Adresse: 29 boulevard des Italiens à Paris (IIè arrondissement)
Nombre de salles: 1 puis 3
Au mitan des années 1920, à l’heure où le cinéma parlant n’est pas encore né, le groupement des cinémas Lutétia gère dans la capitale une vingtaine de salles, dont le récent Empire de l’avenue de Wagram. Célèbre music-hall et cirque, l’Empire devient un des lieux les plus fréquentés de la capitale.
Fort de ce succès, les établissements Lutétia-Empire ouvrent au 29 boulevard des Italiens, à quelques mètres de la place de l’Opéra et à la place du bouillon du boulevard des Italiens, « une salle confortable, luxueuse, intime et artistique consacrée au 7ème Art » comme le clame la publicité.
Cette nouvelle salle inaugurée le 3 juin 1926, c’est l’Impérial. Le quotidien Le Matin du 4 juin 1926 commente la soirée inaugurale du nouveau cinéma des Grands boulevards : « Hier soir a eu lieu, devant une brillante assemblée, l’inauguration du plus élégant cinéma de Paris, l’Impérial qui présente sa façade de marbre sur le boulevard des Italiens. La salle admirablement organisée, permet aux spectateurs assis dans de confortables fauteuils de jouir à l’aise du spectacle cinématographique. Un foyer qui donne sur un large balcon, est disposé de façon que le public puisse attendre au milieu d’un cadre agréable la séance suivante. Ses accès sont larges et commodes et la décoration de style Empire donne à ce bel établissement la note correcte et distinguée que les amateurs de cinéma désiraient trouver sur les Boulevards. A l’issue du spectacle, les invités se réunirent autour de M. Fournier, l’actif animateur de la société Lutétia et l’on but une coupe de champagne au succès de l’Impérial ».
Ci-dessus: la salle en 1926.
C’est la production française 600 000 francs par mois de Nicolas Koline et Robert Péguy qui lance l’Impérial. La séance commence par le Pathé-Journal, suivi du programme Pathé-Revue avec pour thème Hollywood et Los Angeles sous le titre Où brillent les étoiles ? Arrive enfin « le grand film » interprété par « le grand acteur » Nicolas Koline ainsi que Charles Vanel et Madeleine Guitty.
Ci-dessus: 600 000 francs par mois de Nicolas Koline et Robert Péguy le 4 juin 1926.
Le Matin conclut son article avec la décoration de la salle : « Luminosité des tableaux, choix des décors, tout concourra à amener à l’Impérial le grand public ». Et le public vient nombreux découvrir à partir du 3 décembre 1926 l’exclusivité de Michel Strogoff réalisé par Victor Tourjanski avec Ivan Mosjoukine dans le rôle-titre.
La salle programme en exclusivité un grand nombre de films issus des studios allemands UFA (Universum Film AG), à l’instar de Variétés de Ewald André Dupont avec le grand Emil Jannings et Lya De Putti exclusivement à l’affiche de l’Impérial dès le 21 janvier 1927 durant dix-sept semaines ou bien La Montagne sacrée de Arnold Fanck avec Leni Riefenstahl à partir du 20 mai 1927.
Le mythe Metropolis débute à l’Impérial.
Œuvre colossale, Metropolis est présenté aux exploitants au cours d’une représentation corporative à l’Empire. Le gala de sortie a lieu au Lutétia le 13 octobre 1927. C’est le lendemain que l’exclusivité du film de Fritz Lang débute à l’Impérial. La presse n’est pas unanime comme en témoigne l’article du critique Edmond Épardaud dans Cinéa du 1er octobre 1927 : « C’est par la technique que Metropolis s’est imposé dès le premier jour comme une œuvre unique, un des sommets de la cinégraphie moderne. On en a contesté la forme d’art et la tendance intellectuelle et le fond a pu paraître nettement inférieur à la forme. Si ce chef-d’œuvre énorme est imparfait ou plutôt ne contient pas en lui toutes les perfections il n’en faut accuser que l’humaine faiblesse (…) Metropolis nous étonne et nous accable sans nous émouvoir. Mais il est toujours vain de demander aux œuvres humaines ce qu’elles ne peuvent nous donner ».
De son côté, le journal Candide du 17 novembre 1927 qui pense que « le public n’y comprendra rien » s’étonne qu’il soit impossible de trouver une place disponible à moins de passer par le bureau de location du cinéma plusieurs jours à l’avance. Film contesté mais unique, Metropolis, interprété par la belle Brigitte Helm et Alfred Abel, remporte un grand succès à l’Impérial où il reste à l’affiche seize semaines consécutives avec trois séances par jour.
Le 3 février 1928, Le Bonheur du jour de Gaston Ravel succède à Metropolis. L’Impérial précise que « le film Metropolis interrompt en plein triomphe sa carrière par courtoisie envers un concurrent français ». Avant d’effectuer sa sortie générale, le film de Fritz Lang est repris deux semaines à l’Impérial à partir du 16 mars 1928.
Ci-dessus; Metropolis de Fritz Lang à l’affiche en exclusivité le 14 octobre 1927.
Adaptation du roman de Joseph Kessel, L’Équipage de Maurice Tourneur sort exclusivement à l’Impérial le 30 mars 1928. Distribué par l’Alliance Cinématographie Européenne (ACE) et produit par Lutèce-Films, le film interprété par Claire De Lorez, Georges Charlia et Jean Dax rencontre un grand succès et y reste à l’affiche durant dix-neuf semaines.
Entre documentaire et œuvre de fiction sur la bataille de Verdun en 1916, Verdun, visions d’histoire de Léon Poirier sort à grand renfort de publicité au cours d’une soirée de gala organisée le 8 novembre 1928 à l’Opéra de Paris en présence du Président de la République. L’exclusivité du film interprété par Albert Préjean et Jeanne Marie-Laurent se déroule au Marivaux durant douze semaines avec une continuation de deux semaines au Gaumont Palace. Fort de ce succès, l’Impérial joue les prolongations dès le 28 juin 1929 durant cinq semaines.
La fin des années 1920 marque l’ascension du visionnaire Bernard Natan qui, en prenant le contrôle de Pathé-Cinéma, développe considérablement la branche exploitation et créé le 12 avril 1929 la Société de Gérance des Cinémas Pathé (S.G.C.P.). Le 24 avril 1929, la S.G.C.P. prend en gérance le circuit d’une vingtaine de salles appartenant au groupement Fournier-Lutétia, l’Impérial devenant ainsi un théâtre cinématographique Pathé-Natan. Un an plus tard, le 28 juin 1930, le circuit Fournier-Lutétia est absorbé par Pathé.
Ci-dessus: Erotikon (Séduction) de Gustav Machaty.
Le 27 septembre 1929, sort le sulfureux film tchécoslovaque Erotikon qui prend pour titre français Séduction. Réalisé par Gustav Machaty et interprété par Karel Schleichert et Ita Rina, Erotikon, qui comporte des scènes de nus, est à l’affiche avec des sous-titres français et anglais au seul Impérial Pathé pendant huit semaines. « Les effets dévastateurs d’un coup de foudre érotique dont la puissance bafoue les principes moraux » selon Dominique Païni attire un large public.
L’arrivée du cinéma parlant dans la salle intégrée à Pathé-Natan.
En cette fin des années 1920, le cinéma parlant arrive sur les écrans. Cette innovation majeure force les studios et les exploitants à accepter les conditions de sociétés étrangères comme RCA, Western Electric ou bien Tobis-Klangfilm. Une transformation des salles est opérée, comme le rappelle Jean-Pierre Jeancolas dans Le Cinéma des Français, 15 ans d’années trente (1920-1944) aux Editions Nouveau Monde (2005) : « Le parlant s’impose dans tous les domaines (…) Les statistiques publiées par la chambre syndicale de la Cinématographie dénombre qu’en mars 1930, 194 salles sont équipées pour le parlant ; en mai 1930 : 250 ; en septembre 1930, 450 ; en décembre 1930, 552, en mars 1931, 703 et en octobre 1931, 1027 ».
Le film allemand « sonore et chantant » Le Diable blanc réalisé par Alexandre Volkoff avec Ivan Mosjoukine dans le rôle de Hadji Murad sort à l’Impérial le 21 mars 1930. Suivent La Tendresse d’André Hugon avec Marcelle Chantal et Lucien Baroux à l’affiche le 16 mai 1930, le film policier produit par Jacques Haïk Le Mystère de la villa rose de Louis Mercanton et René Hervil le 18 juillet 1930, la production franco-allemande Barcarolle d’amour de Carl Froelich et Henry Roussel avec Annabella et Charles Boyer le 10 octobre 1930 avec en complément Mickey aviateur de Walt Disney.
Ci-dessus: Barcarolle d’amour de Carl Froelich et Henry Roussel le 10 octobre 1930.
En ce début des années 1930, le grand succès cinématographique Le Chemin du paradis réalisé par Wilhelm Thiele et Max de Vaucorbeil et tourné en double version dans les studios de la UFA à Berlin, impose au grand public ses deux interprètes de la version française : Lilian Harvey – également dans la version allemande – et Henri Garat reprenant pour la France le rôle de Willy Fritsch.
Ci-dessus: Le Chemin du paradis de Wilhelm Thiele et Max de Vaucorbeil le 14 novembre 1930.
En cette période de crise, cette comédie musicale narrant l’histoire de trois amis ruinés se lançant dans les affaires attire le public. Toute la France chante le titre phare du film : « Avoir un bon copain, voilà ce qu’il y a de meilleur au monde ». Le film sort en exclusivité au seul Impérial Pathé, le 14 novembre 1930.
Suivent les prolongations d’exclusivité du film américain À l’Ouest, rien de nouveau de Lewis Milestone – dont la sortie initiale a lieu à l’Ermitage – à l’affiche à l’Impérial le 13 février 1931 et surtout de la comédie Le Roi des resquilleurs de Pierre Colombier avec Georges Milton qui y reste à l’affiche vingt-six semaines dès le 10 juillet 1931. La version française de M le maudit, le premier film parlant de Fritz Lang, y est programmée à partir du 3 septembre 1932.
Ci-dessus: les prolongations de À l’Ouest, rien de nouveau de Lewis Milestone le 13 février 1931.
Ci-dessus: Paris-Méditerranée de Joe May le 18 mars 1932.
Ci-dessus: M le maudit de Fritz Lang le 3 septembre 1932.
Dans la revue Images du 1er janvier 1933, Bernard Natan prend la parole pour évoquer la politique suivie par Pathé-Natan à un moment où une crise économique sans précédent atteint l’industrie cinématographique. Bernard Natan évoque en particulier le Pathé-Journal présent à chaque séance : « Déjà inscrit régulièrement au programme de la majorité des théâtres cinématographiques, le Pathé-Journal était chaque semaine attendu par un public friand d’actualités vécues (…) Nous avons désiré qu’il prolonge sa ligne journalistique et réalise dans tous les domaines de véritables reportages, capables d’instruire par des documents amples et fidèles (…) Le Pathé-Journal s’est enrichi des « Actualités féminines ». (…) Présenter les plus séduisantes formes de goût et de l’élégance, c’est, croyons-nous, servir une fois de plus l’esprit français ».
Durant les années 1930, tout en conservant de véritables sorties en exclusivité, l’Impérial propose les prolongations des exclusivités de la luxueuse salle Marignan Pathé ouverte par Bernard Natan sur les Champs-Elysées avec des films comme Le Testament du docteur Mabuse de Fritz Lang le 5 mai 1933, Le Grand Jeu de Jacques Feyder le 1er juin 1934, Le Petit Colonel de David Butler avec Shirley Temple le 5 juillet 1935, Courrier sud de Pierre Billon d’après Antoine de Saint-Exupéry avec Pierre-Richard Willm le 26 mars 1937, Les Perles de la couronne de Sacha Guitry et Christian-Jaque le 6 août 1937, Regain de Marcel Pagnol le 10 décembre 1937 ou La Tragédie impériale de Marcel L’Herbier avec, dans le rôle de Raspoutine, Harry Baur ainsi que Marcelle Chantal et Pierre Richard-Willm le 13 mai 1938.
Ci-dessus L’Heure joyeuse de Mickey de Walt Disney le 20 juillet 1934.
Ci-dessus: Les Loups entre eux de Léon Mathot à partir du 25 septembre 1936 pendant huit semaines.
Ci-dessus: le cinéma en relief en 1936.
A partir du 7 août 1936, l’Impérial présente un programme de films en relief selon un procédé de Louis Lumière qui présente son système anaglyphique de relief par défilement horizontal. Deux films en relief sont présentés : L’Ami de monsieur, film comique de 950 mètres et Sur la Riviera, documentaire de 800 mètres. Le succès est immédiat mais, comme le souligne la presse, la déception des critiques et du public est grande du fait des nombreuses imperfections liées au procédé, en particulier la luminosité insuffisante et la gêne occasionnée par les lunettes aux verres colorées bleu et jaunes.
Programmé au Marignan et malgré son immense succès, Blanche-Neige et les Sept Nains quitte la salle des Champs-Elysées après dix-huit semaines d’exclusivité car des engagements antérieurs sont pris. L’Impérial récupère le film de Walt Disney et y prolonge l’exclusivité à compter du 11 septembre 1938 pendant treize semaines avant sa sortie générale pour les fêtes de fin d’années dans les salles de quartier.
L’Impérial Pathé sous l’Occupation.
Quand la guerre éclate le 3 septembre 1939, le trio Fernandel, Michel Simon et Arletty est à l’affiche de l’Impérial avec la comédie Fric-Frac de Maurice Lehmann et Claude Autant-Lara. La salle rouvre ses portes quelques semaine plus tard, le 1er novembre 1939, avec les prolongations de Fric-Frac qui se poursuivent jusqu’au 10 janvier 1940.
L’Impérial est exploité comme avant-guerre, avec des secondes exclusivités de films en provenance des grandes salles de première vision, à l’instar de Miquette de Jean Boyer avec Lilian Harvey à partir du 22 mai 1940 dont l’exclusivité a lieu plus tôt au Rex. Quand les troupes allemandes entrent dans Paris, Miquette est toujours à l’affiche de l’Impérial.
Ce n’est qu’à partir du 10 juillet 1940 que l’Impérial reçoit l’autorisation de rouvrir ses portes. La salle prolonge l’exploitation de Miquette jusqu’au 8 octobre. Suivent les secondes exclusivités de productions allemandes dont le film de propagande Campagne de Pologne de Fritz Hippler à partir du 30 octobre puis Les Trois Codonas d’Arthur-Maria Rabenalt, un film retraçant la carrière des virtuoses du trapèze à partir du 27 novembre 1940. Suivent La Fugue de Monsieur Patterson de Herbert Selpin le 25 décembre 1940 ou encore la production Tobis Film La Lutte héroïque de Hans Steinhoff avec Emil Jannings le 8 janvier 1941.
Un des problèmes majeurs des directeurs de cinémas en ces temps de guerre est le chauffage de leurs salles, dont beaucoup ne sont plus approvisionnées en combustible. De ce fait, comme le rappelle la revue collaborationniste Le Film en date du 1er janvier 1941, la mention « salle chauffée » ne peut pas être annoncée ni dans la publicité – journaux, prospectus -, ni sur la façade ou dans le hall des cinémas. Alors que les salles de cinéma de Paris et de la Seine réussissent malgré tout à obtenir du charbon, beaucoup d’écoles et de foyers domestiques n’ont pas de combustible. « Il nous a semblé en toute équité, qu’il serait indécent de notre part de faire trop ressortir l’avantage qui nous a été accordé » précise Le Film.
Ci-dessus: programme Pathé Consortium Cinéma en 1941-1942.
Ci-dessus: Bel Ami de Willi Forst en seconde exclusivité à partir du 13 août 1941.
Parmi les films programmés durant l’Occupation, citons Bel Ami de Willi Forst d’après Guy de Maupassant à l’affiche le 13 août 1941, puis toute une série de secondes exclusivités provenant du prestigieux Ermitage Pathé des Champs-Elysées dont le musical produit par Pathé et réalisé par Jean Boyer Romance de Paris avec Charles Trenet le 24 décembre 1941. Suivent Le Briseur de chaînes de Jacques Daniel-Norman avec Pierre Fresnay le 20 février 1942, Dernier atout de Jacques Becker avec l’excellent Raymond Rouleau et Mireille Balin le 2 octobre 1942 ou encore l’un des plus grands succès de l’Occupation Le Voile bleu de Jean Stelli avec Gaby Morlay, Pierre Larquey et Elvire Popesco le 1er janvier 1943.
C’est avec la sortie d’Une femme dans la nuit d’Edmond T. Gréville avec Viviane Romance et Claude Dauphin le 13 janvier 1943 que l’Impérial, en combinaison avec l’Ermitage, devient enfin une salle de première exclusivité avec des productions Pathé comme Port d’attache de Jean Choux avec Michèle Alfa, René Dary et Edouard Delmont le 10 février 1943 ou bien L’Aventure est au coin de la rue de Jacques Daniel-Norman avec Raymond Rouleau et Michèle Alfa le 18 février 1944.
Exclusivités et prolongations dans la salle de l’Impérial Pathé.
A la Libération, l’Impérial poursuit les programmes en exclusivité en combinaison avec Les Portiques ou le César sur les Champs-Elysées, l’Eldorado et le Cinécran pour, entre autres, le policier Seul dans la nuit de Christian Stengel avec Bernard Blier le 21 novembre 1945, 120, rue de la gare de Jacques Daniel-Norman d’après Léo Malet avec René Dary le 6 février 1946, Rome, ville ouverte de Roberto Rossellini avec Anna Magnani le 13 novembre 1946, Pas si bête d’André Berthomieu avec le jeune Bourvil le 19 mars 1947, le musical La Septième porte d’André Zwobada avec Maria Casarès le 28 janvier 1948 ou bien Fantômas contre Fantômas de Robert Vernay le 18 mars 1949.
Ci-dessus: ressortie le 26 septembre 1945 de La Règle du jeu (1939) de Jean Renoir.
Ci-dessus: Rome ville ouverte de Roberto Rossellini le 13 novembre 1946.
Ci-dessus: La Septième Porte d’André Zwobada à partir du 28 janvier 1948.
En 1950, l’Impérial Pathé redevient un cinéma de seconde exclusivité avec des prolongations de films en provenance du tandem Marignan et Marivaux comme La Belle que voilà de Jean-Paul Le Chanois avec Michèle Morgan et Henri Vidal à partir du 24 mai 1950, Justice est faite d’André Cayatte le 20 octobre 1950, Sous le ciel de Paris de Julien Duvivier le 2 mai 1951, L’Amour, Madame de Gilles Grangier avec Arletty et François Perrier le 16 avril 1952, Nous sommes tous des assassins d’André Cayatte le 23 juillet 1952 pendant onze semaines ou bien La Fête à Henriette de Julien Duvivier avec Michel Auclair et Dany Robin le 14 janvier 1953.
Alors que le Marignan rejoint le 28 août 1953 le Gaumont Palace et le Berlitz pour constituer une combinaison de salles aux sorties très populaires, l’Impérial assure les secondes exclusivités en provenance d’autres combinaisons, principalement de films distribués par Pathé comme Les Trois Mousquetaires d’André Hunebelle à l’affiche à partir du 16 décembre 1953, Crainquebille de Ralph Habib avec Yves Deniaud le 2 juillet 1954, La Dernière valse d’Arthur Maria Rabenalt le 13 août 1954, Obsession de Jean Delannoy avec Michèle Morgan et Raf Vallone le 22 décembre 1954, Pain, Amour et Jalousie de Luigi Comencini avec Vittorio De Sica et Gina Lollobrigida le 6 mai 1955, Typhon sur Nagasaki d’Yves Ciampi avec Danielle Darrieux et Jean Marais le 13 mars 1957 ou bien Les Sorcières de Salem de Raymond Rouleau avec Simone Signoret et Yves Montand le 10 juillet 1957.
Quelquefois, un film y sort en exclusivité comme, à partir du 25 janvier 1956, Maigret dirige l’enquête de Stany Cordier d’après Cécile est morte de Georges Simenon avec Maurice Manson dans le rôle de Maigret ou bien, le 12 février 1958, Charmants Garçons de Henri Decoin avec Zizi Jeanmaire, Daniel Gélin, Henri Vidal et François Périer.
Le 30 juin 1958, l’Impérial ferme afin d’effectuer d’importants travaux. Une nouvelle façade est édifiée et, pour la première fois sur les Grands boulevard, des panneaux lumineux américains Bevelite sont installés. Les travaux concernent également le changement des fauteuils, la rénovation des planchers, les peintures de la salle et l’installation de nouvelles appliques lumineuses. Les accès à la cabine et aux commodités sont améliorés.
Ci-dessus: réouverture le 6 août 1958 de l’Impérial avec Les Misérables de Jean-Paul Le Chanois.
Ci-dessus: Les Misérables, deuxième époque de Jean-Paul Le Chanois à partir du 3 septembre 1958.
Ces travaux qui « apportent un total rajeunissement de la salle » sont dirigés par l’architecte Vladimir Scob. La revue Pathé-Journal renchérit : « Les lettres du bandeau de la marquise se détachent en clair sur un fond foncé, alors que le panneau d’annonce du film représente la plus importante plage lumineuse, uniforme, réalisée à ce jour dans ce domaine. L’installation comporte : l’inscription Impérial-Pathé en lettres de 0,70 m de hauteur sur la face de la marquise ; l’inscription Impérial, de même hauteur sur chacun des deux retours. Toutes ces lettres, d’un type nouveau, sont en Plexiglass blanc et jaune. Ces inscriptions sont rendues lumineuses d’une façon parfaitement uniforme au moyen de tubes fluorescents blancs, épousant, à l’intérieur, la forme des lettres (…) L’éclairage actuel du hall est considérablement augmenté par l’adjonction de tubes fluorescents blancs ».
L’Impérial rénové rouvre ses portes le 6 août 1958 avec les prolongations de la superproduction Pathé Les Misérables de Jean-Paul Le Chanois avec Jean Gabin. C’est avec la première époque du diptyque que les spectateurs découvrent le cinéma rajeuni, alors que l’exclusivité propose les deux parties en une séance avec des prix de places doublé. La seconde partie y est proposée le 3 septembre 1958.
L’Impérial Pathé poursuit sa carrière de salle de seconde exclusivité avec, entre autres, les prolongations de Maigret et l’Affaire Saint-Fiacre de Jean Delannoy avec Jean Gabin à partir du 30 septembre 1959, Les Vieux de la vieille de Gilles Grangier avec Jean Gabin, Noël-Noël et Pierre Fresnay le 5 octobre 1960, Le Président de Henri Verneuil avec Jean Gabin le 27 avril 1961, le péplum Sodome et Gomorrhe de Robert Aldrich le 22 décembre 1962 ou bien Le Couteau dans la plaie d’Anatole Litvak le 13 février 1963.
Ci-dessus: Maigret et l’Affaire Saint-Fiacre le 30 septembre 1959.
Ci-dessus: Le Fanfaron de Dino Risi le 22 juin 1963.
Ci-dessus: Le Désert Rouge de Michelangelo Antonioni le 28 octobre 1964.
C’est à partir du 22 juin 1963 que l’Impérial Pathé est intégré dans la prestigieuse combinaison du Biarritz ce qui permet l’arrivée des films Art & Essai sur les Grands boulevards, jusqu’alors peu programmés dans ce quartier parisien. Le premier d’entre eux, Le Fanfaron de Dino Risi avec Vittorio Gassman, Catherine Spaak et Jean-Louis Trintignant est exploité en version originale dans les deux salles. Suivent Muriel d’Alain Resnais avec Delphine Seyrig le 2 octobre 1963, date à laquelle le Studio des Ursulines complète le tandem. Ces trois salles constituent une combinaison très prisée des distributeurs, les films restant de longues semaines à l’affiche.
On y découvre dans ce trio de cinémas Tom Jones de Tony Richardson avec Albert Finney à partir du 12 décembre 1963 et durant vingt-six semaines, Le Désert rouge de Michelangelo Antonioni avec Monica Vitti le 28 octobre 1964, Zorba le grec de Michael Cacoyannis avec Anthony Quinn et Irène Papas le 4 mars 1965 durant trente semaines, Pierrot le fou de Jean-Luc Godard avec Jean-Paul Belmondo le 5 novembre 1965, La Vie de château de Jean-Paul Rappeneau avec Catherine Deneuve et Philippe Noiret le 26 janvier 1966, la Palme d’or cannoise Un Homme et une femme de Claude Lelouch le 27 mai 1966 durant trente-trois semaines ou bien Le Scandale de Claude Chabrol le 31 mars 1967.
Ci-dessus: la salle et son balcon en 1967, avant les transformations.
Le cinéma mono-écran rénové.
Restée dans son décor d’origine, la salle de l’Impérial devient démodée à une époque où le design des années 1960 atteint le summum de la modernité. Après avoir entrepris la rénovation totale du site, Pathé inaugure le 11 septembre 1967 le nouvel Impérial avec une présentation destinée à la profession.
Le Film français commente les transformations : « L’architecte Vladimir Scob assisté de Jean Touraine a entièrement reconstruit l’Impérial sur des bases absolument nouvelles puisqu’il n’a pas hésité à sacrifier une centaine de fauteuils (338 au lieu de 440) pour accroître l’habitabilité et le confort de ce théâtre dont on note, dès l’abord, le nouveau hall et la configuration dissymétrique. Deux escaliers en fer à cheval conduisent au parterre où l’on remarque les confortables fauteuils semi-clubs corail (Etablissement Quinette) et les beaux luminaires (Luminux). (…) Des projecteurs Kalee-21 couvrent l’écran de 7 mètres de base spécialement implanté pour la visibilité générale. A signaler encore la climatisation, les toilettes spacieuses et les cabines téléphoniques réservées au public ».
Ci-dessus: Le Grand Maulnes de Jean-Gabriel Albicocco le 29 septembre 1967.
Ci-dessus: la salle rénovée en 1967.
Le mono-écran fait sa réouverture le 13 septembre 1967 avec Mon amour, mon amour de Nadine Trintignant avec Jean-Louis Trintignant et Valérie Lagrange, également à l’affiche des cinémas Mercury et Bonaparte. L’impérial reste associé au Biarritz et aux Ursulines, auxquels s’ajoute le Cambronne, en présentant dès le 29 septembre 1967 Le Grand Meaulnes de Jean-Gabriel Albicocco. Suivent Les Biches de Claude Chabrol avec le duo vénéneux Stéphane Audran et Jacqueline Sassard le 22 mars 1968, Je t’aime, je t’aime d’Alain Resnais le 24 avril 1968, Le Lauréat de Mike Nichols le 4 septembre 1968, Rosemary’s baby de Roman Polanski le 31 octobre 1968, Ma nuit chez Maud d’Eric Rohmer le 4 juin 1969, Satyricon de Federico Fellini le 19 décembre 1969, Les Choses de la vie de Claude Sautet le 13 mars 1970, Le Genou de Claire d’Eric Rohmer le 11 décembre 1970 ou bien Mort à Venise de Luchino Visconti le 28 mai 1971.
En 1971, Gaumont ouvre sur les Champs-Elysées une nouvelle et prestigieuse salle d’exclusivité, le Gaumont Champs-Elysées qui, dans un premier temps, affiche des sorties exclusives. L’Impérial rejoint par la suite les sorties du Gaumont pour des films comme Ce plaisir qu’on dit charnel de Mike Nichols le 23 février 1972, Ludwig : Le Crépuscule des dieux de Luchino Visconti avec Helmut Berger le 15 mars 1973, Nos plus belles années de Sydney Pollack le 6 mars 1974, Amarcord de Federico Fellini le 8 mai 1974 ou bien Violence et Passion de Luchino Visconti avec Burt Lancaster, Silvana Mangano et Helmut Berger le 19 mars 1974.
Le temps des cinémas multisalles.
C’est après une dernière projection de Cousin, cousine de Jean-Charles Tacchella avec Marie-Christine Barrault et Victor Lanoux que l’Impérial Pathé ferme ses portes le 17 février 1976 pour subir des transformations majeures. Pathé prévoit de proposer cinq écrans entre l’Opéra et Richelieu-Drouot en créant trois nouvelles salles dans le complexe de l’Impérial qui viennent s’ajouter aux deux salles du Français transformé.
L’achèvement du tronçon de jonction du RER Nation-Aubert et l’ouverture de la station Aubert-Opéra sont à l’origine du nouveau dynamisme du quartier. Il ne faudra que 59 jours ouvrables pour mener à bien le chantier de l’Impérial après trois mois consacrés aux études et aux démarches administratives. La salle 1, toute en longueur et en pente inversée, possède 274 fauteuils, la salle 2, fauteuils roses, couleur violine, possède 145 places avec un écran de 5,80 mètres et la salle 3 possède 75 fauteuils et un écran de 4,20 mètres.
Ci-dessus: le nouveau complexe en 1976.
Ci-dessus: la salle 1 en 1976.
Ci-dessus: la salle 2 en 1976.
Ci-dessus: la salle 3 en 1976.
Ci-dessus: le hall en 1976.
La réouverture du nouveau multisalles Impérial Pathé a lieu le jeudi 6 mai 1976 avec à l’affiche F… comme Fairbanks de Maurice Dugowson avec Patrick Dewaere, Miou-Miou et Michel Piccoli, Le Pont de singe de André Harris, Alain de Sedouy et Charles Nemes et les prolongations du nouveau Claude Lelouch Le Bon et les méchants avec Jacques Dutronc et Marlène Jobert. Dix ans plus tard, en 1986, une nouvelle rénovation du site est effectuée.
Ci-dessus: La Marquise d’O… d’Eric Rohmer le 26 mai 1976.
Ci-dessus: la façade en 1981. A l’affiche: Garde à vue de Claude Miller, La Maîtresse du lieutenant français de Karel Reisz et La Guerre du feu de Jean-Jacques Annaud.
L’ère Gaumont avant la fermeture définitive.
En janvier 1992, les salles sont reprises par Gaumont qui entreprend la rénovation du site aux couleur, dignes de Stendhal, de la firme à la marguerite : rouge et noir. Le circuit de Nicolas Seydoux déploie une intense publicité qui promeut les 14 écrans Gaumont du quartier de l’Opéra : le Français, l’Opéra Premier et l’Impérial. Avec une programmation Art & Essai, le Gaumont Impérial intensifie les projections en version originale sur les Grands boulevards, initiées par le Max Linder. Si beaucoup contestent les petits écrans de l’Impérial, symboles d’une époque bientôt révolue, le succès est dû à une programmation de qualité.
Après 75 ans d’activités cinématographiques, le glas sonne pour le Gaumont Impérial : la fermeture définitive est annoncée pour la soirée du dimanche 29 avril 2001. C’est avec les films Mon père, il m’a sauvé la vie de José Giovanni avec Bruno Cremer, Le Roman de Lulu de Pierre-Olivier Scotto avec Thierry Lhermitte et Claire Keim et le film d’horreur Ring de Hideo Nakata que l’Impérial joue sa dernière séance.
Ci-dessus: Jane B. par Agnès V. d’Agnès Varda le 2 mars 1988.
Ci-dessus: la façade en 1995.
Ci-dessus: la façade en 1996.
Ci-dessus: la reprise de Ben-Hur de William Wiler en 1998.
Ci-dessus: fermeture définitive du Gaumont Opéra Impérial le 29 avril 2001.
Texte: Thierry Béné
Documents: La Cinématographie française, Le Film, Le Film français, Cinémas de France, La Technique cinématographique, Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, Gallica-BnF, France-Soir, Pariscope et collection personnelle.
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