 1942, Lyon est occupé par les Allemands. La salle du Pathé-Palace ne désemplit pourtant pas grâce à deux des plus grands succès sous l’Occupation, Le Voile bleu (Jean Stelli) à partir du 11 novembre 1942 et la production Pathé Pontcarral Colonel d’Empire (Jean Delannoy) à partir du 16 décembre 1942.

Le mardi 28 septembre 1943, un gala au profit des prisonniers est proposé avec la projection du film de Gilles Grangier Adémaï Bandit d’honneur en présence de son interprète Noël-Noël qui joue sur scène plusieurs de ses sketches.

À l’instar du Gaumont-Palace de Paris, le Pathé de Lyon propose La Nuit du cinéma qui pour son édition de 1943 surprend le public en projetant des images tournées durant l’entrée des spectateurs et projetées devant eux seulement deux heures après le début de la séance.

Des difficultés affectent la fréquentation des salles du centre de Lyon en ce début 1944. Le couvre-feu impose une dernière séance à 19h45 et la circulation des tramways prend fin à 22 heures : l’impact sur le fléchissement des entrées se fait sentir.

Paradoxalement le Pathé-Palace maintient sa fréquentation grâce à la sortie exclusive de L’Éternel retour (Jean Delannoy) le 9 février 1944. Il en est de même pour Premier de cordée (Louis Daquin) qui enregistre des recettes record dès le 5 avril 1944. Le bombardement des Alliés du 26 mai 1944 impose une suspension des spectacles jusqu’au 30 mai. Les rendements de Douce (Claude Autant-Lara) présenté dès le 7 juin 1944 sont pénalisés, les lyonnais limitant leurs sorties au cinéma.

Ci-dessus: Les Enfants du Paradis (Marcel Carné) à partir du 23 mai 1945.

Ci-dessus: Sylvie et le fantôme (Claude Autant-Lara) la semaine du 26 décembre 1945.

Ci-dessus: Les Trois cousines (Jacques Daniel-Norman) en 1947.

A la Libération, l’activité du Pathé-Palace est marquée par la sortie exclusive du film de Marcel Carné Les Enfants du Paradis le 23 mai 1945, deux mois après Paris. Pathé annonce une recette de 2 683 474 francs pour une exploitation de trois semaines et 45 320 entrées (chiffres C.N.C.). Parmi les films considérés aujourd’hui comme des classiques, le Pathé-Palace affiche Falbalas (Jacques Becker) le 5 septembre 1945, Les Dames du Bois de Boulogne (Robert Bresson) le 7 novembre 1945 ou La Bataille du rail (René Clément) le 19 juin 1946.

Suivent Pinocchio (Walt Disney) le 11 septembre 1946, La Symphonie pastorale (Jean Delannoy) le 6 novembre 1946, Le Belle et la Bête (Jean Cocteau) le 4 décembre 1946 ou Les Portes de la nuit (Marcel Carné) le 18 décembre 1946.

Le 29 octobre 1947, l’augmentation du prix des places fait craindre une diminution des entrées. Ce qui n’est pas avéré au Pathé-Palace où Quai des Orfèvres rencontre un succès considérable à partir du 5 novembre. Cette tendance se confirme en janvier 1948 où Pathé annonce une augmentation de 6,55% des entrées par rapport à janvier 1947.

Le tandem Pathé-Palace et Eldorado.

A partir du 1er septembre 1948, le Pathé-Palace s’associe à l’Eldorado, l’une des salles les plus importantes de la rive-gauche lyonnaise, pour constituer un tandem majeur de l’exploitation dans la capitale des Gaules. Bambi (Walt Disney) inaugure la formule de ce tandem qui obtient des résultats particulièrement brillants sur le marché lyonnais. On peut y voir entre autres Dédée d’Anvers (Yves Allégret) à partir du 22 septembre 1948, Duel au Soleil (King Vidor) le 19 janvier 1949, Fabiola (Alessandro Blasetti) le 15 juin 1949 ou bien Le Voleur de Bicyclette (Vittorio De Sica) le 23 novembre 1949.

Ci-dessus: la salle rénovée en 1951.

Ci-dessus: Riz amer (Giuseppe De Santis) la semaine du 11 janvier 1950.

En janvier 1950, le tandem Pathé-Palace/Eldorado bat des records de recettes avec Riz amer  (Giuseppe de Santis) interprété par la pulpeuse Silvana Mangano. Le Pathé-Palace accueille alors 28521 spectateurs la semaine du 11, un record ! Le tandem s’impose et accumule les records de fréquentation avec des films comme Samson et Dalila (Cecil B. De Mille) à partir du 23 janvier 1952, Limelight (Charles Chaplin) le 4 février 1953, Sous le plus grand chapiteau du monde (Cecil B. De Mille) le 23 septembre 1953, Si Versailles m’était conté (Sacha Guitry) le 17 février 1954 (56 471 entrées en 3 semaines) ou bien Quo Vadis (Mervyn LeRoy) le 14 avril 1954 avec 38 821 entrées en 3 semaines.

Le Pathé-Palace et l’Eldorado de Lyon sont les deux premières salles de la région à être équipées du format CinemaScope. Le cadre de scène étroit de la salle implique une largeur d’image moindre que dans d’autres cinémas. La Tunique (Henry Koster) sort le 9 juin 1954 dans ces deux cinémas.

Le matin à 10h30 avant les séances publiques, le Pathé-Palace, à l’instar du Normandie sur les Champs-Elysées, du Pathé-Palace de Marseille ou du Fémina de Bordeaux, propose des démonstrations du procédé CinemaScope aux exploitants de la région. L’enjeu pour le Fox est qu’un maximum d’exploitants s’équipent afin d’écouler ses productions, désormais toutes réalisées avec ce procédé.

Les grands galas du Pathé-Palace.

Durant les années 1950, le Pathé-Palace se distingue par ses grands galas de lancements des films.

Le 5 octobre 1955, Jean-Paul Le Chanois, accompagné de Sylvia Montfort participe au grand gala au profit de l’Association des évadés de la guerre. Au cours de la soirée, il présente leur film Les Évadés sur la scène du Pathé-Palace. Dans le hall, devant une haie de militaires, le directeur du cinéma M. Maillet accueille les invités dont M. Massenet, préfet du Rhône qui préside ce gala.

Ci-dessus: l’écran CinemaScope en 1954.

Ci-dessus: le balcon et la mezzanine en 1954.

Ci-dessus: le hall en 1954.

Suzy Delair et Mathilde Casadesus viennent présenter au Pathé-Palace le film de René Clément Gervaise au cours d’une grande soirée de gala, le mercredi 10 octobre 1956. Le film sera vu par 48 129 spectateurs au Pathé. La veille, le 9, Ingrid Bergman se rend au Pathé-Palace, pour présenter en avant-première lyonnaise Elena et les hommes de Jean Renoir. Le mercredi 18 septembre 1957, c’est au tour de Fernand Raynaud de présenter Fernand clochard (Pierre Chevalier) sur la scène du cinéma et de s’installer au bar du cinéma pour signer des photos et ses disques.

Pour le lancement des Misérables, la superproduction Pathé réalisée par Jean-Paul Le Chanois, le Pathé-Palace organise un grand gala le mercredi 5 mars 1958 en présence de Serge Reggiani et Sylvia Montfort qui débattent avec le public. Si, au cours de la soirée de gala, cette nouvelle adaptation de l’œuvre de Victor Hugo est présentée intégralement, elle sera exploitée en deux époques à Lyon.

Le réalisateur Alexandre Astruc et son interprète Christian Marquand viennent présenter Une vie d’après Guy de Maupassant sur la scène du cinéma le mercredi 19 novembre 1958. La venue régulière de réalisateurs et d’interprètes dans les salles de Lyon influence la carrière des films et suscite un intérêt observable dans les rendements.

Ci-dessus: la Pathé Palace dans les années 1960.

Ci-dessus: La Ronde (Roger Vadim) à partir du 4 novembre 1964.

Jean Dréville, réalisateur de Normandie-Niemen présente son film au Pathé-Palace au cours d’une soirée de gala au profit d’associations de la Résistance. Trois des pilotes de la célèbre escadrille interviennent au cours du débat. Le mardi 15 mai 1962, c’est au tour de l’avant-première du film de Jean Renoir Le Caporal épinglé, sous le patronage de l’Union Nationale des Evadés de guerre.

Pour la sortie le 10 avril 1963 du film Fort du Fou, M. Maillet, alors directeur du Pathé-Palace, organise un grand gala en présence de son réalisateur Léo Joannon. Les autorités militaires sont accueillies au son de la musique du 99ème R.I.A. Un débat est organisé avec le réalisateur et son premier assistant Roger Dullier qui racontent au public des anecdotes concernant le tournage du film en Camargue alors que l’intrigue se déroule en Indochine.

Parmi les films projetés durant les années 1960 au Pathé-Palace, citons : Le Capitan (André Hunebelle) le 26 octobre 1960, Le Cid (Anthony Mann) projeté en 70 mm dès le 10 janvier 1962, Sodome et Gomorrhe (Robert Aldrich) le 13 février 1963 ou Le Guépard (Luchino Visconti) le 30 octobre 1963.

Suivent Week-end à Zuydcoote (Henri Verneuil) le 20 janvier 1965, Les Grandes Gueules (Robert Enrico) le 1er décembre 1965, La Grande Vadrouille (Gérard Oury) à partir du 14 décembre 1966 et On ne vit que deux fois (Lewis Gilbert) le 4 octobre 1967. D’autres grands succès bénéficient de la prestigieuse salle lyonnaise : Le Tatoué (Denys de la Patellière) le 16 octobre 1968,  Le Clan des Siciliens (Henri Verneuil) le 17 décembre 1969 ou bien Le Cercle Rouge (Jean-Pierre Melville) à partir du 21 octobre 1970.

Désormais, les films tiennent l’affiche durant de nombreuses semaines rompant ainsi la tradition du changement de programme tous les 15 jours. Mais cette formule est peu adaptée aux grands mono-écrans dont les rendements fléchissent dès la troisième semaine d’exploitation. La survie de ces grandes salles est alors remise en question.

Le Pathé-Palace transformé en complexe de 4 salles.

Pathé lance à la fin des années 1960 un vaste plan de restructuration de ses sites. Les grands volumes des salles, désormais peu adaptés, sont découpés en plusieurs salles. L’ère des complexes cinématographiques commence. Cette restructuration débute au Pathé-Palace de Marseille en 1967, puis à Bruxelles et au Marignan des Champs-Élysées en 1968.

Le site de Lyon ferme ses portes le 12 avril 1972 pour être transformé par les architectes Vladimir Scob et Jean Touraine en un complexe de quatre salles, respectivement de 898, 392, 197 et 190 places. Soit un total de 1677 fauteuils.

Pathé Palace à Lyon

Ci-dessus: la nouvelle façade en 1972.

Pathé Palace à Lyon

Ci-dessus: le hall.

Pathé Palace à Lyon

Ci-dessus: salle 1.

Pathé Palace à Lyon

Ci-dessus: salle 2.

Pathé Palace à Lyon

Ci-dessus: salle 3.

Pathé Palace à Lyon

Ci-dessus: salle 4.

Pathé Palace à Lyon

Ci-dessus: plan de coupe.

Chacune des salles est contrôlée par vidéo. Le nouveau complexe comporte un hall monumental « à la décoration futuriste » équipé d’un escalator et de larges dégagements. Une façade ultra lumineuse donnant sur la rue de la République constitue un important atout publicitaire et le public « avant d’entrer dans les salles, aura tout le loisir d’admirer sur les revêtement muraux des jeux de lumière aux multiples effets optiques » comme le commente la revue Le Film français dans son édition du 20 octobre 1972.

Le complexe Les 4 Pathé est inauguré le 24 octobre 1972 avec la première mondiale du film de Jean-Pierre Melville Un Flic avec Alain Delon et Catherine Deneuve. Les autres salles du complexe affichent pour l’ouverture Le Parrain de Francis Ford Coppola, Délivrance de John Boorman et Bananas de Woody Allen. Ce dernier film est proposé en version originale, Pathé souhaitant développer sa politique de programmation de films d’Art & Essai en VO en province, chose alors rare.

Cette nouvelle formule rencontre un important succès qui va durer 23 années.

Le multiplexe Pathé Bellecour.

Le Pathé-Palace ferme ses portes le 31 janvier 1995 pour une complète restructuration. Pathé rachète l’immeuble voisin du 16, rue Bellecordière, ancien siège des Messageries Lyonnaises de presse afin d’étendre son site.

Le chantier du Pathé, au coût de 70 millions de francs, est identique à celui de Pathé Wepler de Paris : il s’agit de tout évider et de ne garder que la façade. Le multiplexe est conçu sur quatre niveaux, un premier hall conduisant à un second de 280 m2 qui offre une vue sur les balcons d’accès aux salles.

Toutes les salles sont gradinées et sont équipées en Dolby SR et son digital. La grande salle de 480 fauteuils possède un écran de 17 mètres de base, pour les plus petites (environ 100 fauteuils), ils sont de 10 mètres de base. La capacité du Pathé Bellecour (qui perd sa dénomination Palace) est de 2126 fauteuils, le circuit misant sur un objectif du million d’entrées annuelles. Le contrat est rempli puisque pour sa première année de fonctionnement, le Pathé rénové de Lyon accueille 1 210 759 spectateurs et se classe 7ème dans le top 50 des cinémas de France.

Presque un siècle plus tard, le Pathé Bellecour reste un maillon essentiel de l’exploitation cinématographique.

Portfolio.

Ci-dessus: programme du Pathé-Palace dans les années 1930.

Ci-dessus: programme du Pathé-Palace dans les années 1940.

Ci-dessus: programme du Pathé-Palace dans les années 1950.

Ci-dessus: Blanche-Neige et les Sept Nains (Walt Disney) à partir du 19 octobre 1938.

Ci-dessus: Ma sœur de lait (Jean Boyer) le 10 février 1939.

Ci-dessus: crochet radiophonique le 23 août 1939.

Ci-dessus: Toute la ville danse (Julien Duvivier) le 23 mars 1939.

Ci-dessus: Quo vadis (Mervyn LeRoy) à partir du 14 avril 1954.

Ci-dessus: La Tunique (Henry Koster) à partir du 9 juin 1954.

Ci-dessus: Moi y’en a vouloir des sous (Jean Yanne) à partir du 28 février 1973.

Voir l’article sur le Pathé Bellecour.

Texte: Thierry Béné.
Documents: La Cinématographie française, Le Film à Lyon, Le Film français, Sud-Ouest Spectacles, Lyon-Républicain, Gallica-Bnf, Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, C.N.C.